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ufer à fa volonté dans certains cas, foit lorfqu'on oublie de le faluer foit lorfqu'il tient fon Tribunal. On peut dire que le bâton eft le Lieutenant de Police de la Chine; mais il prévient beaucoup de défordres qui néceffiteroient de plus grands châtimens.

L'homicide eft puni, de mort. L'homme qui, dans une fimple rixe, aura tué fon adverfaire, eft étranglé fans remiffion; mais la potence est inconnue à la Chine. Un fupplice qui ne déshonore point parmi nous, celui d'avoir la tête tranchée, eft regardé chez les Chinois, comme le plus hon. teux des châtimens. On le réserve pour les affaffins & pour ceux qui ont commis quelque crime de la même énormité. Nul arrêt de mort, comme nous l'avons déjà dit, n'eft mis à exécution, fans avoir été ratifié par l'Empereur. On lui préfente une copie au net de toute la procédure; on en tire un nombre d'autres copies, tant en langue Chinoife qu'en langue Tartare, & l'Empereur les foumet à l'examen d'un pareil nombre de Doc

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teurs, Tartares & Chinois. L'Empereur ne figne jamais un arrêt de mort, qu'après s'y être préparé par le jeûne. On vante bien moins à la Chine, la fagacité d'un Juge qui a fu démêler un coupable à travers tous les détours qu'il emploie pour échapper au châtiment, qu'on n'eftime, qu'on n'admire celle du Juge qui a fu reconnoître un innocent à travers toutes les rufes que la calomnie employoit pour le perdre; & l'Empereur place au nombre des années qui honorent le plus fon règne, celles où le glaive de la juftice a eu le moins d'occafions de frapper.

La police générale de l'Empire eft adminiftrée avec un foin fcrupuleux; elle veille férieusement à la fûreté des voyageurs, à la commodité du transport des hommes & des denrées. Dans Tes grandes routes, on trouve dans la: Ville qu'on eft prêt à quitter, plufieurs bureaux de porte-faix, qui ont une correfpondance établie dans celle où l'on veut fe rendre. On fait, avant le départ, infcrire dans l'un de ces bureaux, tous les objets qu'on veut

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faire tranfporter. A-t-on befoin de 400 porteurs? on les trouve; tout est pefé fous les yeux du chef, & le prix du port eft de dix fous par cent livres chaque jour. Vous payez d'avance; dès ce moment, vous n'êtes plus obligé de vous mêler de rien: vous retrouvez à votre arrivée dans l'autre Ville, tous vos effets chez le correfpondant, & ils vous font remis fidélement.

L'abondance des matières nous fait paffer rapidement fur beaucoup de chofes intéreffantes, qu'il faut lire dans l'ouvrage avec tous leurs détails. Voici quelques particularités fur les finances, qui paroîtront bien étranges, parce qu'elles font bien naturelles. A la Chine, la plupart des impôts fe payent en denrées Le cultivateur des vers à foie paye en foie, le laboureur en grain, le jardinier en fruits, &c. Les denrées perçues dans telle ou telle Province, y font confommées prefque fans déplacement, par un grand nombre de Mandarins, d'Officiers, de foldats de penfionnaires de toute espèce, à qui le Souverain fournit ainfi en na

ture, de quoi le nourrir & fe vêtir. Ce qui en refte, eft vendu au profit du Tréfor Impérial. Les feuls tributs en argent proviennent de la vente du fel, des droits d'entrée, perçus dans les Ports, & des droits impofés fur le Commerce. A cela près, le Commerçant ne paye à l'Etat aucune autre espèce de rétribution. L'artifan ne lui paye rien du tout. C'eft fur le cultivateur que tombe le poids des taxes. permanentes & perfonnelles. On a pris les plus grandes précautions, pour qu'il ne foit ni trop furchargé par la taxe, ni trop vexé pour le recouvrement. Cette répartition eft facile à faire. Le cadaftre des terres, fi fouvent & fi inutilement projetté en France, exifte depuis long tems à la Chine, malgré la prodigieufe étendue de cet Empire. Les revenus de l'Empereur font équivalens à plus d'un milliard de notre monnoie.

Les Chinois ont fur le Commerce un fyftême bien oppofé à celui de toute l'Europe; il ne leur paroît utile, qu'autant qu'il fe borne à leur enlever des chofes fuperflues, pour

leur en procurer de néceffaires. Delå ils regardent comme nuifible, celui qu'ils font à Canton. Il nous enlève, difent-ils, nos foies, nos thés, notre porcelaine: ces objets augmentent de prix dans toutes nos Provinces; dèslors il ne peut être avantageux à l'Empire. L'argent que nous apportent les Européens, les précieufes baga. telles qui l'accompagnent, font de pure furabondance pour un Etat tel que le nôtre. Il ne lui faut qu'une maffe d'argent relative à fes befoins en général, & aux befoins relatifs de chaque individu particulier. Kouant-fé difoit, il y a deux mille ans : « Il n'y a de » Commerce long-tems avantageux, » que celui des échanges néceffaires ou utiles: le Commerce des objets » de fafte de délicateffe ou de » curiofité, foit qu'il fe faffe par » échange ou achat, fuppofe le luxe : »or le luxe, qui eft l'abondance du fuperflu chez certains citoyens fuppofe le manque du néceffaire » chez beaucoup d'autres. Plus les » riches mettent de chevaux à leurs » chars, plus il y a de gens qui vont

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