Images de page
PDF
ePub

mélange ne peut être que celui d'une affection naturelle avec l'amour surnaturel.

[ocr errors]

II.

La résignation, selon moi, est distinguée de l'indifférence, en ce qu'elle a des désirs propres, mais soumis (1). L'indifférence est « une volonté positive » et formelle, qui nous fait vouloir ou désirer » réellement toute volonté de Dieu qui nous est » connue. Elle est le principe réel et positif de » tous les désirs désintéressés que la loi écrite nous » commande, et de tous ceux que la grâce nous inspire (2)». L'état d'indifférence a donc tous les désirs surnaturels. Celui de la résignation ne peut donc être distingué de l'autre que par des désirs naturels. Qui dit des désirs propres, dit des désirs qui viennent de nous en tant que de nous. Suivant l'expression de saint Paul le terme de propre est mis par opposition aux désirs surnaturels que la loi commande et que la grâce inspire, et qui par conséquent sont les dons de Dieu. Qui dit des désirs soumis, dit manifestement des désirs que la grâce ne forme pas, mais qu'elle assujettit par l'amour de préférence que l'ame a pour Dieu. La grâce n'a pas besoin de soumettre à soi ce qu'elle inspire elle-même. Ce qui est soumis est toujours étranger à ce qui le soumet. Les désirs surnaturels de l'indifférence venant de la grâce ne sont ni propres ni soumis. Ceux de la résignation au contraire, étant propres sont naturels, et étant soumis ils ne viennent point de la grâce, mais ils sont seulement dans une ame où la grâce domine sur eux. Ainsi l'amour est pur, () Max. p. 22 et 51. (2) Ibid.

[ocr errors]

p. 60.

quand l'amour surnaturel est le seul délibéré dans l'ame. Au contraire, il est intéressé et imparfait, quand l'amour surnaturel est mélangé, c'est-à-dire joint dans l'ame avec un amour naturel et délibéré.

III.

En parlant des épreuves qui purifient l'amour par le sacrifice de l'intérêt propre, j'ai parlé ainsi (1): « C'est d'ordinaire la résistance secrète des ames » sous de beaux prétextes; c'est leur effort intéressé » et empressé pour retenir les appuis sensibles dont >> Dieu veut les priver, qui rend les épreuves si

longues. L'intérêt propre est donc un appui sensible qu'on veut retenir, contre l'attrait de la grâce qui veut nous l'ôter. Ce que la grâce veut ôter, et que la nature voudroit retenir, ne peut dans cette résistance à la grâce être que naturel. J'ai dit encore que «< la purification ou désintéressement de » l'amour fait que les inquiétudes et les empresse>> mens qui viennent d'un motif intéressé n'affoi» blissent pas l'opération de la grâce, et que la grâce >> agit d'une manière entièrement libre (2). » Donc il est évident que ce propre intérêt, loin de venir de la grâce, affoiblit son opération, et que quand ce principe étranger à la grâce est ôté, elle agit alors d'une manière entièrement libre.

IV.

J'ai dit que dans ces extrêmes épreuves, où l'on fait le sacrifice absolu de l'intérêt propre, l'ame «< ne » perd que le goût sensible du bien, que la ferveur >> consolante et affectueuse, que les actes empressés (1) Max. p. 74, 75, 76. — (2) Ibid. p. 228 et 229.

[ocr errors]

» rendre à soi-même un témoignage consolant de sa » fidélité (1).» Je ne retranche que «les actes mé

thodiques et excités avec empressement. » Il est évident qu'aucune vertu surnaturelle ne renferme essentiellement ces goûts sensibles, ces ferveurs consolantes, ces certitudes, ces méthodes, ces empressemens, etc. Donc la perte ou sacrifice absolu de l'intérêt propre ne retranche rien d'essentiel à aucune vertu surnaturelle.

V.

En parlant de la désappropriation des vertus, j'ai posé la règle constante et décisive pour la désappropriation particulière de l'espérance, qui est le sacrifice du propre intérêt; car j'ai dit : « Ils se désappro» prient de leur sagesse comme de toutes leurs autres » vertus.» Selon moi, «la désappropriation des vertus » n'est que le dépouillement de toute consolation, et » de tout intérêt propre, etc. (2) » Donc celle de l'espérance, non plus que des autres vertus, ne va pas plus loin. J'ai dit : «Ils ne rejettent point la sa»gesse, mais seulement la propriété de la sagesse. Ils » se désapproprient de leur sagesse, comme de toutes » leurs vertus.» Je n'ai exclu que « le retour inté>> ressé pour s'assurer qu'on est sage, et pour jouir de » sa sagesse, en tant que propre (3). » Je n'ai donc voulu retrancher de l'exercice des vertus que ce qui ne leur est point essentiel, c'est-à-dire cette complai(3) Ibid. p. 214 et

(1) Max. p. 81 et 82. 215.

. (2) Ibid. p. 271.

[ocr errors]

sance, cette consolation, ce retour intéressé, cette propriété d'intérêt, que je sépare toujours d'avec tout ce qu'il y a de surnaturel dans les vertus mêmes, et qui en effet peut en être séparé. Voilà l'intérêt propre qu'on ne retranche de l'espérance que comme des

autres vertus.

VI.

Selon moi l'activité qu'il faut retrancher est précisément l'exercice de la propriété qu'il faut exclure. Car le principe de la propriété n'est jamais qu'actif, et la passiveté est réservée au seul amour pur. Tout ce qui est actif en nous est donc propre, selon moi; et tout ce qui est propre, selon moi, est actif. Voyons maintenant si nos opérations actives sont, selon mon livre, naturelles ou surnaturelles. Par là nous ferons une analyse démonstrative de tout mon systême, et nous verrons clairement si la propriété ou propre intérêt vient, selon moi, de la nature ou de la grâce. J'ai dit que être actif, «< c'est attendre >> quelque chose de soi-même, ou de son industrie, > ou de son propre effort. Voilà les désirs propres qui >> viennent de nous, en tant que de nous. » J'ajoute, pour ne laisser aucun prétexte de doute, que «< c'est >> un reste subtil et imperceptible d'un zèle demi» pélagien (1). » Ce reste de zèle demi-pélagien ne peut être qu'une affection empressée et naturelle. Je dis encore que c'est quelque chose d'ajouté à la coopération à la grâce bien prise dans toute son étendue. Ce qui est ajouté à la coopération à la grâce bien prise dons toute son étendue, peut-il venir (1) Max. p. 97, 98 et 99.

d'elle? J'assure que ce n'est «qu'un zèle indiscret et » précipité, qu'un effort empressé et inquiet d'une >> ame intéressée pour elle-même, qu'une excitation » à contre-temps, qui troubleroit, qui affoibliroit, » qui retarderoit l'opération de la grâce, au lieu de » la faciliter et de la rendre plus parfaite. » Je joins à toutes ces choses la comparaison d'un homme poussé par un autre, et qui, voulant prévenir les impulsions du premier, et puis se retourner pour mesurer l'espace parcouru, auroit «< un mouvement inquiet mal » concerté avec le principal moteur, qui ne feroit » qu'embarrasser et retarder leur course. » L'activité ainsi dépeinte est l'exercice des actes du principe de la propriété. Or est-il que cet exercice ne peut jamais être attribué qu'à un principe d'amour purement naturel, qui fait un contre-temps, qui trouble, affoiblit et retarde l'opération de la gráce. Donc il est évident que la propriété ou propre intérêt est, selon moi, un principe d'amour purement naturel. J'ai ajouté que cette activité est « une excitation em» pressée qui prévient la grâce, de peur de n'agir pas » assez; un excès de précaution pour se donner les » dispositions que la grâce n'inspire point dans ces » momens-là, parce qu'elle en inspire d'autres moins >> consolantes et moins perceptibles; que ce sont des >> excitations défectueuses,.... qui n'ont rien de com>> mun..... avec les actes..... essentiels pour coopérer » à la grâce (1). » Puis-je mieux lever toute équivoque? VII.

J'ai établi la nécessité de s'aimer pour Dieu, de se (1) Max. p. 99, 100.

« PrécédentContinuer »