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LITTÉRAIRE

ANNÉE M. DCC. LXXXVI.

Parcere perfonis, dicere de vitiis.Mart,
TOME TROIS

A PARIS,

Chez MERIGOT, le jeune, Libraire
Quai des Auguftins, au coin de la
rue Pavée.

M. DCC. LXXXVI,

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L'ANNÉE

LITTÉRAIRE;

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LETTRE I.

EPITRE A L'AMITIÉ, qui a été lue le lundi 3 Février 1786, à l'assemblée publique de l'Académie Françoife, le jour où M.leComte de Guibert y eft venu prendre féance, à la place de M. Thomas; par M. Ducis, Secrétaire ordinaire de MONSIEUR, Frère du Roi, l'un des quarante de l'Académie Françoife, avec cette épigraphe prife de Fenelon: Il feroit à défirer que tous les bons Amis s'entendiffent pour mourir enfemble le même jour. A Paris, chez Gueffier, Imprimeur au bas de la rue de la Harpe.

NOUS
Nous avons eu, Monfieur, beau-

coup de Poëtes qui ont chanté l'Amour, N°. 13. 11 Avril 1786, Aij

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& fort peu qui aient célébré l'Amitié. Rien de fi commun que des beauxefprits amoureux de maîtreffes qui les ont bien ou mal traités, ou qu'ils n'ont jamais vues; mais deux Poëtes vraiment amis, rien n'eft fi rare. Les exemples fameux de Virgile & d'Horace, de Racine & de Boileau, n'ont guère eu d'imitateurs. Il eft bien glorieux pour MM. Ducis & Thomas d'avoir été les émules de ces grands hommes, du moins en amitié. Si le goût avoit encore préfidé à cette union, comme à celle de Defpreaux & de Racine, M. Thomas auroit garanti M. Ducis de les écarts tragiques, & M. Ducis auroit tâché de guérir M. Thomas de fon enflûre oratoire ; mais il y avoit entr'eux une fympathie d'efprit & de talens, qui a peut-être autant contribué à leur liaifon que la fympathie du cœur & des fentimens. En effet, le mérite de l'un & de l'autre de ces Ecrivains confifte en une certaine élévation de pensées, en des mouvemens énergiques qui expriment fortement la nature, quand par hafard ils l'ont faifie. Leurs défauts

font auf les mêmes; de l'exagération, de la roideur, de la déclamation, de la bouffiffure, & tout ce qui tient au mépris des règles & des

genres.

Cette Epitre à l'Amitié en eft une nouvelle preuve, de la part de M. Ducis, On y retrouve le mérite que nous aimons à lui reconnoître, & ces défauts dont nous fouhaiterions qu'il fût exempt. Il veut faire une Epitre, & il oublie d'abord quel doit être le ton de l'Epitre ; il s'exhale en apoftrophes, en exclamations, en tirades ampoulées & théâtrales. Il parle de l'Amitié ; & au lieu de ces fentimens pleins de douceur & de tendreffe qui coulent facilement du cœur, on voit des convulfions de fenfibilité, une expression pénible, un ftyle gêné & tendu, Tout cela eft racheté par de beaux mouvemens & des vers heureux; mais c'eft rarement le ton d'un ami vivement affecté, qui épanche fon ame; c'eft plutôt celui d'un Poëte qui fonge à échauffer fa verve, en raifonnant fur Amitié. Vous allez voir fi je me trompe, par le compte détaillé que je

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