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» ber f Pierre eut été moins adroit

& moins fort. Il redefcendit fans » autre mal que d'avoir fait grand peur au Capitaine. Celui-ci fe raf» fura, commanda au Tzar de lui » allumer fa pipe, de lui verfer du » brandevin, & de faire en un mot, toutes les autres fonctions » de Mouffe ».

Cependant les fatigues & les bleffures du général le Fort avoient altéré fa fanté, fans fufpendre fes occupations, ce qui lui occafionna une fièvre inflammatoire qui l'enleva au milieu de fa brillante carrière, le 12 Mars, à l'âge de 46 ans. A la nouvelle de fa mort, le Tzar fut près de s'évanouir » Hélas! s'écria-t-il, je perds le » meilleur de mes amis, & cela dans » un temps où j'avois plus befoin de »lui que jamais. Il eft mort ce fervi»teur fidele, à qui me confierai-je pré» fentement? Ses foupirs & fes larmes l'empêchèrent d'en dire davantage. » Il partit fur le champ pour Mofcou, » ne voulut voir perfonne, fe conten> tant d'ordonner qu'on difposất tout » pour faire une pompe funèbre con

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» forme à la dignité & au mérite du » défunt ». Pierre y affifta vêtu de deuil, le cortège compofé des trois régiments de la marine, d'une mufique militaire, des Grands, des Ambaffadeurs, formoit un fpectacle dont il n'y avoit point encore eu d'exemple. Lorfqu'on fut prêt de dépofer ce cercueil, le Tzar, fondant en larmes, le fit découvrir & donna le dernier baiser à fon ami. Une épitaphe honorable, placée fur la tombe, indique les fervices effentiels rendus par le Fort à l'Empire de Ruffie.

Une remarque qui n'échappera point dans l'ouvrage de M. de Baffville, c'eft que l'illuftre Génevois, comblé de toutes les faveurs de fon Souverain après avoir occupé les » premières & les plus riches places » de l'état, mourut comme Ariftide, » fans laiffer de quoi faire fes funé» railles ».

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Les paflages que j'ai cités fuffiront, Monfieur , pour vous donner une idée du ftyle de l'auteur; il eft en général pur & correct, mais on pourroit cependant lui reprocher d'être

quelquefois empoulé, & de prendre un peu trop le ton des difcours académiques; les faits d'ailleurs font préfentés avec intérêt, difcutés avec beaucoup de clarté, d'impartialité, mérite affez rare dans la plupart des Nécrologiftes modernes.

Je fuis, &c.

LETTRE V.

Les Pfeaumes de David, traduits fur le texte hébreu, accompagnés de réflexions qui en développent le fens; & de notes qui en éclairciffent les principales difficultés ; ouvrage dédié au Roi, par M. Baucluer, Curé du Diocèfe d'Auch.

I

'AUTEUR femble craindre, Monfieur, qu'on ne fe plaigne de fon nou. veau travail fur les pfeaumes. Il ne fe rend pas juftice, & nous fommes per

fuadés que fon ouvrage fera accueilli & des fivans & de tous ceux qui aiment à éclairer & à nourrir leur piété. M. Brucluer a trouvé le fecret de joindre aux travaux les plus importans de foon ministère, l'étude profonde & réflechie de la langue fainte; loin de tout fecours, pour ainfi dire, & n'ayant Prefque pour guide que fon attrait, il en a acquis l'intelligence & a voulu que fon travail fût utile aux fidèles. Nous avons d'affez bonnes traductions des pleaumes, mais elles font faites pour la plupart fur la vulgate, & ne peuvent avoir ni le mé it, ni peutétre la fidélité d'une traduction entreprile fur l'original même. Celle-ci nous paroît foignée, noble élégante, les réflexions font fages & pieufes & les notes remplies d'érudition. La préface mérite d'être lue; l'auteury rend compte de fon travail, du plan qu'il a fuivi, de l'objet qu'il s'eft propolé & de tous les moyens qu'il a mis en ufage pour le remplir; & il régne dans toute cette narration un ton de piété & de modeftie bien propre à relever le mérite de M. Baucluer, Sans le connoître, on

fe fent porté à l'eftimer, & à regretter qu'il ne foit pas fur un théâtre plus propre à faire briller fes talens & les rendre d'une utilité plus générale; il eft jeune encore & il faut qu'il ait pour l'application, ce goût fi rare aujourd'hui & cependant fi néceffaire pour former de vrais favans. Que n'auroit donc pas droit d'attendre la littérature fainte & même profane, d'un homme qui fait fort bien le grec & l'hébreu, & qui joint à ces connoiffances du goût & de la facilité ? Mais à quoi tout cela ferviroit-il dans une campagne de l'Armagnac, où les livres manquent, où ce qui eft prefqu'auffi effentiel, rien ne pique ni ne foutient l'émulation.

Quoi qu'il en foit, nous exhortons les jeunes eccléfiaftiques à lire & à méditer cette nouvelle traduction. Elle ne peut que leur donner une haute idée de la poëfie facrée & les pénétrer de ces fentimens doux & profonds qu'infpirent ces faints cantiques à ceux qui les récitent avec goût & avec intelligence. On y trouvera dans deux petits volumes le résultat & ce que nous avons de mieux dans de nom

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