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hordes semblables à celles des Arabes : une mite va occuper cette pensée qui calcule la grandeur des astres, émouvoir ce cœur que rien ne peut remplir, étonner cette admiration accoutumée aux prodiges. Voici un insecte impur qui s'enveloppe d'un tissu de soie, et se repose sous un tente; celui-ci s'empare d'une bulle d'air, s'enfonce au fond des eaux, et se promène dans son palais aérien. Il en est un autre qui se forme, avec un coquillage, une grotte flottante, qu'il couronne d'une tige de verdure. Une araignée tend sous le feuillage des filets d'or, de pourpre et d'azur, dont les reflets sont semblables à ceux de l'arc-en-ciel. Mais quelle flamme brillante se répand tout à coup au milieu de cette multitude d'atomes animés? Ces richesses sont effacées par de nouvelles richesses. Voici des insectes à qui l'aurore semble avoir prodigué ses rayons les plus doux. Ce sont des flambeaux vivants qu'elle répand dans les prairies; voyez cette mouche qui luit d'une clarté semblable à celle de la lune, elle porte avec elle le phare qui doit la guider. Tandis qu'elle s'élance dans les airs, un ver rampe au-dessous d'elle: vous croyez qu'il va disparaître dans l'ombre; tout à coup il se revêt de lumière comme un habitant du ciel; il s'avance comme le fils des astres : tout s'illumine, et ces reflets éclatants, ces flammes célestes qui rayonnent autour de lui, éclairent les doux combats, les extases et les ravissements de l'amour. AIMÉ-MARTIN.

Préambule des Harmonies de la Nature.

L'ÉCUREUIL.

L'ÉCUREUIL est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage, et qui par sa gentillesse, par sa docilité, par l'innocence de ses mœurs, mériterait d'être épargné ; il n'est ni carnassier, ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des oiseaux; sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de la faine et du gland; il est propre, leste, vif, très-alerte, très-éveillé, très-industrieux; il a les yeux pleins de feu, la physio

nomie fine, le corps nerveux, les membres très-dispos : sa jolie figure est encore rehaussée, parée par une belle queue en forme de panache, qu'il relève jusque dessus sa tête, et sous laquelle il se met à l'ombre. Il est, pour ainsi dire, moins quadrupède que les autres; il se tient ordinairement assis presque debout, et se sert de ses pieds de devant comme d'une main, pour porter à sa bouche; au lieu de se cacher sous terre, il est toujours en l'air; il approche des oiseaux par sa légèreté; il demeure comme eux sur la cime des arbres, parcourt les forêts en sautant de l'un à l'autre, y fait son nid, cueille les graines, boit la rosée, et ne descend à terre que quand les arbres sont agités par la violence des vents. On ne le trouve point dans les champs, dans les lieux découverts, dans les pays de plaine; il n'approche jamais des habitations; il ne reste point dans les taillis, mais dans les bois de hauteur, sur les vieux arbres des plus belles futaies. Il craint l'eau plus encore que la terre, et l'on assure que, lorsqu'il faut la passer, il se sert d'une écorce pour vaisseau, et de sa queue pour voile et pour gouvernail. Il ne s'engourdit pas, comme le loir, pendant l'hiver; il est en tout temps très-éveillé ; et, pour peu qu'on touche au pied de l'arbre sur lequel il repose, il sort de sa petite bauge, fuit sur un autre arbre, ou se cache à l'abri d'une branche. Il ramasse des noisettes pendant l'été, en remplit les trous, les fentes d'un viel arbre, et a recours en hiver à sa provision; il les cherche aussi sous la neige qu'il détourne en grattant. Il a la voix éclatante et plus perçante encore que celle de la fouine; il a de plus un murmure à bouche fermée, un petit grognement de mécontentement qu'il fait entendre toutes les fois qu'on l'irrite. Il est trop léger pour marcher, il va ordinairement par petits sauts, et quelquefois par bonds; il a les ongles si pointus et les mouvements si prompts, qu'il grimpe en un instant sur un hêtre dont l'écorce est fort lisse. BUFFON.

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LE CHEVAL.

La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats: aussi intrépide que son maître, le cheval voit le péril et l'affronte; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche, et s'anime de la même ardeur. Il partage aussi ses plaisirs à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle. Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse pas emporter à son feu; il sait réprimer ses mouvements: nonseulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs ; et obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête, et n'agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre ; qui sait même la prévenir; qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant qu'on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède, et même meurt pour mieux obéir. BUFFON.

LE CHEVAL DOMPTÉ.

VOYEZ ce cheval ardent et impétueux: pendant que son écuyer le conduit et le dompte, que de mouvements irréguliers! C'est un effet de son ardeur, et son ardeur vient de sa force, mais d'une force mal réglée. Il se compose, il devient plus obéissant sous l'éperon, sous le frein, sous la main qui le manie à droite et à gauche, le pousse, le retient comme elle veut. A la fin il est dompté; il ne fait que ce qu'on lui demande : il sait aller le pas, il sait courir, non plus avec cette activité qui l'épuisait, par laquelle son obéissance était encore désobéissante. Son ardeur s'est changée en force, ou plutôt, puisque cette force était en quelque façon dans cette ardeur, elle s'est réglée. Remarquez: elle n'est

pas détruite, elle se règle; il ne faut plus d'éperon, presque plus de bride; car la bride ne fait plus l'effet de dompter l'animal fougueux; par un petit mouvement, qui n'est que l'indication de la volonté de l'écuyer, elle l'avertit plutôt qu'elle ne le force, et le paisible animal ne fait plus, pour ainsi dire, qu'écouter: son action est tellement unie à celle de celui qui le mène, qu'il ne s'ensuit plus qu'une seule et même action.

BOSSUET.

Méditations sur l'Evangile.

LE REQUIN.

CE formidable squale parvient jusqu'à une longueur de plus de dix mètres (trente pieds, ou environ); il pèse quelquefois près de cinquante myriagrammes (mille livres); et il s'en faut de beaucoup que l'on ait prouvé que l'on doit regarder comme exagérée l'assertion de ceux qui ont prétendu qu'on avait pêché un requin du poids de plus de cent quatre-vingt-dix myriagrammes (quatre mille livres).

Mais la grandeur n'est pas son seul attribut; il a reçu aussi la force et des armes meurtrières ; et, féroce autant que vorace, impétueux dans ses mouvements, avide de sang, insatiable de proie, il est véritablement le tigre de la mer. Recherchant sans crainte tout ennemi, poursuivant avec plus d'obstination, attaquant avec plus de rage, combattant avec plus d'acharnement que les autres habitants des eaux; plus dangereux que plusieurs cétacés, qui, presque toujours, sont moins puissants que lui; inspirant même plus d'effroi que les baleines, qui, moins bien armées, et douées d'appétits bien différents, ne provoquent presque jamais ni l'homme, ni les grands animaux ; rapide dans sa course, répandu sur tous les climats, ayant envahi, pour ainsi dire, toutes les mers paraissant souvent au milieu des tempêtes; aperçu facilement par l'éclat phosphorique dont il brille, au milieu des ombres des nuits les plus

orageuses; menaçant de sa gueule énorme et dévorante les infortunés navigateurs exposés aux horreurs du naufrage, leur fermant toute voie de salut, leur montrant, en quelque sorte, leur tombe ouverte, et plaçant sous leurs yeux le signal de la destruction. Il n'est pas surprenant qu'il ait reçu le nom sinistre qu'il porte, et qui, réveillant tant d'idées lugubres, rappelle surtout la mort dont il est le ministre. Requin est, en effet, une corruption de requiem, qui désigne depuis longtemps, en Europe, la mort et le repos éternel, et qui a dû être souvent, pour des passagers effrayés, l'expression de leur consternation, à la vue d'un squale de plus de trente pieds de longueur, et des victimes déchirées ou ensanglantées par ce tyran des ondes. Terrible encore lorsqu'on a pu parvenir à l'accabler de chaînes, se débattant avec violence au milieu de ses liens ; conservant une grande puissance, lors même qu'il est déja tout baigné dans son sang, et pouvant, d'un seul coup de sa queue, répandre le ravage autour de lui à l'instant même où il est près d'expirer, n'est-il pas le plus formidable de tous les animaux auxquels la nature n'a pas départi des armes empoisonnées ? Le tigre le plus furieux, au milieu des sables brûlants; le crocodile le plus fort, sur les rivages équatoriaux ; le serpent le plus démesuré, dans les solitudes Africaines, doivent-ils inspirer autant d'effroi qu'un énorme requin au milieu des vagues agitées ?

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