Images de page
PDF
ePub

contes. Voilà ce qui s'appelle du neuf; & c'eft quelque chofe que cela. Ordinairement, les contes étoient un petit ouvrage, qui avoit fon intrigue & fon héros; & quand ce conte étoit fini, tout étuit dit. Ici, c'est autre chose. Dans les feize contes, c'est toujours le même héros, c'eft toujours Felix. De forte qu'à proprement parler, ces contes font autant de chapitres qui partagent le Roman, comme dans Gilblas, dans Tom Jones, &c. Ces chapitres ont chacun leur titre : il en eft de même de ces contes; l'un a pour titre, le Début dans le Monde; l'autre, le Délire des Sens; un autre, l'Inconféquent; & ainfi de fuite. Vous voyez donc que cette nouveauté fe réduit à peu de choses. Mais le mot eft changé; & fouvent cela fuffit. Effayons, Monfieur, de vous tracer rapidement l'analyse de chacun de fes contes. Plufieurs font fi vuides, que l'analyse fera bientôt faite.

.

Dans le premier conte, qui a pour titre, le Début dans le Monde; Felix a quinze ans ; il aime déjà, & il est aimé : mais il part pour fon régiment

No.13. 11 Avril 1786. C

& il eft bientôt oublié; bientôt aussi il s'en confole. Il voit une jeune per fonne, & il en eft épris. Mais fa mère la furveilloit de fi près qu'il ne peut lui parler. Il lui écrit, une vieille Duegne eft fon Mercure. Elle ne remet point la lettre, & fait elle-même la réponse. Cette correfpondance dure longtemps; mais, à la fin, il n'est pas plus avancé, & on se moque de lui, quand il paroît. Un troifième amour le confole: il aime une Dame, & il est aimé d'elle; mais elle finit par faire fa paix avec fon mari, aux dépens de l'amant: heureufement il en eft quitte pour de la confufion. Voilà un joli Debut dans le Monde : qu'en ditesyous, Monfieur.

Le fecond conte n'offre rien de neuf ni de piquant, Félix fe livre à la débauche; dépenfe, joue, fe noie de dettes, Heureusement fes parens viennent à fon fecours.

L'Inconféquent, c'eft le troifième conte, offre un trait bien bizarre. Félix

accompagne à Paris un parent qui va s'y marier. Ils y reftent quinze jours incognito: fon parent meurt, Felix fe

préfente fous fon nom chez le beaupère, & lui plaît, mais la jeune per◄ lonne en aimoit un autre. Félix parle de fon enterrement qui se fera le len→ demain, & on le croit fou. Enfin tout s'éclaircit, & l'amant aimé épouse. Mais quel eft le but moral de cette intrigue? Où en est même le fel? Je ne crois pas, Monfieur, que j'aye le cou rage de pourfuivre mon analyfe juf qu'au bout.

Le héros du Danger de la Confiance, quatrième conte, eft un scélérat qui abufe de la confiance de Felix.......... Ma plume fe refufe à tracer le tiflu de fes horreurs: mais il en eft lui-même la victime; je paffe légèrement aux Amis dans le Plaifir, encore n'y resterai-je pas long-temps: car c'eft une véritable orgie, & tout en effayant, à la fin, d'en dégoûter fon lecteur,'Auteur expose à nos yeux des objets qui font rougir.

Le conte fixième intitulé, le Jaloux, eft invraisemblable. Felix foupçonne d'infidélité une femme qu'il aime. Piquée jufqu'au vif de fes foupçons, elle lui demande la mort, comme un bienfait, & il confent à lui apporter d

poifon. Elle l'avale & fe croit morte. Il tombe alors à fes pieds, & lui demande grace pour cette épreuve. Ce n'étoit point du poison.

[ocr errors]

Je gliffe fur les tracafferies amoureufes du cinquième conte & me voici au Voyageur. On y peint afsez bien la frivolité de nos voyageurs françois, qui vont étaler leurs travers & leur parure, au lieu de s'inftruire & d'obferver, & qui vont joindre des fran çois étourdis, au lieu de rechercher les gens fages & réfléchis. Du refte le quiproquo des phrafes allemandes que Felix applique imal à propos, n'eft pas fort plaifant.

La Coquette eft un fujet bien rebattu, qui n'eft pas rajeuni dans le conte neuvième. Le Préfomptueux contient des leçons fages, mais froides. Plus d'un jeune protecteur pourroit fe reconnoître dans le conte onzième ; & dans le fuivant, plus d'un féducteur. Mais à quoi bon confacrer plus, de foixante pages au tableau de la: féduction & peindre Felix trompant quatre femmes à la fois, la femme La veuve, la vierge innocente. On lit

[ocr errors]

avec plus d'intérêt & moins de danger dans le conte treizième, le Pouvoir de la Vertu, fur un époux infidèle & volage. Dans le conte qui fuit, fe prépare le retour de Felix à la vertu & à la raifon. Un amour innocent & pur, fous le nom d'amitié, ouvre fon âme aux impreflions douces & honnêtes, & il eft digne enfin d'époufer fa tendre amie. Ce Felix, dont la jeuneffe fut fi orageufe, qui fut tour à tour étourdi, préfomptueux, libertin joueur, féducteur, mérite le portrait fuivant qui vous donnera une idée du ftyle de l'ouvrage, en général trèsnégligé.

» Felix fut vraiment heureux, dès » qu'il ne troubla plus le bonheur » de perfonne, & qu'il contribua au » bonheur de beaucoup. Sans être mi"fanthrope, inquiet, envieux, ni fron» deur ridicule; il ne fupportoit pas » cependant les défauts de fes amis, » autant pour leur bonheur, que pour » ne pas s'expofer lui-même à la con"tagion qui, en effet, commence or » dinairement par l'indulgence. Etre » fans précaution, étant une des fautes » ordinaires de la jeuneffe, pour ne

« PrécédentContinuer »