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aux connoiffances & à la fagacité de l'Auteur, c'eft celle du chapitre de Belifaire fur la tolérance. C'est une des matières fur laquelle nos moder nes raisonneurs ont le plus déraifonné; & leurs inepties fur cet article important, fuffiroient feules pour prouver à tout lecteur impartial, qu'ils n'en tendent rien en morale & en politique; leurs déclamations contre les perfécuteurs, reffemblent plus au fanatifme qu'à la Philofophie. Un Philofophe réduit cette doctrine de la tolérance à un petit nombre de principes clairs & inconteftables, tous fondés fur la raifon la plus fimple, & abfolument indépendans des idées furnaturelles.

Il faut dans tout Etat une Religion, & il eft intéreffant pour le bien de la paix, qu'il n'y en ait pas plufieurs; cependant lorfque plufieurs fectes ne s'anathématifent pas réciproquement, comme injurieufes à la Divinité, & ne pouvant conduire au falut, il est peut-être poffible de les réunir dans le même Gouvernenient; comme en Angleterre & en Hollande, où chaque

fecte convient qu'on peut faire fon falut dans une autre. Mais lorsqu'une Religion, intolérante par fa nature, parce qu'elle eft la seule véritable la feule qui conduife au falut, lorf qu'une pareille Religion domine dans un Etat, c'eft la plus lourde faute en politique, d'en laiffer établir une autre. C'est alors que la plus grande intolérance devient non-feulement pru dence, mais humanité. Que de fang eût épargné la févérité du Magiftrat qui eût réprimé Luther & Calvin dès le moment qu'ils commencèrent à dogmatifer nos Sophiftes s'égayent dans des lieux communs contre la cruauté des perfécuteurs tandis que le vrai fage, l'homme inf truit déplore la foibleffe & les variations du Gouvernement, qui laiffa les nouvelles opinions fe répandre, qui, tantôt favorable, tantôt contraire aux Proteftans, défendoit aujourd'hui ce qu'il permettoit hier, qui autorisoit des difputes & des colloques, dont l'unique effet étoit d'aigrir les efprits: dès qu'une Religion eft établie dans un Etat, il ne faut plus ni l'examiner ni la comparer avec une autre, il faut

la faivre. Jamais ce qu'on appelle la perfécution, ne s'eft étendu fur les confciences & fur la manière de penfer: les loix du Royaume n'ont jamais ordonné à un citoyen de penfer telle ou telle chofe; mais elles lui ordonnent de fe conformer à tel ou tel ufage, de faire tel ou tel acte extérieur. Celui qui défobéit n'eft pas hérétique, il eft rébelle. C'eft ce que l'Auteur de Belifaire & autres déclamateurs de cette force, perdent tou jours de vue, foit par mauvaise foi, foit par ignorance. J..J. Rouffeau, que j'ai déjà cité, & qui n'eft point fufpect, prétend que non feulement celui qui dogmatife contre la Religion établie, mais celui même qui ne la pratique pas, mérite la mort. Pourquoi fur l'article feul de la Religion, feroitil permis de défobéir au Souverain & à la Loi ? & pourquoi la punition due à la défobéiffance, qui dans tout au tre cas eft justice, s'appelleroit- elle perfécution & fanatifme, lorfqu'il s'agit de Religion?

A propos de tolérance, l'Auteur cite une affez fingulière anecdote,

« Une Dame de qualité qui avoit lu » dans les papiers publics, la pompeufe → annonce d'une penfion de la Capi» tale, après avoit fait ses réflexions, → prend la pofte, & arrive à Paris. Là elle s'informe de l'établissement dont il s'agiffoit, préfente fon fils au » Maître de cette penfion, qui jouif» foit d'une grande renommée au loin; » convient de tout avec lui, conclut, » dit adieu à fon cher enfant qu'elle » dépofe avec confiance en de fi bon» nes mains, remonte dans fa voiture, » & alloit partir, lorfque le Mentor

vient tout-à-coup fur fes pas pour » demander à la Dame, dans quelle 30 Religion elle vouloit que fon fils fût » élevé......... Quoique notre illuftre » Provinciale ne fe fût point du tout > attendue à une pareille queftion,

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elle en fentit tellement la confé»quence, que, fous prétexte de confulter un moment le goût & les difpofitions de fon fils fur un objet auffi important, elle le fait » rentrer dans le carroffe, &, fans » autre cérémonie, le ramène auffi» tôt à l'hôtel. Elle n'eut pas de peine

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» à trouver enfuite une Maifon, où » l'éducation, un peu moins célèbre » peut-être, étoit du moins plus conforme aux loix fondamentales du Royaume très-Chrétien ».

Cette petite hiftoire, réellement arrivée depuis peu, doit faire gémir tous les bons citoyens, fur les maux que préparent à l'Etat & à la société, cette foule de charlatans mercenaires répandus dans les fauxbourgs de la Capitale, & auxquels d'aveugles parens confient la plus précieufe jeuneffe du Royaume. On s'embarrasse fort peu quelle Religion, quelle morale, quelles inftructions les enfans puifent dans ces Académies; il suffit qu'on s'imagine qu'ils y refpirent un

bon air.

Les mêmes critiques qui ont trouvé que notre Théologien s'échauffoit un peu trop contre les modernes Philofophes, lui ont auffi reproché de n'offrir qu'un amas confus de traits vagues, découfus, & une foule de petits chapitres ifolés & foigneusement numérotés: ileft vrai que l'Auteur n'a pas prétendu compofer un

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