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rorien; les plaintes d'Herfilie aban donnée, qui rappellent celles d'Armide; la defcription d'une pefte, d'après Thucidide, Lucrece, Virgile, Bocace & autres ; la plupart des defcriptions de batailles, & des comparaifons qui fe rencontrent dans tous les Poëtes épiques.

Voici quelques morceaux qui pourront vous donner une idée de la manière dont ce livre eft écrit. Dans le fecond livre, Numa traverse le pays des Fidenates, & arrive dans le territoire de Rome.

Il le diftingue aifément de celui ≫ de fes voifins : les campagnes y font » défertes; les terres incultes n'y pro« duifent que de l'ivraie; les trou» peaux foibles & dispersés y trouvent » à peine leur nourriture: point de » moiffonneurs qui recueillent les prés » fens de Cérès; point de glaneufes » qui fuivent en chantant la famille » du laboureur; point de berger qui » fur le penchant d'un côteau, tran» quille fur fes brebis que fon chien » fidèle empêche de s'écarter, chante >>fur fa flûte la beauté d'Amaryllis

» ou les douceurs de la vie cham» pêtre. Tout est triste, morne, filen» cieux. Les villages dépeuplés n'of » frent que des femmes & des vieil»lards. Celle ci pleure fon époux, » celle là fon frère, tués dans les com» bats. Ici c'eft un vieillard qui va » mourir fans confolation & fans fe» cours il n'a plus d'enfans, le der» nier vient de lui être enlevé pour » fervir dans l'armée de Romulus, Ce » père au défefpoir, jette des cris » plaintifs, fe meurtrit le vifage, arra» che fes cheveux blancs, & maudit

les armés de fon Roi. Là, c'est une » mère qui fuit avec le feul fils qui lui » refte; elle eft fûre qu'on viendroit

l'arracher de fes bras : elle aime » mieux quitter fon pays, fa maison, » le champ qui la nourriffoit, pour » aller mendier du pain chez un peu

ple qui lui laiffera du moins fon fils. » Par-tout la trifteffe, la pauvreté, la » désolation étalent leur affreufe image; » & les fujets de Romulus, depuis » que leur maître connoît la gloire, » ne connoiffent plus ni le repos ni le bonheur,

Dans le huitième livre, l'Amazone Camille, à qui le berger Leo a sauvé la vie, vient le voir quelque tems après, & lui demande ce qui manque à fon bonheur. Leo répond en baiffant les yeux.

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« O vous que je ne fais comment » nommer, vous qui m'infpirez ce respect que je n'ai fenti que pour les » Dieux, vous avez daigné vous fouvenir d'un Berger ! vous avez daigné >> revenir le voir! Ah! cette bonté eft > plus grande que le fervice que je vous » ai rendu ; dès ce moment, c'eft moi >> qui vous dois de la reconnoiffance. » Vous me demandez ce qui me man» que pour être heureux avant de

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vous avoir vue, il ne me manquoit » rien. Nous fommes riches ma mère » & moi, nous avons une chaumière qui nous garantit des injures de » l'air un jardin qui nous nourrit, » un troupeau qui nous habille: en» core vais-je fouvent dans les villages » voifins porter le fuperflu de notre » laine, vendre quelques agneaux qui groffiroient trop le troupeau; & je » rapporte à ma mère des pièces d'ar

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»gent, bien inutiles pour nous, mais que nous donnons avec joie aux vieillards pauvres qui, de tems en »tems, viennent nous demander l'hofpitalité. Vous n'avez donc qu'un » feul moyen de rendre mes jours plus heureux; c'eft celui que vous pre» nez aujourd'hui ; car voici le plus » beau jour de ma vie ».

M. de Florian réuffit beaucoup mieux dans les détails qui convienent à l'Idylle, que dans ceux qui appartiennent à l'Epopée ; fa lyre, trop foible pour célèbrer les Dieux & les Héros, ne paroît faite que pour chanter les Bergers & les bois : qu'il continue de jouer de la flûte, & n'essaye point d'emboucher la trompette; qu'il

retourne aux moutons & aux tourterelles d'Elicio; qu'il peigne l'amoureuse inquiétude de Galatée, & qu'il laiffe là les Rois & les combats. C'est à l'Auteur de Numa, qu'on doit appliquer ce qu'Horace fe dit à lui-même par modeftie, à la fin de la première Ode du fecond Livre :

Sed ne relictis, Mufa procax, jocis.

Cææ retractes munera næniæ

Mecum dionæo fub antro
Quære modos leviore plectro.

Mufe téméraire, pourquoi aban→ donner les ris & les jeux, pour retracer des fcènes fanglantes & tragi ques; viens avec moi dans l'antre de Vénus, effayer des accords plus convenables à ta foibleffe.

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