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lités perfonnelles, & je ne fais fi M. le Mierre, doit être infiniment flatté de la tournure que le rêveur donne içi à fon éloge.

»Tu te préfentes auffi majestueu» fement à nos regards, auteur d'Hypermnefire, toi qui ferois encore refpecter l'homme de génie,, quand » la terre entière conjureroit contre les

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arts, parce que la pureté des mœurs » ne reçoit point d'atteintes du fouffle » ́empoifonné de la barbarie. Quelle emphafe! & combien ces idées de majesté ne font-elles pas naturelles à l'égard d'un Auteur tel que M. le Mierre!

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Voulez-vous voir maintenant comme le rêveur prouve au frondeur que les ames ne font pas fans énergie; lifez cette defcription d'un de nos plus fameux jardins. » Quels font » dis-je, ces agréables portiques, ce » charmant palais, ce jardin délicieux » que je vois représenté? Eh quoi? » me dit la Gloire, vous ne recon» noiffez pas le Palais Royal? Si la » France eft la manufacture, des mo» des, le Palais-Royal en eft le mar

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gafin. En examinant les mortels qui » s'y rendent en foule, dit la Folie, >>on les prendroit à leurs goûts pour » les Dieux de l'Olympe qui vien» nent fe dérider parmi les mortels. » Tantôt c'eft Jupiter qui déferte le féjour du tonnerre, & qui déro→ bant fa grandeur fous quelque métamorphofe ingénieufe, vient s'humanifer avec quelque beauté fu» balterne que la foudre effarouche»roit; tantôt c'eft la chafte Diane, » dont la fierté diurne provoque le

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refpect, en attendant que la foible » clarté de fon croiffant lui permette » de contempler fans rougir les char»mes d'Endymion; ici Mars la tête » haute, l'œil en feu, le poing fur

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la hanche, careffe avec une bran>>che de laurier la nymphe timide » qui s'attendrit à fa vue, tandis que » les Bacchantes couronnent Hercule qui leur raconte fes travaux ; d'un » côté c'eft Iris que l'on devine à > toutes les couleurs de l'arc-en-ciel » qui brillent fur fon tein; de l'autre » Hébé, dont la feule vue eft plus » balfamique que le nectar qu'elle

» verfe; plus loin, le bonhomme Sa »turne qui effeuille encore les rofes » d'Anacreon dans la coupe de Bac chus, tandis que les Mufes, la ma. rotte à la main traînent le tombereau de Thefpis.

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Rien de plus énergique que ce tableau; rien de plus propre à confondre les raifonnemens du frondeur,

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Ce ton gracieux n'eft pas toujours celui de notre rêveur. Il a dans cer tains momens le fommeil brutal. J'aime beaucoup la fainte indignation qui le tranfporte & l'agite à la vue des médaillons d'Alembert & de Diderot. » Où es-tu, m'écriai - je, frondeur impitoyable? toi qui déprimois fi fort le dix-huitième fiècle ! que ne puis-je, pour te punir, attacher tes regards fur le berceau des d'Alembert, des Diderot, que j'apperçois » dans ce moment! ce font des chênes majestueux qui, malgré quelques bran nches viciées, vont s'élever & féconder » cette foule d'années fi ftériles felon toi. Et ces Lettres Perfannes qui "fe préfentent avec grace dans les Bas» Reliefs dé 1721, ne te forceroient

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elles pas au filence, en t'annonçant »l'Auteur de l'Esprit des Loix ?» Quel ftyle & quelles idées! font-ce les berceaux ou les enfans qu'ils renferment, qui font des chênes? D'A lembert un chêne, c'étoit tout au plus un petit arbriffeau bien fouple & bien pliant. Et Diderot, fi obfcur, fi inintelligible, le père du galimathias, reffemble beaucoup moins à un chêne qu'à un buiffon hériffé de ronces & d'épines, & chargé de fruits auffi amers que dangereux. Quel rapport entre les Lettres Perfannes qui fe préfentent avec grace, & l'Esprit des Loix ! il faut avoir la pénétration de l'auteur pour voir qu'une bagatelle légère annonce un ouvrage favant & profond.

On pourra cependant pardonner ce petit inftant d'humeur & de dépit à l'auteur, en faveur de la bonhommie qui règne généralement dans fon rêvé. Si l'on en excepte en effet le fanguinaire Thamas-Koulikan, dont il détefte la cruauté & la barbarie; il eft fort content de tous ceux qui ont joué quelque rôle dans ce fiècle. Elevé

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au-deffus de tous les préjugés, il étend également fon affection fur les objets les plus oppolés. A côté de l'éloge d'un Pape fe trouve celui dụ Grand Turc. La philofophie & la religion, les docteurs de Sorbonne & les comédiens, les chofes faintes & les profanes ont également part à fon fuffrage & à fes applaudiffemens. Quand on loue ainfi tout le monde il eft bien permis de ne pas s'oublier foi-même. On ne fauroit donc blâmer les idées avantageufes que l'auteur cherche à donner de quelques ouvra ges qui ne font malheureufement loués que par lui. On auroit encore plus de tort d'exiger, dans un ouvrage tet que celui-ci, des idées bien fuivies un ftyle pur & correct. Au refte, it feroit à fouhaiter que l'auteur eût partout raison, Mais, hélas! à bien des égards, on ne s'apperçoit que trop que c'eft un rêve.

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