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à peine eft-elle finie qu'il rend le dernier foupir.

L'Auteur a pu fermer les yeux fur ce défaut tout confidérable qu'il est, parce qu'il lui étoit utile pour éviter tous les défauts de déclamation juftement reprochés aux faifeurs d'éloges. Ne voulant point, comme eux, paffer fous filence ce qu'il y avoit de repréhenfible dans la conduite de fon héros, & craignant que ces reproches ne paruffent un peu trop durs de la part d'un panégyrifte, c'étoit une idée affez heureuse de les mettre dans la bouche même de Louis XII : cet aveu n'avoit rien que de noble & d'impofant; & un Roi qui s'accufe des fautes de fon règne devant fon fucceffeur, préfente un grand tableau. Paffons aux détails.

L'Orateur étoit obligé par fon plan de s'abstenir de tous les lieux communs & de toute la bouffiffure des rhéteurs académiques. Heureufe obligation qui l'a retenu dans une fimplicité de ftyle, bien rare aujourd'hui, & dont il ne s'écarte jamais, se cherchant d'autres ornemens que

ceux de la vérité & du fentiment.

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Louis XII adreffant la parole au jeune Valois, retrace rapidement les imprudences & les torts de fa jeuneffe, jufqu'au moment où il monta fur le trône, Là, il eft interrompu par la Trimouille qui pouvoit fe dif penfer d'un parallèle un peu trop concerté entre Titus & Louis, & qui ajoute; Titus ne perdit qu'un feul » jour; mais je doute qu'il en ait vu » briller un plus beau que celui oùl'on » vous préfenta la lifte des Officiers » dont il falloit renouveller les provi» fions. La plupart avoient été vos » ennemis, quelques-uns vos persé» cuteurs ; vous marquâtes leur nom » d'une croix, & ils tremblèrent tous, Ils crurent voir le fceau de votre » vengeance : moi-même qui avois combattu contre vous, moi qui » Vous avois pris les armes à la main & qui avois caufé tous vos malheurs, j'attendois en filence mon o arrêt ne craignez rien, nous ditesvous en fouriant, cette croix, fym bole du pardon que Dieu accorda aux hommes, vous annonce le pardon que

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yous accorde mon cœur; & quant à » vous, la Trimouille, qui fervites fi » bien votre maître contre moi, vous » me fervirez de même contre ceux qui " voudroient troubler l'Etat. Soyons "amis; un Roi de France ne venge

point les querelles d'un Duc d'Or» léans. Ah! Sire, ces paroles ré» tentiffent encore au fond de mon » cœur ; toute la France les répé»ta; elles le feront d'âge en âge; & nos derniers neveux ne les en» tendront jamais fans attendriffe

»ment »>>.

Cette dernière phrase préfente une faute de françois que nous ne releverions pas, fi elle n'échappoit fréquemment à nos écrivains : toute la France les répéta, elles le feront d'âge en age. Elles le feront ne peut fe lier avec les répéta. Il faudroit toute la France les a répétées; elles le Jeront d'âge en âge.

Louis XII reprend fa confeffion. » Je fus, dit-il, clément pour mes >> ennemis, & cruel pour ma pre»mière époufe. Je pleure encore fur le fort de cette fille de Louis

» XI, de cette malheureuse Jeanne, » à qui le Ciel donna tant de ver» tus pour la confoler des attraits » que lui refufa la nature. A peine » uni avec elle, je l'accablai de mes » froideurs, Sa douceur, fa patience, » son amour même n'en furent point

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affoiblis. Loin de fe plaindre, elle » cachoit fes affronts, elle excufoit » toutes mes fautes; & n'employant » que pour moi feul le crédit qu'elle » avoit fur le Roi fon frère, elle parvint à lui faire oublier ma ré» volte & à ouvrir ma prifon. Mon ingratitude ne la rebuta jamais. Au » moindre fuccès je m'éloignois d'elle, » au moindre revers elle revenoit à » moi. Plus heureufe de me fervir, » que fr je l'avois fervie, elle me » combla toujours de bienfaits & eut » toujours avec moi l'air de la re

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connoiffance. Hélas! pour prix de » tant d'amour, je demandai notre » divorce..... J'époufai mon an>> cienne maîtreffe, & Jeanne mourut »en me pardonnant. Mais ni mon » peuple, ni mon cœur ne me pardonnèrent comme elle ».

Le Garde des Sceaux raffure le Roi en lui difant que fa fenfibilité lui exagère fes torts; que Jeanne n'avoit pas l'efpoir de lui donner un héritier, & qu'il étoit important, pour le repos du royaume, que Louis XII devint père; que d'ailleurs la veuve de Charles VIII, Anne de Bretagne, rentroit, à la mort de fon époux en poffeffion de ce beau Duché, & qu'un fecond mariage avec tout autre Prince que Louis donnoit la Bretagne aux ennemis de la France, & rendoit à jamais impoffible fa réanion à la Couronne. Poncher continue ainfi » Le peuple murmura, » dites-vous; dites auffi comment » vous punîtes ces murmures: vous » diminuâtes les impôts. Vous refu» sâtes les fubfides que les Etats af» femblés à Tours avoient eux-mêmes règlés pour le facre de nos Rois. »Vous fites plus, & la France vous eft redevable du plus beau, du plus utile des règlemens avant » vous les gens de guerre, auffi re» doutables aux citoyens qu'aux en"nemis, pilloient, défoloient les

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