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eft difpenfé du mérite du ftyle n'est pas fait pour être jugé à la lecture, a dû condamner à l'oubli, parmi nous, prefque toutes les pièces du théâtre Grec, dont le fyftême eft fi différent du nôtre, & qui n'offre plus à notre curiofité , qu'une imitation fimple & vraie, & des beautés poëti→ ques, reprouvées aujourd'hui par la multitude.

C'eft-là ce qu'avoit bien fenti le P. Brumoi, en ne traduifant en entier que certaines tragédies de Sophocle & d'Euripide, & faifant connoître par des extraits feulement les autres pièces du théâtre ancien. Pour ne parler que d'Efchyle, dont les ouvrages font à la tête de cette nouvelle édition, fa réputation a prefque tout à perdre par une traduction entière, où l'on ne voit que les ébauches de la créa tion dramatique, & qui fait languir dans une profe timide, les hardieffes de cette poëfie fublime, fi admirée des anciens, & que fi peu de gens aujourd'hui font à portée d'entendre & d'admirer.

M, de Pompignan avoit déjà pris

la peine de traduire tout Efchyle, & fa traduction eftimée de quelques hommes inftruits, n'a pas fait une grande fenfation dans le public. M. du Theil n'a été découragé ni de ce froid accueil, ni d'avoir été dévancé par un écrivain célèbre; il a eu l'efpérance & la noble émulation de faire encore mieux; c'eft ce que nous allons examiner, fans chercher à analyfer les pièces qui compofent ce fecond vo lume; car il ne s'agit pas de faire fentir le mérite d'Eschyle, mais celui des deux traducteurs.

Latragédie d'Agamemnon finit par une très-belle fcène, dans laquelle Egifte & Clitemneftre ofe fe juftifier devant le Choeur, d'avoir affaffiné ce Héros. Le Choeur fait éclater toute fon indignation, avec une force & une chaleur qui devoient produire un grand effet dans une république, où l'on'aimoit àvoir le peuple réfifter avec courage, à la fureur des tyrans. Nous commencerons par la traduction de M. de Pompignan.

EGYS THE.

O jour heureux ! ô jour à qui je dois

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ma vengeance! je croirai déformais que les Dieux veillent du haut du ciel, fur les crimes de la terre, Je le croirai, puifque je vois le corps de mon ennemi dans ce voile tiffer par les furies. Les crimes du père font expiés par le fils. Atrée, Roi de Mycènes & père d'Agamemnon, disputa le Royaume avec Thyefte fon frère, de qui je tiens le jour. I le chaffa de la Ville & du Palais paternel. L'infortuné Thyefte revint fuppliant dans fa patrie, & n'évita la mort que par fa foumiffion. Atrée feignit de le recevoir avec amitié. Il voulut fignaler. fa joie par un feftin, & il fit fervir à mon père, la chair de fes propres enfans. Il en fépara les membres qu'on eût pu reconnoître. Le [déguisement de ces mets horribles, trompa mon père. Mais ayant reconnu fon erreur, il jetta des cris pitoyables, & repouffa de lui la table affreufe du feftin, en faifant mille imprécations contre les defcendans de Pélops, Ainfi périt la famille de Pliftène. C'eft en punition de ce crime, qu'Agamemnon a été tué; c'eft moi qni fuis l'auteur de fa mort. Troisième enfant de Thyefte, j'étois

Encore au berceau, quand le fils d'Atrée me bannit avec mon malheureux père. La vengeance m'a ramené. J'ai préparé pat mes confeils, la perte d'Agamemnon, & je l'ai frappé fans être préfent. La mort déformais me fera douce; mon ennemi n'est plus, & je fuis vengé.

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Peut-on s'applaudir de fes forfaits! Quoi donc, Egyfthe, vous vous glorifiez d'avoir été le meurtrier volontaire du Roi, & d'avoir feul machiné la mort! Non, vous 'éviterez pas la fureur du peuple.,

CLYTEM NESRE.

Eft-ce ainfi que des sujets s'élèvent contre leurs maîtres? Vieillards infenfés, on ne reprend point impunément ceux qui gouvernent. La foibleffe de votre âge & vos propres calamités ferviront de frein à votre audace. Voyez cet objet lugubre.' Ne vous roidiffez pas contre le joug-; ce feroit le moyen de l'aggraver.¡

LE CHEUR.

femme, c'étoit donc peu de déshono

rer le lit de votre époux. Falloit-il encore affaffiner ce Héros victorieux ?

EGYS THE.

Ces emportemens vous attireront de nouveaux malheurs. Vons ne reffemblez point à Orphée; tout cédoit à la douceur de fa voix. Mais vous ne cherchez qu'à nous aigrir par des injures impuiffantes. On faura vous rendre moins infolent & plus foumis.

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Lâche, vous régneriez fur les Argiens, vous qui n'avez pas eu le courage d'exécu zer vous-même vos complots!

EGYS THE.

La fraude & la surprise ne conviennent qu'à des femmes. J'étois, depuis longtems, fufpect au Roi. Maître aujourd'hui de fes richeffes, je m'en fervirai pour fubuguer fes fujets. Les fers, les cachots, la faim viendront à bout de ces rebelles.

LE

CHEUR.

Homme fans coeur, que n'avez - your

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