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À 1786. 129 vore tous les fpectateurs de Ja rage implacable, il auroit voulu raffembler fur lui toutes fes fureurs.

A l'occafion du courage du Duc ud'Orléans pour la défenfe de la patrie, M. F. dit que le Prince achetoit dans fes campagnes, des marais & des jardins couverts d'abondans légumes, & qu'il les abandonnoit aux foldats. Ce trait eft fuivi d'une exclamation qui m'a paru bien emphatique. O Prince vraiment bon Ange des camps, qui en écartez te mal, & y verfez les biens providence des armées, augufte image de la bonté, de la paternité fuprême, vous tes Phonneur de la nature & vos aimables vertus font un embelliffement à lunivers. Cette éruption inattendue n'annonce-t-elle pas un enthousiasme factice, un feu de commande, une chaleur de tête, plutôt qu'un cœur vraiment fenfible.

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Autant M. F. eft exalté dans cet endroit, autant sa marche eft fanguiffante, gênée, incertaine dans celui où il traite l'affaire des Magiftrats, fous Louis XV, à l'occafion du respect du Prince pour les loix, Je conviens que

la matière étoit très délicate & qu'elle demandoit beaucoup d'art. Mais fi M. F. ne fe fentoit pas affez de génie pour atteindre au mérite de la difficulté vaincue, il pouvoit du moins l'éluder, & acquérir la gloire d'Orateur prudent, en gardant fur ces objets fublimes un filence refpectueux. Il eft d'autant plus repréhenfible de n'avoir pas pris ce parti, qu'il a bien vului même qu'il auroit dû le prendre: Il eft des évènemens, dit-il, dont noire miniftere ne fe permet pas d'approfondir les caufes; il les couvre de fon filence ; il fe renferme dans fon objet, &c.

Je trouve auffi qu'il étoit au moins inutile, pour prouver l'amour du Prince envers le peuple, de parler dans une Oraifon funèbre, desplaifirs & des fêtes, qu'il procuroit dans fon Château de St. Cloud, aux heureux habitans de la capitale, quoique le Prédicateur appelle tout cela des jouiffances pures. Mais ce que j'aurois défiré, c'eft qu'il fe fût étendu davantage fur l'attachement du Prince pour la Religion, attachement qu'il appelle la cinquième

vertu nationale de fon Héros; & malheureusement tout fe réduit à une froide déclamation contre les athées, qu'il nomme impies; encore dit-il qu'il n'en veut qu'aux impies manifeftes; il refpecte les hommes foibles ou trompés, qui ont le malheur d'avoir des incertitudes & des nuages, ou de fe permettre des négligences ou des oublis fur les vérités de la Religion; & de peur qu'on ne s'apperçoive pas affez des ménagemens qu'il a pour eux, il prie fon auditoire d'y faire

attention.

J'ai dit que la feconde partie rouloit fur la bienfaifance domeftique du Prince, & l'Orateur en cite plufieurs traits, beaux par eux-mêmes, que la manière dont il les raconte, ne peut en étouffer tout l'intérêt.

Vous êtes maintenant au fait, mon cher Ami,du plan, de la marche & du développement de l'Oraifon funèbre de M. le Duc d'Orléans. Outre Je défaut de régularité & de cohérence, il a encore celui de n'être pas affez fondé fur la religion, & ce défaut eft

effentiel, parce qu'il eft contre la nature des discours de ce genre. Retranchez de celui-ci deux lignes à la fin de la première partie, & deux pages à la fin de la feconde; le refte ne roulant plus que fur la bonté naturelle, pourra fe débiter par-tout, à Bofton devant une affemblée de Quakers, auffi bien qu'à St. Euftache, devant un auditoire de Catholiques.

Paffons maintenant à l'élocution c'est à dire, aux penfées & au ftyle. Quelqu'intéreffante, quelque néceffaire même que foit cette difcuffion aujourd'hui que nos Ecrivains outragent fi cruellement le bon fens & la langue, je l'abrégerai le plus qu'il me fera poffible, afin de ne pas faire de cette lettre un volume.

M. F. parlant des Loix & du refpect que tout homme, dans un état, doit avoir pour elles, s'exprime ainft: Les defpotes eux-mêmes obfervent encore quelque modération légale; finon rien ne pourroit fubfifter fous leur empire; ce fefoit un paffage continuel, un continuet retour de la violence à l'anarchie, de Fanarchie à la violence; jufqu'à ce que

le corps focial fut entièrement diffous ou reçût de l'influence néceffaire de la nature, une organisation harmonique & un nouvel étre. Quel fracas de paroles! tout autre auroit dit lorfqu'un Etat eft en proie à l'anarchie, il faut qu'il périfle ou que des circonftances heureufes y faffent renaître l'ordre, parce que c'eft une fituation trop violente pour être de longue durée. Mais cette penfée, fi elle eût été claire, auroit été trop commune. Pour lui donner une apparence de profondeur, il a fallu la rendre inintelligible. Remarquez fur-tout ce paffage conti

nuel, ce continuel retour de la violence à l'anarchie, de l'anarchie à la violence, c'efl-à-dire ce passage & ce retour de la même pofition à la même pofition; la violence & l'anar→ chie étant la même chofe, ou du moins l'une étant inféparable de l'autre.

Veut on dire que ce Prince témoi gnoit fon refpect pour les loix, non feulement par fon zèle à en défendre le précieux dépôt, mais encore par fa fidélité à les obferver lui-même ; voici comme on s'énonce : Le Duc

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