Images de page
PDF
ePub

tent rien à l'image, & qui appelantiffent la phrafe! N'y a-t-il pas de l'affectation, & peut-être une oppofition forcée, à dire qu'on ne peut pas Jupporter tout fon bonheur, quand on eft chargé d'ennui? Je ne crois pas non plus que fur mes bords, foit François à moins qu'on ne faffe parler le Dieu d'un fleuve. Enfin je ne vois pas, dans tout ce début, un feul vers qui exprime vivement le charme de l'Amitié Continuons.

Oui contre deux amis la fortune eft fans armes;

Ce nom répare tout: fçais-je, grace à fes

charmes,

Si je donne ou j'accepte? 11 efface à jamais Ce mot de bienfaiteur, & ce mot de bienfaits.

Si, dans l'été brûlant d'une vive jeunelle, Je faifis du plaifir la coupe enchantereffe Je veux, le front ouvert, de la feinte ennemi,:

Voir briller mon bonheur dans les yeux

d'un ami.

D'un ami !· ce nom feul me charme &

me raffure.

A

.

C'est avec mon ami que ma raifon s'épure Que je cherche la paix, des confeils, un appui.

Je me foutiens, m'éclaire, & me calme avec lui.

2

Dans des pièges trompeurs, fi ma verta

fommeille,

J'embraffe en le fuivant fa vertu qui m'éveille.

Dans le champ varié de nos doux entretiens;-

Son efprit eft à moi, fes tréfors font les miens.

Je fens dans mon ardeur, par les fiennes

preffées,

Naître, accourir en foule, & jaillir mes

pensées...

Mon difcours s'attendrit d'un charme intéreffant,

Et s'anime à fa voix, du gefte & de l'accent..

Encore des réflexions & point defentimens. Auffi, que de froideur & de féchereffe ! Sais-je fi je donne ou j'accepte? Est-ce là de la poëfier? A quoi fert cette répétition, ce mot de bienfaiteur & ce mot de bienfaits }

Il est aifé de remplir ainfi un vers, & M. Ducis abufe un peu trop de ce moyen facile. D'ailleurs, la penfée n'eft pas nette : le nom d'ami n'efface pas à jamais celui de bienfaiteur. Le bien qu'on fait à fon ami, on le fait à foimême voilà ce que le Poëte vouloit dire; mais il a fubtilifé fon idée, & il en a ôté le naturel. Là répétition de ce mot d'un ami, annonçoit un mou→ vement tendre, & il n'y en a point. Elle n'eft même qu'un rempliffage: auffi eft-elle très-froide. D'un ami! ce nom feul me calme & me raffure. Quel besoin J'Auteur a-t-il d'être calmé & rassuré? Jufqu'à préfent, il a eu le fens trèsraffi. Il prodigue trop le mot de charme. Le mot n'eft pas la chofe; & P'on aimeroit mieux trouver l'une que l'autre dans fon Epitre. Je fens, dans mon ardeur, , par les fiennes preffées; on croit d'abord que les fiennes, fignifient fes ardeurs, & il faut achever le vers fuivant, pour entendre que les fiennes ce font fes pensées; ce qui rend la phrafe louche. Mon difcours s'anime à fa voix du gefte & de l'accent. Cette chute eft bien foible. On anime fes

difcours du gefte & de l'accent, en toute forte d'occafions, & fans parler à fon ami. Dans tout ce paffage, les idées font trop communes & trop délayées; il n'y a que ce vers qui ait de la vivacité & de la précision:

J'embraffe, en le fuivant, fa vertu qui m'éveille.

L'Auteur, qui n'a point fait de plan, qui n'a cherché que des détails & des tirades, fans y mettre de liaison ni d'ensemble, s'en va au village avec fon ami; & là, il nous peint les plaifirs champêtres qu'ils goûtent enfemble; ou plutôt il ne peint rien. Ce font toujours des réflexions. Il nous dit que leurs deux cœurs, comme deux lys qui viennent d'éclore, l'un vers L'autre en naiffant fe font d'abord penchés. Deux cœurs qui fe penchent l'un vers l'autre, eft une expreffion bien forcée. Deux cœurs ont du penchant, mais ils ne fe penchent point. Se pencher ne s'employe jamais au figuré. It nous rappelle les momens agréables qu'Horace paffoit à Tibur, avec Visgile, Horace, dit-il :

Entendoit, fur des fleurs, ce vers magique & tendre,

Qui fit plaindre Euriale, & peignit Troye en cendre.

Les Latins difoient fort bien carmen pour carmina; mais en François, ce vers ne peut fe dire pour ces vers.

Le Poëte veut nous faire fentir combien l'Amitié eft préférable à l'Amour, & voici comme il peint cette paffion brûlante:

Sans doute il eft un âge où, bouillant dans nos veinęs,

De défirs, de transports, notre sang allumé Dans les étroits canaux, avec peine enfermé,

Comme un torrent de feu, court & se pré. cipite.

L'efprit eft agité, le cœur s'enfle & palpite.

Le jeune homme, à l'aspect de la jeune

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »