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Il choque la vraisemblance & le bon fens; c'eft une charge & non une plaifanterie; car il n'eft pas na turel qu'un homme parle ainfi, même à un pauvre Diable. Il n'eft pas moins abfurde de faire dire à M. le Franc de fes propres ouvrages:

Tenez; prenez mes cantiques facrés, Sacrés ils font, car perfonne n'y touche.

Le trait eft plaifant en lui-même mais dans la bouche de M. le Franc c'eft une fottife qui bleffe la nature & la vérité; c'eft bien là que

L'efprit brille aux dépens de l'efprit.

De pareilles facéties font au bon comique ce que les farces de Tabarin font aux fcènes de Moliere. Mais la fatyre, telle que nous la voyons dans Horace & dans Boileau, cette critique fine & fpirituelle qui fçait aller le bon fens à la plaifanterie qui ne s'arme du ridicule que pour venger la raifon, qui fait rire les efprits les plus délicats & fatisfait les plus févères, qui fçait prendre

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avec grace tous les tons, depuis le plus fimple jufqu'au plus élevé; cette forte de fatyre eft peut-étre de tous les ouvrages d'efprit le moins facile. La plupart de ces idées font extraites d'un excellent difcours préli minaire que l'auteur a mis à la tête de fes fatyres: M. C*** ne reffemble pas à la Motte-Houdart, & à beaud'autres écrivains, qui, après avoir differté fçavamment dans une préface, fur les beautés du genre de poëfie auquel ils fe font adonnés, femblent avoir oublié leurs régles & leurs principes quand il s'agit de les mettre en pratique. Ses fatyres rempliffent parfaitement l'idée qu'il nous en a donnée dans fon difcours.

coup

Il déplore dans la première la funefte manie de tant de prétendus beaux efprits qui veulent rimer en dépit d'Apollon, & deviennent auteurs fans avoir la moindre connoiffance de l'art d'écrire tandis que

tous les arts, tous les métiers exigent un apprentiffage; il fe plaint de la multitude d'infipides écrits dont nous fommes accablés, & fur-tout

de l'impunité accordée à tout homme qui veut perdre de l'encre & du papier.

Maintenant, grace au goût, à l'humeur

pacifique

D'un fiècle plus humain, nommé philo fophique,..

Chacun, comme il l'entend, raisonne en liberté,

Et peut extravaguer en pleine sûreté. Il n'eft point de Grimaud qui ne puiffe, à fa mode "

Réformer la raison, prescrire un nouveau code,

Et fouvent admiré, toujours content de Ini, Verfer impunément des flots d'encre &

d'ennui.

L'un prétend, dans le monde épris de fon beau style,

En traduifant Brebeuf,faire oublier Virgile, D'un fatras emphatique un autre enflant fa voix,

Vient régenter les Grands, les Miniftres, les Rois,

Et, dans l'Académie, empefé pédagogue,

Voit, malgré d'Olivet, fon faux fublime

en vogue.

Voyez-vous ce Pygmée, aux regards effrontés,

Perit Auteur bouffi d'ouvrages avortés, Auffi fec dans fes vers que maigre dans fa profe,

De quel air au Parnaffe il ordonne, il difpofe !

II parle, &, devant lui, Corneille doit

plier;

Rouffeau, dans l'art des vers

qu'un écolier;

ne fut

Pafcal, foible écrivain; Boileau, foible critique,

Et le Temple du goût vaut tout l'Art PoëTM tique.

La feconde fatyre eft confacrée toute entière à combattre ce vice terrible qui eft la fource de tous les autres, ce fléau deftructeur des empires; ce luxe d'autant plus dangereux qu'il féduit par une apparence de richeffe, d'abondance & de profpérité les philofophes modernes qui

font eux-mêmes chez les grands & les riches un objet de luxe, qui ne doivent qu'au luxe leur confidération, leur fortune & la crédulité qu'ils trouvent dans les efprits, ne tariffent point fur les éloges d'un vice auli utile pour eux; le luxe, à les entendre, eft le figne de la grandeur & de l'opulence des états; c'eft là fource féconde du goût, de la po liteffe, de tous les agrémens de la fociété, des jouiffances les plus délicates, & de toutes les commodités de la vie jufqu'à nos jours tous les philofophes, fans exception, l'avoient regardé comme l'inftrument de la corruption, de la dépopulation & de la misère, comme l'ennemi de toute vertu & même de tous les vrais plaifirs; ils ne le croyoient propre qu'à détruire le bon goût, qu'à dégra der à la fois l'efprit & le cœur, qu'à abbâtardir le caractère, & à ôter à l'ame toute espèce de reffort & d'énergie.

:

C'eft auffi fous ce point de vue que M. C*** a envifagé le luxe;

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