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Quatre Orateurs ont célébré M. le Duc d'Orléans; mais il n'y en a que deux dont le Panegyrique foit imprimé? C'eft de celui de M. l'AbbéFauchet, qui paffe pour le meilleur, que je vais vous rendre compte, après vous avoir expofé quelques notions préliminaires & indifpenfables, fur le genre de l'Oraifon funèbre,

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Vous favez que le Panégyrique, ou cette forte de difcours, qui a pour objet les morts célèbres, fe divile en trois efpèces; l'Eloge hiftorique, l'Eloge funèbre & Oraifon funèbre. Le premier eft entièrement prophane, On s'en fert pour payer un jufte tribut de louanges à des citoyens illuftres, uniquement comme citoyens : de la clarté, de la pureté voilà toutočé qu'il demande; & fi l'on y joint une certaine élégance fine & ingénieuse, comme Fontenelle, on eft arrivé au dernier degré de la perfection. L'Eloge funèbre tient le milieu entre la fimpli-.... cité de l'Eloge hiftorique & la pomp de Oraifon funebre. Celle toutes les richeffes,& v ,& pour ainfi dire tout le fafte de félocution, Mais cela

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ne fuffit pas. L'Oraifon funèbre de Louis XIV, par Maffillon, eft peut-être une de celles où toute la magnificence de l'expreffion eft étalée avec le plus de profufion. Cependant on ne la met pas au rang des grands morceaux dans ce genre. Pourquoi ? C'eft qu'elle n'a pas la forte de beautés qu'il exige. Il faut qu'elles ayent quelque chose d'auftère & de fombre, & qu'un crêpe lugubre en intercepte, en quelque façon, l'éclat. On ne fauroit auffi y mettre trop de grandeur & d'élévation. Le peu de fuccès de Maffillon dans cette carrière, prouveroit affez ce que dit Longin, que parmi les Orateurs, ceux-là communément font les moins propres pour les Panégyriques, qui font les plus pathéti ques; & que ceux au contraire, qui reuffiffent le mieux dans le Panégyrique, s'entendent affez mal à toucher les paffions. Un autre caractère effentiel à l'Oraifon funèbre, eft de tout rapporter à la morale chrétienne; de s'appuyer partout fur l'Ecriture &

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* Traduction de Longin par Boileau,

les Pères; de montrer l'homme toujours fous la main de la Divinité & de prouver par d'illuftres exemples, qu'il n'eft & ne peut être heureux qu'autant qu'il obéit & s'attache à son Créateur. Voilà les vrais principes, & il étoit néceffaire de les rappeller, afin de fixer nos idées, dans un tems où tous les genres font confondus, où l'ignorance réglant tout, brouille tout; enfin, où l'on fait des Oraifons funèbres comme l'Abbé Cotin faifoit des madrigaux & des énigmes.

Le texte de M. F. eft tiré de St. Paul Beneficentia & communionis nolite oblivifci, N'oubliez jamais les devoirs de la bienfaifance & de la fraternité, & il part de ce texte pour établir la divifion & les foudivifions de fon Difcours. Les vertus nationales & les vertus domefliques du Prince nous montreront toujours l'empreinte de fa bonté. Voilà la divifion générale. Les foudivifions de la première partie font : l'attachement au Souverain, le courage pour la défenfe de la Patrie, le refpect pour les Loix, l'amour du Peuple, la fidélité à La Religion, Le Duc d'Orléans eut toutes

ces vertus

& les embellit encore par le charme de la bonté fociale, qui étoit fa qualité fuprême. La feconde partie n'a point de foudivifions. Elle n'offre point, comme la première, des vertus diftinctes de la qualité Suprême du Prince. Elle roule uniquement fur la bienfaifance qu'il exerça envers les malheureux, envers fes ferviteurs,, fes amis, fes proches & lui-même.

en

L'exorde eft un lieu commun fur la 'bonté. Il a le défaut d'être trop vague, & de ne contenir rien qui ne puiffe également convenir à tout autre Prince, dont la bonté auroit fait le caractère. Si l'Orateur vouloit louer, par exemple, le Duc de Brunfwick, il pourroit garder fon exorde tout entier, fubftituant feulement le nom de ce Prince à celui du Duc d'Orléans. Il dit que fon Héros auroit réfifté à fon naturel heureux, s'il eût ceffé un moment d'être bon, & que fa bienfaifance n'étoit que l'action fimple & comme néceffaire d'une ame pour qui la fenfibilité fut l'exiftence. Plus bas, au commencement de Ia première partie, il dit encore que l'attachement du Duc d'Orléans à fon

Souverain, n'étoit ni un fentiment produit par l'exemple & les leçons de fes ayeux, ni l'effet d'une éducation heureufe, mais une inclination innée, un mouvement néceffaire. Si la vertu étoit chez lui une action, un mouvement néceffaire, il n'avoit donc pas de mérite à la pratiquer. Ce n'étoit donc qu'une efpèce d'inftinct; & au lieu de le louer d'avoir été ce qu'il lui étoit impoffible de ne pas être, il fuffifoit de le féliciter en deux mots d'être né avec la prérogative d'un Ange. Vous voyez que l'Auteur n'annonce pas beaucoup d'adreffe dès le commencement de fon Difcours.

Dans la première foudivifion de la première partie, il parle de la dernière maladie de Louis XV, & des marques d'attachement qu'il reçut alors du Duc d'Orléans. Ce morceau eft écrit avec une briéveté énergique & pittorefque renfermé, immobile dans L'enceinte du lit royal, qui n'étoit plus que le théâtre affreux, où la mort affife avec la corruption, s'acharnoit vifiblement fur fa proie, & menaçoit de dé

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