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publie fans retard, fans repréfentations. L'Empereur difpofe feul de toutes les charges de l'Etat : il établit les Vice-Rois & les Gouverneurs; les change & les deftitue à fon gré; il a droit de fe choifir un fucceffeur, ou parmi fes enfans, ou dans le reste de fa famille, & même parmi fes autres fujets ; & il peut encore revenir de fon choix, nommer un autre fucceffeur, & le premier eft entièrement oublié. Dans tout cela, je vois bien que la Loi n'eft autre chofe que la volonté du defpote; mais je n'y vois point l'empire de la Loi, qu'on veut appeller defpotifme légal.

La dignité de Prince du fang eft généralement révérée à la Chine, Toutefois il dépend de l'Empereur d'empêcher celui à qui la nature l'a donnée, d'en prendre le titre. Ceux-mêmes à qui on permet de le conferver n'ont ni puiffance ni crédit : ils jouiffent de revenus proportionnés à leur rang; ils ont un Palais, des Officiers, une Cour; à cela près, moins d'autorité que le dernier des Mandarins. Il n'y a que deux ordres à la Chine, la

Nobleffe & le Peuple; mais la pre mière n'eft point héréditaire; c'est l'Empereur qui la donne, ou qui la continue. Un fils n'a point le droit d'afpirer à tel emploi, parce que fon père s'y eft diftingué; il doit fe montrer en état d'y briller lui-même.

Ce font les Mandarins de lettres, & ceux d'armes, qui compofent ce qu'on appelle la Nobleffe; mais il s'en faut de beaucoup qu'un Mandarin de guerre jouiffe de la même confidération qu'un Mandarin lettré. C'eft un très-grand inconvénient, puifqu'il détruit l'émulation dans la haute claffe militaire & qu'il affoiblit néceffairement l'efprit guerrier, premier foutien de la puiffance. Cette foibleffe, fruit du découragement pour les armes, valut aux Tartares la conquête de la Chine; mais ce qu'il y a de fingulier, c'eft que les Tartares n'ont rien changé à cette conftitution, & n'ont point fait rendre plus d'honneur aux armes qui les avoient rendus maîtres de l'Empire. La morale & l'inftruction étant la première base de la politique Chinoise, ce fyftême du Gouvernement a

dû faire accorder la préférence aux let trés, qui devenant plus utiles pour l'adminiftration intérieure, y tiennent le premierrang, & jouiffent du plus grand crédit. Pour arriver à ce grade, il faut en avoir franchi plufieurs autres; tels que ceux de Bachelier, de Licencié, & de Docteur. Plufieurs Gouvernemens viennent-ils à vaquer, on en informe P'Empereur, qui appelle à fa Cour un pareil nombre de lettrés, infcrits fur Ja lifte. On place dans une boîte les noms des Gouvernemens vacans ; les candidats tirent chacun, à leur tour, & chacun eft élu Gouverneur de la Ville dont le nom lui eft échu. Il exifte huit ordres de ces Mandarins, & 'c'eft fur eux que roule toute l'adminiftration de la Chine. L'hommage que rend le peuple à tout Mandarin en place, eft prefqu'égal à celui qu'on rend à l'Empereur même. Le grand nombre des Mandarins lettrés ne nuit pas aux hommages qu'ils exigent. Leur nombre n'eft guère au-deffous de quatorze mille, & la vénération que le peuple a pour eux eft toujours la même.

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Jamais les Mandarins d'armes n'ont la plus légère part au Gouvernement de l'Etat. Il y a plus ; leurs Tribunaux font furveillés par des lettrés. Ainfi, tout concourt à rendre le Chinois doux & pacifique; mais il eft des vertus, telles que la franchise, la générofité, la grandeur d'ame, que l'homme n'aura jamais, s'il n'a pas le courage. Auffi le Chinois eft il fourbe avec beaucoup de civilité, fripon avec beaucoup de gravité, & lâche avec beaucoup d'urbanité.

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Le nombre des troupes de cet Empire excède fept cens mille hommes, bien vêtus, bien payés, bien armés; mais ce que nous venons de dire prouve affez que ces troupes nombreufes ne font que pour la montre & l'oftentation; elles ne fervent guère qu'à paffer des revues de parade, où l'on vifite leurs armes. Celles du Cavalier, tant offenfives que défenfives, confiftent en un cafque, une cuiraffe, une lance, & un large fabre. Le Fantaffin eft armé d'une pique, d'un fabre, & les uns d'un fufil, les autres d'un arc & d'un carquois. Si quelqu'une

de ces armes fe trouve en mauvais état, fi l'on y remarque tant foit peu de rouille, cette négligence, eft à l'instant même, punie par trente ou quarante coups de bâton, fi le coupable eft Chinois; ou d'un pareil nombre de coups de fouet, s'il eft Tartare.

Chaque partie de l'administration à fon Tribunal, & chaque Tribunal fuprême a fon Cenfeur. C'eft un Officier purement paffif, qui ne décide rien mais qui obferve tout. Il affifte à toutes les affemblées, en revoit tous les actes, ne fait aucune obfervation au Tribunal fur ce qu'il peut y avoir d'irrégulier, mais en informe fur le champ l'Empereur. Il l'informe également des fautes que les Mandarins commettent, foit dans l'administration publique des affaires de P'Etat, foit dans leur conduite particulière. Il reprend même quelquefois l'Empereur fur la fienne. Ces rigides Cenfeurs font redoutés & refpectés de toutes les claffes de l'Etat. On ne les déplace jamais que pour les élever à de plus hauts grades. Leur moindre fort eft de refter dans leur emploi;

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