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étoit réservé à l'anonyme d'ofer fous le prétexte de traduire une lettre latine, faire dire à l'Auteur de cette lettre, ce qu'il ne dit point: une pareille fuppofition eft révoltante, & les honnêtes gens ne peuvent la voir fans indignation contre celui qui se l'eft permife. Elle m'a paru fi étrange, fi incroyable, cette fuppofition, que cherchant moi-même à justifier, s'il étoit poffible, le traducteur, j'ai voulu confulter plufieurs éditions de cette lettre, pour voir fi dans quelquesunes, je trouverois au moins quelque chofe d'approchant à ce que préfente fa prétendue traduction; mais toutes les éditions que j'ai vues font uniformes fur ce point; & dans aucune, je n'ai apperçu la plus légère trace de ce que fait dire le traducteur à l'original latin, fur le mariage des

tienne. Il eft attribué affez généralement à un Chanoine d'Etampes, nommé Desforges, le même qui avoit fait un Cabriolet volant, dont l'usage faillit à lui couter la vie.

Prêtres. Pour que le lecteur puiffe aifément fe convaincre, j'indique ici les éditions que j'ai vues des lettres d'Enéas Sylvius, avec la cote des feuillets où fe trouve, dans chacune, la lettre en question,

Celle à la fin de laquelle on lit la fouf cription fuivante: finiunt per me Joannem Koelhoff de Lubeck, Colonie incolam anno Incarnationis M. CCCC, lviij. date fauffe, & à laquelle il faut fubftituer celle de 1478. Dans cette édition, in-folio, en caractères gothiques, fans chiffres aux feuillets, & avec des fignatures, qu'un amateur, de mes amis, m'a communiquée, la lettre se trouve fous le titre de Sobole, & avec la date ex Conftantia xx die Septembris 1443, aux feuillets feptième & huitième de la fignature h Il doit y en avoir un exemplaire à la Bibliothèque du Roi,

Celle de Louvain, Jean de Weftphalie, 1483, in-folio. La lettre y eft fous le titre de Sobole, aux feuillets cinquième & fixième de la fignature m, & elle y porte la date, évidemment fausse ex Conftantia 20 Septembr.

1463. Cette édition eft dans la Bibliothèque Mazarine, no. 543.

Celle de Nuremberg, impenfis 'Anthonii Koberger, 16o. kal. Augufti 1486 in.4°., caractères gothiques. La lettre y eft, fans aucune date, aux feuillets fixième & feptième de la fignature (dans la Bibliothèque de St. Victor, VV. n°. 36).

Celle de Lyon, Jean Moylin, aliàs de Cambray, 1518, die 15 Aprilis, in-4°., grand format, caractères gothiques. La lettre y eft intitulée de Filio fuo, & fans date, au cinquième feuillet de la fignature a, (à la Bibliothèque Mazarine, no. 544).

Celle de Bâle, Officina Henric-Pe trina, 1571, in-folio, qui fait partie du recueil des Œuvres d'Enéas Sylvius, La lettre y eft, auffi fans date, aux page 510, 511 & 512. Cette édition eft dans prefque toutes les grandes Bibliothèques.

Il est donc démontré que, pour faire circuler dans un Journal répandu, fon opinion particuliere fur le mariage des Prêtres, le traducteur François de la lettre d'Enéas Sylvius, a ofé

la lui prêter, dans l'efpérance de l'accréditer à l'abri de cet Auteur devenu Pape. Comment peut-on fe permettre de pareilles fraudes ? Au lieu de reproduire, avec des additions fuppofées, cette lettre de Sylvius, n'étoit-il pas plus féant de l'abandonner à l'oubli auquel l'avoit condamné Sylvius lui-même? Ne valoit-il pas infiniment mieux remettre fous les yeux du public, les autres lettres de Sylvius, écrites dans un âge mûr, quand l'orage des paffions étoit paffé; ces lettres, où il déplore les égaremens de fa jeuneffe, & où il fait fentir avec tant d'énergie, les fuites funestes de la paffion de l'amour ? Que l'anonyme life, par exemple, celle à Jean Vrunt on Frund, Secrétaire de la Ville de Cologne, c'eft la 83; il veut le confofer de l'abandon d'une maîtreffe. Comme il y fait connoître le danger des liaifons avec les femmes ! Confideranda fuit inftabilitas mulie» rum, quarum voluntas in horas mutatur, &c. »> Qu'il life encore la lettre à un militaire de Bohëme, nommé Procope de Ravenftein, c'est la 41°, N°. 15. 25 Avril 1786. H

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« Vienna degis, lui dit Sylvius, ubi » Veneris chorus latè patebit. Sed cave ne » vincaris verbo aut blanditiis alicujus, » quia poftquam inefcatus eft homo, dere »linquitur, eftque derifui, &c,» Que notre anonyme life encore la lettre 106, à Nicolas de Wartenburg, inti tulée Amoris illiciti medulla, dans laquelle Sylvius tient le langage d'un Philofophe & d'un Chrétien. Je ne finirois pas, fi je voulois indiquer toutes les lettres où Sylvius, inftruit par l'expérience, parle de l'amour tout autrement qu'il n'avoit fait dans une lettre de jeune homme entraîné par la fougue de la paffion; mais je ne peux me difpenfer de citer la 395°, adreffée à Charles Cyprianicus, & intitulée de Amore, où il rougit de ce qu'il avoit autrefois écrit fur cette matière ; « De amore quæ fcripfimus » olim juvenes, contemnite o mortales » atque refpuite, fequimini que nunc » dicimus, & feni magis quàm juveni » credite. Nec privatum hominem plures » facite quàm Pontificem; Eneam re

jicite, Pium fufcipite, &c. » Rétractation édifiante, qu'un de nos Poëtes

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