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» la Cour de Lorraine, la ramena à » St. Germain, pour prendre congé » du Roi & de la Famille Royale: » Catherine délivrée de fes inquiétudes, >> & intéreffée au contraire à regagner » la confiance & l'amitié de la Sou» veraine d'un Etat, dont l'alliance » étoit toujours précieufe, s'efforça » de réparer par des careffes extraor » dinaires, fes froideurs paffées : toute » la jeuneffe de la Cour, fenfiblement » affligée du départ de la Reine, & tou» chée du danger qu'elle couroit dans » le trajet, brigua l'honneur de l'accom»pagner dans fes Etats. A leur tête » paroiffoit Damville, fecond fils du » Connétable, qui, malgré la haine » qui avoit long-tems divifé les deux » maifons, s'étoit attaché de préfé» rence à la servir, & qu'elle avoit » dans toutes les rencontres, diftingué » de la foule des chevaliers empreffés » à lui plaire. Malgré les foins que » cette brillante jeuneffe prenoit de » l'amufer ou de la diftraire, elle fon» doit en larmes ; &, comme fi elle » eût eu un preffentiment fecret des malheurs qui l'attendoient dans sa

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» patrie, à mesure qu'elle avançoit, elle fentoit fon cœur le déchirer. » Faifant un dernier effort fur elle» même à la vue du fatal vaisseau qui » alloit l'emporter, elle s'y élança » comme hors de fens, courut à la » poupe où, la tête penchée, les deux » bras appuyés fur un banc, & les » yeux attachés fur le rivage tant que » le jour dura, elle exprima fes regrets en des ftrophes plaintives qu'elle interrompoit fouvent par ce » refrein: Adieu, France, je ne te reverrai plus ».

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Combien cette manière de peindre fi vraie & fi touchante, n'eft elle pas préférable au ton fentencieux & épigrammatique de tous nos Hiftoriens modernes L'Auteur n'a pas befoin de nous dire quel étoit le caractère de Catherine; fa diffimulation perce affez dans les fauffes careffes qu'elle prodigue à Marie.

Ce morceau n'eft pas le feul de ce genre. Mais il n'en eft pas de l'Hiftoire comme d'un difcours ou d'un Poëme, dont on peut détacher plus aifément les endroits brillans, les tirades élo

quentes. Le ton de l'Hiftoire, toujours fimple, toujours égal, offre moins de ces détails qu'on peut ifoler & extraire du corps de l'ouvrage. C'eft en le lifant de fuite, & en fuivant la chaîne des évènemens, que l'efprit les faifit & en eft vivement frappé. Tout ce que je puis dire, c'est que le morceau de la bataille de Dreux eft un chef d'œuvre de narration. L'Auteur y tient parfaitement l'ame en fufpens, & ménage adroitement l'intérêt, qui va toujours en croissant. Au moment où l'on croit que tout est perdu pour l'Armée Royale, la fcène change, & par un retour inattendu, la victoire échappe aux Proteftans. Cette révolution eft l'ouvrage d'un feul homme. Le Connétable étoit prifonnier, le Maréchal de St. André venoit de perdre la vie. Guife feul reftoit; Guife qui, content du rang de fimple Officier, n'avoit voulu pren dre aucun commandement général. Depuis le commencement de la » bataille, il s'étoit tenu à l'écart » avec fon petit corps de réserve, » obfervant d'une éminence tout ce

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qui fe paffoit, fe dreffant de tems » en tems fur fes étriers, quoiqu'il » fût d'une haute taille, & répondant » à ceux qui le conjuroient de les

mener à l'ennemi ; Il n'eft pas encore »tems. Ayant enfin reconnu que l'in» fanterie du Prince étoit détruite » qu'une partie de fes reitres s'étoient. difperfés pour piller les bagages de l'Armée, tandis que les autres » n'ofant foutenir le choc du Maré» chal de St. André, s'étoient retirés

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du champ de bataille, & n'avoient » écouté aucun des meffages qu'il » leur avoit adreffés pour les y ra» mener, que fa Gendarmerie déjà » épuisée par tous les combats qu'elle' » avoit foutenus avoit perdu fes

lances, & ne fe battoit plus qu'à » l'épée, il étendit la main vers fa » troupe, & cria à haute voix : mar» chons, Amis, ils font à nous.

Déjà la nouvelle de la défaite de l'Armée Royale avoit répandu la confternation à la Cour & dans Paris. Quelques Hiftoriens ont écrit, qu'en l'apprenant, Catherine avoit répondu froidement: Eh bien, nous prierons

Dieu en François. M. Garnier prouve jufqu'à l'évidence la faufleté de cette anecdote. Cette Princeffe étoit au contraire en proie aux plus vives alarmes. Quoique fâchée intérieurement de devoir la victoire au Duc de Guife, qu'un fi glorieux fuccès alloit rendre trop puiffant, elle partagea avec la capitale la joie de cet heureux évène

ment.

Guife fut reçu avec tout l'enthou fiafme qu'infpiroit un auffi grand fervice que celui qu'il venoit de rendre à la Religion & à l'Etat. S'étant préfenté à la Cour, il s'inclina profon dément devant le Roi & la Reine Mère, & demanda s'il plairoit à Leurs Majeftés de lui accorder un moment d'audience. Jefus, mon Coufin, répondit Catherine, que parlez-vous d'audience? doutez-vous du plaifir que le Roi & moi aurons à vous entendre?

Tout ce qui tient à l'administration eft parfaitement expofé dans cette Hiftoire. L'Auteur y rend le compte le plus exact & le plus circonftancié de ce qui s'eft paffé aux Etats d'Orléans, Cette feffion vraiment impor

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