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configné dans les papiers publics.

Sur des rocs déchirans, foudain précipité, C'est là que, fans couleur, mourant, enfanglanté,

De deux pauvres vieillards j'excitai les alarmes,

Et des yeux du paffant, fis tomber quelques larmes.

Mais mon péril n'eft plus. Pourquoi le re

tracer,

Quand je fens mon ami dans mon fein s'élancer?

C'eft lui, je le revois. Oh! que de pleurs

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J'admirois leur azur je regardois la terre; Je crus me reffaifir de la nature entière. Ah! fortant de la tombe où l'on fut endormi, Qu'il eft doux de revoir le Ciel & fon Ami!

Ce dernier vers eft très beau ; c'eft

le feul trait de fentiment que nous ayons trouvé jufqu'ici. Je crus me ref faifir de la nature entière, eft une pensée bien vraie & fortement rendue. Tout le refte eft affez languiffant. Cet ami eft enfin M. Thomas, qui paroît fur la fcène, & qui ne la quittera plus. Je ne fais pas pourquoi M. Ducis n'a pas of rifquer fon nom en vers; il ne le nomme pas une feule fois. Quelle gêne il a dû avoir ! car le nom d'un ami doit venir fans ceffe fur nos lèvres. De ce rocher fatal, M. Ducis eft transporté à Lyon, & va paffer quelque tems avec M. Thomas, dans la maifon de campagne de M. de Montazet. Enfin, il annonce le départ de fon ami, pour Nice; c'eft ici qu'on trouve les quatre meilleurs vers de cette Epitre. Horace, daus fon Ode fur le départ de Virgile, lui en a fourni le fentiment, & nous croyons qu'il l'a embelli:

Tu pars climats heureux, je le confie à vous !

Zéphirs, apportez-lai vos parfums les plus

doux!

De vie & de bonheur chargez l'air qu'il respire!

Pour prix de vos bienfaits, vous entendrez

fa lyre.

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L'avant-dernier vers eft d'une hardieffe très forte & très heureuse, L'énergie poëtique vient toujours de celle du sentiment. Mais tandis que le Poëte forme des vœux pour la vie & le bonheur de fon ami, cet ami touche à son dernier moment. Il paroît que la plus grande partie de ce Poëme avoit été faite avant la mort de M. Thomas; car l'Auteur nous apprend que fon ami, dans fes derniers adieux, avoit fans ceffe à la bouche ces deux vers qui l'avoient le plus frappé ;

De vie & de bonheur chargez l'air qu'il refpire.

Qu'il eft doux de revoir le Ciel & fon Ami!

Le refte du Poëme eft confacré à l'Eloge funèbre de M, Thomas. Le Poëte évoque les Mânes des Héros que cet Orateur a célébrés, pour lui rendre juflice. Il n'oublie pas feu Mgr. le Dauphin:

Trop tard connu peut-être, & fitôt moiffoné,

Qui goûtoit près du trône, épris des mœurs antiques,

Ce charme attendriffant des vertus domef

tiques ;

Qui, cher à fes enfans, fe mêloit à leurs jeux ;

Qui pleuroit les amis, & fut pleuré par

eux;

Qui léguoir à fon fils, notre douce espé

rance,

A fon dernier foupir, le bonheur de la France.

Cet éloge, fi fimple & fi vrai, finit par une belle idée & une belle expreffion: Léguoit à fon fils le bonheur de la France; mais je crois que ces deux derniers vers font mal tournés. Quand une hardieffe de langage eft auffi jufte & auffi heureuse, il faut rapprocher le plus qu'on peut les mots qui forment cette hardieffe; finon, elle ne produit plus fon effet. D'autant plus qu'à fon dernier foupir, le bonheur de la France forme une équivoque défagréable, J'aimerois donc mieux :

A fon dernier foupir...

éguoit à fon fils le bonheur de la France,

Il ne faut pas chercher une vérité bien exacte dans les louanges fuivantes. L'enthousiasme d'un ami qui s'exagère le mérite & la gloire de fon ami eft bien excufable. Nous allons rapporter ce paffage, où l'on trouvera tantôt de fort beaux vers, tantôt des vers d'un très-mauvais goût :

Ami, vois ces Héros, en t'offrant leurs couronnes,

Rendre à ton nom fameux l'éclat que tu leur donnes.

C'eft toi, qui nous montrant notre propre grandeur,,

De nos aftres François rallumas la fplen

deur.

C'eft toi qui le premier, dans ce Louvre où nous fommes,

Dans ce Palais des Rois, confacras nos grands hommes ;

Qui de fa voix terrible armant la vérité, Achevas, fous nos yeux, leur immortalité. C'est toi qui, le premier, par tes mâles ou

vrages,

Dans un bronze invifible as fondu leurs images.

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