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ses deux nièces eft la coupable. A un cri qui a été pouffé, il a cru reconnoître Emilie. Mais Merval foutient que c'est l'autre, & cela eft assez vraifemblable. Lui même il vient apprendre à Madame de Volmare ce qu'elle doit faire. Elle ne fongeoit pas à fe mettre à la place d'Emilie. Merval, en lui difant que c'est elle qui a épousé le Chevalier, lui a fait naître l'idée de le laiffer croire. Elle joue fort bien fon rôle, & perfuade Permaville luimême. Elle fait plus elle les met tous deux dans fon parti; & il ne lui en coûte pour cela que d'affurer chacun d'eux que l'autre n'épousera point Emilie. Elle eft füre de fon fait. Dès-lors tous deux plaident fa caufe. Merval n'eft point écouté; mais Permaville fléchit l'oncle. Une fcène fort plaifante eft celle où les deux rivaux, feuls avec l'oncle, fe réuniffent pour chanter les louanges de leur rival heureux. Cette idée n'a pu entrer que dans une tête très - comique : enfin, les deux nièces & le Chevalier paroiffent; Emilie tombe aux pieds

dé fon oncle. Autre équivoque plaifante. Il croit que c'eft encore un autre mariage. Il me pleut des neveux, dit-il. Mais tout s'éclaircit. Merval & Permaville reconnoiffent tous deux qu'ils ont été joués.

Vous voyez, Monfieur, que toute l'intrigue roule fur Madame de Volmare, que chaque acte amène une furprise nouvelle & un nouvel incident, & qu'enfin, tout fe dénoue fans effort & naturellement, Le rôle de Madame de Volmare eft d'une gaieté continue, gaieté franche & de bon ton. Emilie eft ce qu'elle doit être. Merval eft charmant: c'eft un de ces fots, bonnes gens, mais qui feroient infupportables, fi l'on ne favoit pas en tirer parti. Le ftyle eft généralement comique, la verfification eft quelquefois un peu négligée, mais il y a dans la pièce cent vers à re tenir. J'en ai déja cité quelques-uns. Vous trouverez peu de tirades: ce n'eft pas un grand mal; cependant le lecteur aimeroit à refpirer quelque fois, & à fe repofer fur une tirade

bien écrite & bien pensée : voici la feule qu'offre le Mariage fecret: c'eft l'oncle qui parle.

Et tous ceux de la Cour, ou qui feignent d'en être;

Qui pour finger les grands gâtent tout ce qu'ils ont,

Savent tout à vingt ans, hors les dettes qu'ils ont,

Et dans l'oifiveté qui retrécit leurs ames; S'établiffent un nom fur les pleurs de vingt femmes;

Regardent les parens, les oncles, les maris, Comme des tréforiers dont l'or fait tout

le prix.

Qu'entendrai-je chez moi ? Le babil incommode

D'hommes parlant chevaux, de femmes caufant mode :

Be, cinquante étourdis, nommés gens comme il faut,

Qui s'affemblent bien tard pour fe quitter bientôt,

Et jugeant par le jeu fi la maison eft

bonne,

Se moquent au fouper du maître qui le

donne.

En voilà plus qu'il n'en faut Monfieur, pour vous donner une idée avantageuse de l'Auteur & de l'ouvrage. L'Avare cru bienfaifant promettoit beaucoup : voici la promeffe remplie au-delà de nos espérances. Puiffe le modefte auteur de ces deux ouvrages, aller ainfi de fuccés en fuccès, & ajouter chaque année à fa gloire & à la fatisfaction du public.

Je fuis, &c.

COMÉDIE FRANÇOISE.

LES Comédiens François ont donné, Mardi treize de ce mois, Inconftant, dont la représentation étoit attendue depuis long-temps avec impatience par l'auteur : l'évènement a prouvé qu'il n'avoit pas tout-à-fait tort d'être impatient, car cette pièce lui fait beaucoup d'honneur; débuter à fon âge par une comédie de caractère, en cinq actes, en vers, & réuffir, fans intrigue romanefque, fans indécence, fans vaine prétention, fans bel efprit, fans calembourgs, cela promet.

L'Inconftant eft vraiment une pièce nationale; car l'inconftance est le défaut qu'on attribue univerfellement aux François. L'Auteur a bien fait de fondre, dans fon perfonnage principal, les différentes nuances d'inconftance que les grammairiens défignent par les noms de léger, volage, & changeant; car ce font autant de traits particuliers qui entrent dans le ca

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