cation d'un tour & d'un ftructure antique, un ftyle correct,ferme & nourri, une touche mâle & vigoureufe, une harmonie variée & favante, ce mouvement, cette marche, cet enchaî nement d'idées, ce bel ensemble, qualités qui conftituent la véritable éloquence & qui femblent inconnues aujourd'hui, l'efprit toujours employé à parer la raison, l'imagination toujours d'accord avec le bon fens. Aucun auteur de ce fiècle ne paroît avoir plus approché du caractère & du mérite de Boileau, & dans tout ce qui eft forti de fa plume, on reconnoît l'honnêté homme, l'homme de goût & le bon écrivain. Je fuis, &c. COMÉDIE FRANÇOISE. ON a donné le Samedi 13 Mai, la première représentation du Portrait, petite Comédie en un acte. Il eft affez rare qu'un auteur, pendant les repréfentations d'une pièce, en faffe jouer une autre. Le poëte ingénieux, à qui nous devons le Mariage fecret, n'étoit-il pas content de fon triomphe? Croyoit-il pouvoir ajouter à fa gloire? Il fe feroit trompé, car le Portrait n'eft pas, à beaucoup près, du même mérite que le Mariage fecret, & l'on pourroit croire même que l'Auteur n'a donné cette bagatelle,au milieu du fuccès d'une pièce plus confidérable, que par un fentiment de modeftie & dans la crainte que les applaudif femens ne lui tournent la tête. Une femme fait faire avec le plus grand fecret le portrait de fon mari auquel elle ménage une furprise agréable; un bavard qui voit cette femme aller mystérieusement chez un peintre, comme à un rendez-vous fait part de fa découverte au mari qui, fuivant le caractère de la jaloufie, commence par fe livrer à tous les emportemens & à toutes les extravagances de cette paffion aveugle & injufte; mais au plus fort de fa colère, il eft appaifé tout-à-coup à la vue de fon portrait qu'un enfant aimable lui préfente, accompagné du compliment le plus délicat & le plus touchant; le bavard, qui nous rappelle le barbier de Bagdad des mille & une nuit, eft congédié, & le mari honteux de fa crédulité, obtient fon pardon par un nouveau dégré d'amour & d'eftime pour fon épouse. Cet ouvrage offre des détails agréa bles, qui n'ont pas empêché cependant qu'on ne s'apperçût combien un pareil fonds eft mince, & l'on a trouvé en général que cet enfantillage bourgeois étoit au - deffous de la dignité de la fcène françoife. COMEDIE ITALIENNE.. NINA vient de paroître à ce fpectacle le Lundi 15 Mai, & n'a point démenti l'idée avantageufe qu'on en avoit conçue il y avoit déjà un vieux fou qu'on avoit parfaitement accueilli fur le Théâtre François ; on n'a pas moins fêté la jeune folle au Théâtre Italien. Il femble d'abord que la fcène, deftinée à peindre les caractères, les mœurs & la vie hu maine, devroit exclure les fous & les folles, puifqu'on les exclut de la fociété. Sakespear, dans le Roi Lear, & récemment Richardson, dans l'épifode de Clementine, nous ont fait voir que le délire d'un cerveau bleffé pouvoit être la fource du plus grand pathétique l'effet général des paffions eft de troubler pour quelques inftans la raifon; mais leur dernier dégré & le comble de leur puiffance eft de déranger totalement la tête; il femble que lorfqu'elles font par venues à ce période, le poëte doive les abandonner, & qu'il ne foit point du reffort de l'art dramatique de faire parler les fous; mais voilà une de ces occafions où l'expérience l'emporte fur les règles; & où l'art même nous apprend à franchir fes limites; car la folie caufée par l'excès d'une paffion, peut fournir des traits plus touchans & plus pathétiques que tout ce que peut dire un perfonnage qui jouit de fa raifon, & la femme à qui, dans les accès d'un délire amou reux, il n'échappe rien qui ne donne l'idée de l'ame la plus honnête, la plus noble & la plus fenfible, est faite pour exciter l'intérêt le plus vif, & cette pitié charmante qui eft l'ame du tragique: c'eft ce qui rend Clementine fi touchante dans le roman de Grandifson. Nina devoit époufer Germeuil; mais un amant plus favorifé des dons de la fortune, tente la cupidité du père qui lui accorde la préférence. Les deux rivaux fe difputent, les armes à la main la poffeffion de |