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cette élévation qui font le caractère
de l'Ode; ce font des Stances où
brille feulement le pur flambeau de
la raison. Je vous citerai celles qui
m'ont paru le mieux tournées.

Tant que le goût & la décence
Formèrent les arts renailfans,

On admira de leur enfance
Les traits hardis, mais innocens,
L'éloquence, dans fa parure,
Imitant la belle nature,
Etoit naïve avec pudeur,

L'efprit toujours libre & modefte,

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N'en faifoit pas un art funefte

De plaire, en corrompant le cœur.

Mais quelle plume ténébreufe,
Diftillant un fubtil poifon,
De fa vapeur contagieufe
Enivre aujourd'hui la raison?
Qu'entens-je! une Mufe effontée.
Par fes favoris excitée,

Chante le triomphe des fens ..!!
Ah! repouffons loin du portique
Tout voluptueux, tout cynique
Qui répétéra les accens,

Ici, des vertus fociales

Un fophiste exaltant les droits:
Couvre les trames infernales

Du voile des mœurs & des loix :
Je lis, je parcours fon ouvrage.;
Le chemin de fleurs qui m'engage
Me cache mon égarement:

Sous ces fleurs s'ouvre un précipice,

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Et je ne vois plus que le vice
Où je voyois le fentiment.

Fuyez, fuyez, jeunesse avide!
Ces ornemens de la raifon
Ne font que l'amorce perfide
Qui vous fait boire le peifon.
Et roi, pudeur, quand la licence,
Par les attraits de l'éloquence,
Séduit les fragiles mortels,

Descens du ciel, vois nos alarmes,
Defcens, fais briller tous tes charmes,
Ou c'en eft fait de tes autels,

Parmi les talens & les graces,
Thémire, loin des faux plaifirs
De la vertu fuivoit les traces,
Et fermoit fon ame aux defirs:

Un

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Un livre, offert par l'imprudence,
Empoifonne fon innocence;
Où l'entraîne ce premier pas ?.
Thémire, au printems de fa vie,
Ne rougit plus de l'infamie,
Et met un prix à fes appas.

Quoi! des arts la noble culture
Ne produiroit donc que des maux ?
Mais une fource refte pure,
Quoiqu'on infecte íes canaux.
Le foleil, ce flambeau du monde ;
Eclairant un repaire immonde,
Souille-t-il l'onde de fes rayons?
Toujours les arts feront mes guides;
C'eft en vain que des mains perfide
Changent leurs bienfaits en poifons,

N. 20. 30 Mai 1786. D

LETTRE IV.

Precis hiftorique fur la vie & les exploits de François le Fort, Citoyen de Genève, Général & grand Amiral de Ruffie, Vice-Roi de Nowogorod, & principal Miniftre de Pierre le Grand, Empereur de Mofcovie; Par M, de Baffville; in-80,, orné du Portrait de François le Fort, A. Génève, chez Paul Barde; & fe trouve à Paris, chez Laurent, Libraire, rue de Tournon,

IL eft rare, Monfieur, de voir le

Souverain d'un vafte Empire defcendre aux derniers grades de l'état militaire, & en remplir les fonctions pour apprendre à commander; quitter fes états pour aller s'inftruire chez les nations policées de l'Europe, afin d'opérer la révolution la plus éton

nante qu'offrent les annales du monde; en un mot, être le Législateur de fa nation, après l'avoir tirée de la barbarie. Mais il falloit un homme de génie pour feconder le Tzar dans fes hardis projets, & il fut affez heureux pour le trouver; François le Fort mérita l'eftime, l'amitié, la confiance de Pierre le Grand, & contribua beaucoup à immortalifer le règne de ce Prince.

Le Précis hiftorique fur la vie & les exploits de François le Fort obtiendront plus fûrement à M. de Baffville l'accueil & les fuffrages du public, que ces éloges ampoulés d'Acadétmiciens obfcurs, dont l'existence eft à peine connue au-delà du cercle étroit de leur compagnie. L'Auteur a dédié fon ouvrage à M. le Prince de Condé, & cet hommage ne pouvoit être mieux placé.

M. de Baffville relève, dans fa préface, les erreurs de plufieurs écrivains qui ont parlé de l'Amiral le Fort; il commence par Voltaire, & l'on fait combien il faut être en garde contre un Auteur auffi peu exact ;

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