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des plus anciennes fondations grecques dans l'ile. Syracuse, colonie de Corinthe, Agrigente, d'origine dorienne, furent les ports de commerce les plus riches; leur marine entretenait des rapports continuels avec Carthage, la Cyrénaïque, l'Egypte, l'Asie Mineure, la Grèce et la GrandeGrèce.

Chalcis s'était de bonne heure aventurée au delà du détroit de Sicile, l'effroi des marins dans la haute antiquité; elle contribua même plus tard à y coloniser Zancle; elle s'était avancée au delà du promontoire Misène et avait fondé en Campanie Cumes, qui forma à son tour de nombreux comptoirs sur les côtes voisines, devint le siége d'un vaste empire maritime et la rivale longtemps heureuse des Carthaginois et des Etrusques dans la mer Tyrrhénienne.

Plus loin encore avaient poussé les Phocéens : ils occupaient en Sardaigne, Olbia; en Corse, Aleria; en Gaule, Marseille, grande cité, qui, devenue à son tour un foyer de colonisation, étendit ses établissements depuis Nice, en Ligurie, jusqu'à Empories, en Espagne.

Rome et Constantinople. - Quand les colonies d'Asie Mineure eurent été amoindries par la domination des Perses, quand Tyr eut été définitivement ruinée par Alexandre, quand Rome eut détruit Carthage et réduit sous sa domination les provinces de l'Occident et la Grèce, les routes maritimes de l'Atlantique furent négligées et le commerce sembla se replier dans la mer Intérieure, devenue un lac romain. Gadès seule conserva au delà des Colonnes d'Hercule une assez grande importance. Quelques places, telles que Marseille, Corcyre, Corinthe, Smyrne, Ephèse, Rhodes, conservèrent une grande importance; mais les deux capitales, Rome et plus tard Constantinople, attirèrent à elles pour leur consommation, sinon tout le commerce, du moins la plus grande partie des denrées venues sur les bords de la Méditerranée et des marchandises lointaines.

Alexandrie.

Cependant Alexandrie continua avec grandeur le rôle de Tyr. Si les caravanes de la haute Asie gagnaient l'Oronte et Antioche, celles d'Arabie et de Syrie se portèrent vers le Delta, par Arsi noé ou Raphia, tandis que de l'ouest venaient, par les bords de la mer, les marchandises de Cyrène, et par l'oasis d'Ammon les richesses des Garamantes, et que du Soudan d'autres caravanes arrivaient par le désert de Nubie ou par les rives du Nil. Sous les Ptolémées, la marine égyptienne avait refleuri. Les flottes égyptiennes, et plus tard les marchands romains, allaient chercher les produits de l'Arabie Heureuse et de l'Inde et les amenaient dans le port d'Arsinoé, au fond du golfe Héroopolite, d'où elles étaient conduites, sur les bateux du canal de Bubastis, jusqu'au Nil et jusqu'à Alexandrie; mais les difficultés de la navigation dans la mer Rouge firent préférer aux armateurs le port de Myos-Hormos, puis celui de Bérénice, d'où les caravanes transpor

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taient à dos de chameau la cargaison à Coptos sur les bords du Nil. La navigation de la mer Erythrée. Tous les ans, au commencement de l'été, des flottes partaient de Bérénice, et, touchant successivement à Adulis et à une seconde Arsinoé, arrivaient en un mois à la pointe d'Arabie, d'où la mousson les portait en quarante jours à Muziris sur la côte de Malabar. Elles ne s'arrêtaient pas là; sous l'empire romain, de hardis marchands allaient au delà de la Taprobane, dans le golfe du Gange; quelques-uns même poussaient jusqu'à la Chersonèse d'or, aujourd'hui la presqu'île de Malacca, et, franchissant le détroit, naviguaient dans les eaux de la mer de Chine jusqu'à une ville que les anciens nomment Cattigara, et qui paraît n'être autre que Canton. Les limites du monde ancien s'étaient bien étendues de ce côté, quoique par delà la Chersonèse d'or on n'eût alors que des relations rares et des connaissances très-imparfaites.

Les flottes rapportaient d'Orient des parfums et des épices, principalement de la myrrhe, de l'amome, de la cannelle et du gingembre, de l'encre de Chine, des pierres précieuses: onyx, perles, émeraude, saphir, diamant, turquoise, aigue-marine, de l'ivoire, de la pourpre et diverses teintures, des étoffes de lin, de coton et de soie, des soies filées ou brutes, des peaux, des lions, des léopards, des panthères, des eunuques. L'Empire se montra très-jaloux de ce commerce qui enrichissait les négociants d'Egypte, et qui procurait un grand revenu au fisc; on dit même que par rivalité commerciale les Romains détruisirent Aden, qui était le principal entrepôt des marchands indigènes.

L'Occident avait peu de produits à offrir en échange de ces marchandises, et c'était presque uniquement avec les métaux précieux qu'il s'acquittait. Pline se plaint que ce commerce de luxe coûtât par an 100 millions de sesterces (20 millions de francs).

§ 2. LE MOYEN AGE

La chute de l'empire d'Occident rompit l'harmonie du commerce antique, et les contrées envahies par les barbares restèrent pendant des siècles dans l'isolement. Cependant Constantinople et Alexandrie, sous le sceptre des empereurs d'Orient, furent longtemps encore les anneaux qui par le commerce rattachèrent les deux mondes.

L'Asie. Lorsque l'invasion arabe eut repoussé les Grecs jusqu'en Asie Mineure et uni par la conquête et la religion les peuples de l'Afrique, de l'Arabie, de la Syrie et de la Perse, le commerce profita de cette unité, et une nouvelle ère de splendeur s'ouvrit pour les villes d'Asie. Alexandrie déclina, parce que les Arabes entretinrent peu de rapports maritimes avec les chrétiens. Mais le Caire devint un marché considérable où se rendaient les caravanes des côtes barbaresques de l'Afrique centrale, de l'Ethiopie et de l'Arabie. Damas, en communication avec le Caire,

la Mecque et l'Euphrate, vit ses jours les plus prospères. Alep éclipsait Antioche. Dans l'ancienne Mésopotamie, Babylone et Ctésiphon n'étaient plus; mais Bagdad les avait remplacées, et Bassora, qui sur le Chatt-elArabs lui servait de port, était renommée pour les immenses richesses de ses marchands. Hérat, Kandahar sur les frontières de l'Iran, Samar cande dans le Touran, étaient de vastes marchés et de belles cités dont les voyageurs racontaient les merveilles. D'ailleurs les routes étaient toujours celles de l'antiquité; mais les événements religieux et poli tiques qui avaient fait la fortune de l'Asie avaient amené une circulation plus active et avaient enrichi les grandes stations.

L'Europe. Les nations chrétiennes participèrent tardivement à cette activité. Au milieu de cette barbarie nouvelle, ce ne fut pourtant pas l'Orient qui alla porter le commerce et la vie à l'Occident, comme l'avaient fait dans l'antiquité les Phéniciens et les Grecs; l'Occident se réveilla de lui-même, et ce fut l'Italie qui devint son grand entrepôt maritime.

Venise. Venise, à peine née au fond de ses lagunes, lança ses navires dans la Méditerranée. Au vi siècle, du temps de Cassiodore, elle allait déjà dans les ports de l'empire grec chercher les épices, les tissus d'or et de soie, les peaux teintes, la pourpre, les plumes, l'ivoire, les pierres précieuses, et portait en échange des bois de construction, du fer et des armes. La conquête arabe n'interrompit pas, dans les échelles du Levant du moins, des relatious qui, dès le XIe siècle, firent de Venise un puissant empire. La république ne fondait pas des colonies comme les anciens, mais elle faisait des conquêtes et formait des comptoirs; elle étendit successivement la ligne de ses possessions sur la Dalmatie, l'Illyrie, Corfou, Coron, Candie, Nauplie, Naxos et Négrepont, s'assurant ainsi de la route qui conduisait ses flottes dans les ports de Syrie, ou à Constantinople et dans la mer Noire. La destruction de l'empire grec et les progrès des Turcs, avec qui elle fut presque constamment en lutte, la repoussèrent peu à peu de l'Archipel et commencèrent sa décadence. Amalfi avait été, au x1° siècle, l'émule de Venise; ses flottes naviguaient alors dans les mers du Levant, sur les côtes barbaresques, et l'on voyait réunis dans son port les marchands de l'Arabie, de l'Inde, de la Sicile et de l'Afrique. La perte de sa liberté et la jalousie des Pisans lui furent fatales.

Pise ne jouit pas longtemps de son trimphe. Au XIIe siècle, elle était maîtresse de la Corse et de la Sardaigne, par lesquelles elle tenait le bassin antérieur de la Méditerranée, et elle avait des comptoirs à Ptolémaïs, Tyr, Tripoli, Antioche et Constantinople. Mais Gênes était jalouse d'elle, comme elle avait été elle-même jalouse d'Amalfi, et à la fin du XIIIe siècle Pise succomba.

Gênes. Gênes resta la seule rivale de Venise, dominant sur la côte

occidentale de l'Italie, comme celle-ci dominait sur la côte orientale. Dans l'Archipel et dans l'Orient, elles se rencontraient et leur rivalité ensanglanta bien souvent les flots. Gênes avait établi en Orient son commerce et sa domination à la suite des croisés. A Ascalon, Assur, Césarée, elle jouissait du monopole; Gibelet lui appartenait; à Laodicée, elle avait un quartier et possédait une partie des revenus du port. La destruction du royaume de Jérusalem emporta la plupart de ces priviléges; néanmoins les Génois conservèrent des comptoirs dans l'ancienne Cilicie, entre autres ceux d'Aïas, de Tarse et de Sis; alliés des empereurs grecs, ils se firent donner les plus importantes îles des côtes d'Asie Mineure, Samos, Chio, Lesbos, Lemnos, Imbros, dominèrent dans le faubourg de Galata, à Constantinople, et, au XIVe siècle, exercèrent dans la mer Noire une influence beaucoup plus grande que les Vénitiens : ils y occupaient Amastra dans l'Anatolie et toute la côte orientale de la Crimée, où ils avaient fondé Caffa. Là, ils achetaient les grains, les peaux, la laine, les salaisons, l'alun, le sel, les bois de construction, et par un trafic peu honorable pour des chrétiens, des jeunes gens et des jeunes filles qu'ils revendaient au sultan du Caire. Là aussi, les caravanes d'Astrakan leur apportaient de la Grande - Boukharie les marchandises de l'Inde, poivre, indigo, coton et soie, et quelques rares produits de la Chine.

Cette route de la Chine par le Turkestan ne resta pas longtemps ouverte. Quand Caffa eut été détruite, ce fut à Tana, aujourd'hui Azof, que se rendirent les marchands italiens, et de là un voyage qui durait un peu moins d'un an, et qui coûtait environ 300 ducats les conduisait dans l'empire de Cathay. Mais la destruction de Tana par les Tartares de Tamerlan, et l'avénement de la dynastie des Ming qui, en 1368, fermèrent la Chine aux étrangers, détruisirent ce commerce, et rompirent des relations qui tendaient à devenir chaque année plus fréquentes depuis les voyages de Rubruquis et de Marco-Polo et la publication du livre de Marin Sanuto.

Gênes fut chassée de l'Orient par la conquête ottomane, sans avoir même l'honneur de résister comme Venise, et elle s'amoindrit au milieu de ses dissensions intestines. Florence alors, quoique privée de port, était devenue, grâce à l'activité de ses marchands et de ses banquiers, une place de commerce plus riche qu'elle, et à l'occident, Marseille et Barcelone, qui avaient prospéré durant tout le moyen âge, s'élevaient presque à sa hauteur.

Routes d'Italie en Allemagne et en France. — Venise, Gênes, Florence, au temps de leur splendeur, étaient comme Tyr dans l'antiquité, de grandes cités industrielles, mettant en œuvre la matière première, fabriquant le verre, les soieries, le drap, teignant les étoffes, fondant les métaux, travaillant l'or, le fer, le bois, et distribuant dans le centre et

jusque dans le nord de l'Europe les richesses de l'orient et celle de leurs propres ateliers.

De Venise, les marchands se rendaient par Aquilée, comme au temps des Romains, à Laybach, dans la vallée de la Save, et de là sur les bords du Danube, commerçant avec les Croates, les Serviens et les Hongrois.

D'autres marchands, prenant la route du Tyrol par Trente et Inspruck, gagnaient Ausbourg et Nuremberg, les deux grands entrepôts de l'Allemagne centrale, qui mettaient en communication la Méditerranée et les mers du Nord, les républiques d'Italie et la hanse teutonique. Les riches négociants d'Ausbourg et de Nuremberg, quoique placés au milieu du continent, avaient des vaisseaux sur toutes les mers et des comptoirs dans le Levant.

Les Vénitiens fréquentaient encore deux routes de terre: l'une à travers le Saint-Gothard les menait, par la vallée du Rhin ou par celle de la Reuss, vers Schaffhouse et vers Båle, d'où ils allaient rejoindre les grandes villes commerçantes de la Souabe ou du Rhin; l'autre, par le Simplon ou le Monte-Moro, les conduisait sur les bords du Rhône et de là à Genève et à Lyon ou dans la Champagne à travers le Jura.

Cette dernière route était très-fréquentée; les Lombards la prenaient d'ordinaire ainsi que les Romagnols et les Florentins, les Génois préféraient se rendre par Testone et Turin au mont Cenis, et de là sur les bords du Rhône. En trente-cinq jours, on allait de Paris à Gênes au XIVe siècle.

Ce fleuve était au midi ce qu'était au nord le Rhin : la grande route du commerce intérieur. Marseille en Provence et Aigues-Mortes en France étaient ses ports. Sur ses rives, les foires de Tarascon, de Beaucaire, de Vienne, de Lyon, de Genève, attiraient la foule des marchands de l'Italie, de l'Espagne, de l'Afrique, du Levant, de la France et du Rhin. A la foire de Beaucaire on voyait surtout les Africains et les Orientaux; c'était une des plus célèbres de l'Europe, et l'on peut juger de son importance, en songeant qu'elle est aujourd'hui, en pleine décandence et qu'on y fait encore 30 millions d'affaires. Aux foires de Lyon, c'étaient les Italiens qui étaient en plus grand nombre; celles-ci ne dataient que du xve siècle; mais elles n'avaient pas tardé, sous Louis XI et sous Charles VIII, à rivaliser avec Beaucaire et à éclipser Genève.

Elles avaient remplacé les foires de Champagne et de Brie, si brillantes au XIII et au xive siècle. Pendant plus de deux cents ans, tous les marchands des provinces de l'ancienne Neustrie, de la Lorraine et de l'Italie s'y étaient donné rendez-vous, et six fois par an, à Troyes, à Provins, à Lagny, à Reims ou à Bar-sur-Aube, y avaient échangé les produits du Nord contre les riches marchandises du Midi et de l'Orient.

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