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ellen'eft pas d'argent, me dit l'autre, » elle n'eft pas polie, me dit un troi» fième ». Il eft vrai, répondis- je, tous trois; mais c'eft une perfection de plus; j'ai imité la nature telle qu'elle eft dans la mine, où l'or & l'argent bruts font mêlangés. L'ami, me dit l'un d'eux, fouviens-toj que ce n'eft pas la nature brute qui plaît, mais la belle nature.

En achevant ces mots, le mauvais plaifant fit un éclat de rire au nez de Diogène, tourna le pied, & tout le peuple le fuivit; les uns pour aller rire au théâtre du petit boflu; un plus grand nombre, pour pleurer avec Héraclite :

Utrumque..... digna filencio Mirantur... fed magis

Exactos tirannos

Denfum humeris bibit aure vulgus.

Her. Carm. L. II.

J'ai l'honneur d'être.

MONSIEUR,

Votre très-humble & très-obéiffant Serviteur, MALET, Avocat à Génève.

De Metz le 18 Mars, Sur le chemin

d'ici à Trèves, fe trouve fur les frontières de France une Hôtellerie ifolée. Un Officier François, voyageant à cheval, fuivi d'un feul Domestique fut dans le cas d'y defcendre il y a quel que tems. Le Cavalier fe fait donner une chambre, le Valet conduit les che vaux à l'écurie. Revenu près de fon Maître, ils caufoient ensemble fur l'air fombre & féroce de l'Hôte & la trif teffe qu'infpiroit le défordre qui régnoit dans l'Hôtellerie. Pendant qu'ils fe faifoient part mutuellement de leurs. conjectures à ce fujet, ils entendent un grand bruit dans l'écurie. Les chevaux ne s'y tenoient point tranquilles; leurs hennissemens, les coups de pieds réitérés forcèrent le Domeftique d'aller en chercher la caufe. Il revint tout pâle, raconter à fon Maître, qu'un de leurs chevaux, à force de battre fur le pavé, avoit dérangé quelques pierres, & qu'il avoit cru appercevoir dans la terre la main d'un cadavre. Nous fommes prévenus, dit le Maître, cela nous fuffit. Nous fommes ici dans un lieu dangereux; mais que peuvent craindre deux hommes armés. J'espère que tu me feconderas ? Juf. u'à la mort, répondit le Domeftique.

Sur ces entrefaites, une jeune fille entre dans leur chambre pour y mettre le couvert. L'Officier l'interroge, il n'en peut tirer aucune réponse; il voit feulement quelques larmes s'échapper de fes yeux. Mais fes prières ni ses menaces ne peuvent en arracher aucun éclairciffement. Le Maître & le Domeftique redoublent leurs inftances. Enfin l'infortunée leur fait entendre par fes fignes, qu'ils ne devoient point toucher aux mets qu'on leur présentera. Un moment après entre l'Hôte avec le fouper qu'il place fur la table, en invitant les étrangers à manger. Ceux-ci s'en excufent, apportent divers prétextes; l'Hôte infifte, ils tiennent bon: L'Aubergifte fort & rentre, accompagné de trois hommes auffi robuftes, auffi farouches que lui, qui fignifient, en entrant, à l'Officier qu'il doit le réfoudre à manger; l'Offi¬ cier & fon fidèle Domestique, ne répondent à cette politeffe d'un nouveau genre, qu'en brûlant la cervelle aux deux affaffins qui fe trouvèrent le plus près d'eux, les deux autres prennent auffitôt la fuite, Les vainqueurs les poursuivent, & les forcent de fortir de

la maison, puis barricadant fortement les portes, ils reviennent auprès du feu pour attendre le jour, & tiennent leurs armes prêtes à foutenir un affaut en cas de befoin, La précaution ne fut pas inutile. Vers le milieu de la nuit, ils diftinguèrent les voix de plufieurs perfonnes qui travailloient à enfoncer la porte. Les affiégés fe rendent au lieu de l'attaque. Les ennemis avoient déjà fait brêche le plus hardi veut entrer le premier, il eft auffi tôt puni de fa témérité : il en reftoit quatre, que la mort de leur camarade rendoit plus circonfpects; pendant qu'ils délibérèrent, l'Officier & fon Valet les faluent de deux décharges répétées de leurs armes, en voient encore tomber un, & les trois autres prendre la fuite, grièvement bleffés, à ce qu'il parut par les traces de leur fang. Les Voyageurs furent tranquilles le refte de la nuit; au point du jour ils remontent à cheval, en faifant un détour par précaution, arrivent à la Ville, & y dé pofent tout ce qui leur eft arrivé. On eft actuellement à la pourfuite des brigands qui ont échappé aux coups de nos deux intrépides Voyageurs.

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L'ANNÉE

LITTÉRAIRE.

LETTRE IV.

NUMA POMPILIUS, fecond Roi de Rome, par M. de Florian, Capitaine de Dragons, & Gentilhomme de S.AS. Mgr. le Duc de Penthièvre, de l'Aca démie de Madrid, &c. A Paris, de l'Imprimerie de Didot l'aîné.

NUMA eft connu dans l'Hiftoire comme un Roi jufte, bienfaifant, pacifique, plein de fageffe & de pru dence, ami de la religion, de l'agriculture & des arts utiles; qui fut adoucir les mœurs d'un peuple de

No. 14. 18 Avril 1786, R

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