dans les circonftances les plus déli cates; ne fait jamais une fauffe démarche; fe conduit à la Cour avec une prudence fupérieure à tout l'art des plus vieux courtifans ; &, dans un pays d'intrigues, de corruption & de fervitude, fait plus de progrès par une noble franchife & une piété courageufe, que les autres par la flaterie & par la baffeffe. Un pareil tableau n'eft il pas bien propre faire fentir combien la religion eft utile à la fociété; combien elle aggrandit l'homme, & quelle fupériorité elle lui donne fur les vils jouets des erreurs & des paffions humaines. Le mérite de Madame de Mainnon, étoit trop éclatant pour ne pas irriter Fenvie; mais la pureté de fes motifs qui brille dans toutes les actions, l'extrême prudence d'une conduite toujours égale & toujours foutenue, n'ont laiffé à fes ennemis que la trifte reffource des calomnies les plus abfurdes: la multitude des fuffrages les plus illuftres qui fe réuniffent en fa faveur, a étouffé aifément quelques bruits injurieux, quel ques plaifanteries indécentes que la malignité & l'ignorance ont femées de fon vivant & après la mort. fa On l'a accufée d'avoir cherché à fupplanter Madame de Montefpan, sa bienfaitrice; d'avoir employé, pour féduire Louis XIV, le langage de la piété, & couvert fes deffeins ambitieux du mafque de la religion. Il n'eft pas étonnant que Louis XIV, né avec un efprit droit & férieux, dégoûté des plaifirs des fens, de la coquetterie & du manège des femmes, dans l'âge où les paffions plus calmes laiffent parler la raifon, ait trouvé une grande différence entre Madame de Montefpan, plus belle & plus jeune, mais hautaine capricieufe, extravagante, & Madame de Maintenon douce modefte, affectueufe, joignant à toutes les graces de l'efprit, toute la folidité de la raifon. Le refpect du Monarque pour la religion fe trouvant combattu par fon goût pour les femmes, il a dû naturellement préférer la femme qui intéreffoit fon cœur fans alarmer fa confcience, & qui cherchoit moins à lui plaire qu'à le convertir. Ce qui a fupplanté Mde. de Montefpan, c'eft fon caractère qui ne convenoit plus à l'âge mûr de fon amant; c'est le dégoût d'une paffion ufée ce font les remords d'une union criminelle, remords qui acquièrent bien de la force quand l'a mour s'affoiblit. Le rôle que Madame de Maintenon joue à la Cour, dans ċette, circonftance, n'eft pas celui d'une intrigante, mais d'une héroïne chrétienne. Il ne lui convenoit pas fans doute d'être la confidente, & en quelque forte l'entremetteuse d'un commerce illégitime : choifie pour élever les enfans naturels du Roi, elle ne fe crut pas faite pour être la complaifante de Madame de Mon tefpan; mais comme fon amie, elle lui représente vivement la honte & le danger de fa fituation, elle l'exe horte à rompre des nœuds coupa bles; elle ofe rappeller fes devoirs au Monarque le plus fier, à Louis XIV, enivré d'encens, accoutumé à voir fes foibleffes confacrées par la flaterie; elle s'élève au-deffus de toutes les confidérations humaines ; & ce que les Boffuet, les Bourdaloue n'avoient pu faire, elle arrache du fein de la volupté le plus grand Roi de l'Europe, que vingt années de fêtes & de plaifirs avoient amolli; & fait fuccéder dans fon cœur, aux impreffions d'une galanterie fade & romanefque, les fentimens nobles & folides d'une véritable piété. Il falloit que le même Prince, que les femmes avoient égaré, fut rendu à la vertu par une femme. Il ne faut pas s'imaginer que Madame de Maintenon fût une pédante trifte & fâcheufe, une ennuyeufe dé vote, toujours armée d'une morale rigide, comme quelques efprits fatyriques l'ont repréfentée. On conçoit qu'une femme de ce caractère n'eût pas été bien féduifante pour Louis XIV, & qu'il n'eût pas préféré à l'entretien brillant & léger de Mde. de Montefpan, l'aigreur & les mauffades reprimandes d'une prude & d'une bégueule. Avec autant de fineffe & de graces dans l'efprit que Madame de Montefpan, Madame de Maintenon avoit bien plus de fens & de folidité; elle fçavoit parer la raifon de tous les agrémens qui peuvent la faire aimer, & donner à la vérité le coloris le plus flateur; la perfuafion habitoit fur les lèvres; elle mettoit dans fes confeils ce ton affectueux, cet intérêt vif & tendre plus touchant pour un homme d'un âge mûr, que les faillies & les éclairs du bel efprit. Les mauvais plaifans fe font égayés fur la dévotion de Madame de Main tenon, qu'ils traitent d'hypocrifie de bigotterie, de momerie: pour les hommes inftruits, pour les vrais philofophes, la religion eft fur tout ce qui donne une grande phyfionomie & un caractère augufte à Madame de Maintenon, c'est ce qui la diftingue éminemment de toutes les femmes cé-lèbres dans l'hiftoire ; c'eft fur la reli ¿gion qu'eft fondée fa véritable gloire ;; - rien ne montre mieux la jufteffe, da droiture & la force de fon efprit, ¿que le courage, la conftance, le dif cernement qu'elle a fait éclater dans zla pratique des devoirs du christia~ |