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: M. Fabre nie formellement ces deux affertions, & attribue ces apparences de fentiment, au moyen defquelles on voudroit rapprocher les animaux de l'homme, à une propriété de la matière organifée vivante; cette propriété indépendante de tout être fpirituel, commune à l'homme, aux animaux & aux plantes, différemment modifiée fuivant leur organifation particulière, il l'appelle irritabilité; d'où il s'enfuit que l'homme n'eft confondu que par la matière avec tous les êtres organifés, & que Dieu 1 La diftingué éminemment dans la nature en le douant d'une ame fpirituelle & immortelle, En prouvant cette opinion autant que la raifon & l'obfervation peuvent le permettre, loin de craindre de contredire la foi & la révélation, ni de bleffer la religion, l'auteur croit au contraire, & avec rai-. fon, combattre le matérialifme plus puiffamment qu'on ne l'a fait jufqu'à préfent.

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C'eft à l'ouvrage même que je vous renvoie, Monfieur , pour fuivre le développement du fystême de M,

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Fabre. Vous y verrez expliquée d'une manière neuve la reproduction des êtres, & prouvé avec beaucoup d'efprit que la fenfibilité & l'irritabilité font les vrais principes de la vie dans l'homme & dans les animaux, & que les bêtes font de pures machines. Descartes avoit dit la même chofe, mais il s'en faut bien qu'il l'ait prouvé de même. Il faifoit des bêtes des espèces d'orgues ou d'horloges. M. Fabre, en les laiffant telles qu'elles font, rapporte leurs actions à la feule irritabilité de leurs nerfs, & les explique toutes par ce principe. Vous ne ferez pas moins fatisfait de la manière dont il traite des rapports de l'ame avec les organes des fens, &, particulièrement avec celui de la vue & des rapports de l'ame avec les organes du fentiment.

Le Chapitre où il s'agit de l'inAuence de la fenfibilité des organes du fentiment fur le génie & les talens, celui de la liberté de l'homme & des caufes finales, vous feront plaifir par la fagacité des vues & la finele des idées qu'il a répandues fur ces ma

tières qui paroiffent naturellement fèches & arides. Celui fur-tout où il traite de l'influence de la fenfibilitté

des

organes fur le génie & les talens n'eft pas moins d'un excellent Littérateur que d'un profond Philofophe. Il y parcourt les divers degrés par lefquels l'homme s'eft élevé aux plus fublimes connoiffances, & fait voir que l'irritabilité & la fenfibilité plus: ou moins fortes produifent des talens: plus ou moins admirables. Après avoir peint toujours d'une manière analo gue à fon fyftême, les différens âges des lettres & des fciences, & avoir expliqué leur décadence par le défaut de fenfibilité, qui s'ufe à la fin & s'amortit, il rapproche de l'exemple: des fiècles & des âges celui des in-: dividus; & comme il a démontré que : les talens s'affoibliffent dans une nation, parce que accoutumée aux chefsd'œuvres, elle devient à la longue ‹ moins fenfible au beau, au grand & au fublime; il en conclut qu'on ne devroit pas mettre de bonne-heure dans les mains d'un jeune homme les chefs-d'œuvs des grands maîtres,

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parce qu'en le familiarifant ainfi trop tôt avec les productions les plus fùblimes de l'efprit humain, il ne sera plus fufceptible de ces fentimens d'admiration que ces productions ont coutume d'exciter dans ceux qui n'y font point accoutumés.

« Sa fenfibilité aura été ufée avant » que fon efprit ait été affez formé » pour s'élever par fon impulfion ; » déformais les chefs-d'œuvres de » Corneille, de Racine, du grand Rouf

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feau, n'exciteront plus en lui les » vives émotions qui allument le feu » du génie; & ce jeune homme, deve»> nu auteur, pourra montrer beaucoup

d'efprit, beaucoup de science, beau » coup d'érudition, mais il ne fera » qu'un froid imitateur, un plagiaire, >> un compilateur: j'augurerois beau» coup mieux d'un jeune homme qui, » pendant le cours de fes études, » n'auroit été qu'un étourdi, fans ap»plication; fon génie, s'il en a réel»lement le germe, fe développera avec » bien plus d'énergie que s'il avoit fait » des prodiges dans fes claffes : l'exemple de Jean-Jacques Rouffeau, dont

le

>> le génie ne fe développa que fort » tard, juftifie cette opinion ».....

» Au furplus, qu'on ne pense pas » que je condamne cette éducation elle eft trop à l'avantage de la fopar rapport aux sciences, aux » arts & aux agrémens qu'elle en peut

» ciété

» retirer ».

Je m'imagine que bien des perfonnes ne feront pas, relativement à ce fyftême, entièrement de l'avis de M. Fabre, Parmi les grands hommes du fiècle dernier, la plupart, Boffuet, Racine, Defpreaux, Rouffeau, avoient eu entre leurs mains, dès leur première jeuneffe, les chefs-d'œuvres des anciens; leur génie ne s'en eft pas moins developpé dans toute fa force. Ils avoient fait leurs études àpeu-près comme on les fait aujourd'hui, & ils n'en font pas moins de venus des génies.

-Si Jean-Jacques eut été cultivé de bonne heure, il feroit devenu moins fauvage & moins paradoxal; il eût fourni à M. Fabre lui-même moins d'o pinions extravagantes à réfuter & à détruire; fon éloquence également

N°. 21, 6 Juin 1786. G

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