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les flames des conuoitises terrestres, sans bruler les aisles des sacrez desirs de la vie deuote. Il est vray que cela est mal aisé, & c'est pourquoy ie desirerois que plusieurs y employassent leur soin auec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait iusques à present; comme tout foible que ie suis, ie m'efsaye par cet écrit de contribuer quelque secours à ceux qui d'vn cœur genereux feront cette digne entreprise.

Mais ce n'a toutesfois pas esté par mon élection ou inclination que cette Introductiõ sort en public: vne ame vrayemēt pleine d'honneur & de vertu, ayant ( il y a quelque temps) receu de Dieu la grace de vouloir aspirer à la vie deuote, defira ma particuliere assistance pour ce regard: & moy qui luy auois plusieurs sortes de deuoirs, & qui auois long temps auparauant remarqué en elle beaucoup de disposition pour ce dessein, ie me rendis fort soigneux de la bien instruire, & l'ayant conduite par tous les exercices conuenables à son defir & sa cõdition, ie luy en laissay des memoires par écrit, afin qu'elle y eust recours à son besoin. Elle depuis les communiqua à vn grad, docte, & deuot Religieux, lequel estimāt que plusieurs en pourroiēt tirer du profit, m'exhorta fort de les faire publier: ce qui luy fut aise de me perfuader, parce que son amitié auoit bea eaucoup de pouuoir sur ma volonté, & fon iugement vne grande authorité sur le mien.

Or afin que le tout fust plus vtile & agreable, ie l'ay reueu, & y ay mis quelque forte d'entresuitte, adioustant plusieurs aduis & enseignemens propres à mon intention : mais tout cela ie l'ay fait sans nulle sorte presque de loisir. C'est pourquoy tu ne verras rien icy d'exact, ains seulement vn amas d'aduertissemens de bonne foy, que ï'explique par des paroles claires & intelligibles; au moins ay-ie desiré de le faire. Et quant au reste des ornemens du langage, ie n'y ay pas seulement voulu penser, comme ayant affez d'autres choses à faire.

I'addresse mes paroles à Philothée, parce que voulant reduire à l'vtilité commune de plusieurs ames, ce que i'auois premierement écrit pour vne seule, ie l'appelle du nom commun à toutes celles qui veulent estre deuotes : car Philothée veut dire amatrice ou amoureuse de Dieu.

Regardant donc en tout cecy vne ame, qui par le defir de la deuotion aspire à l'amour de Dieu, i'ay fait cette Introduction de cinq parties. En la premiere desquelles ie m'essaye par quelques remonstrances & exercices de conuertir le simple desir de Philothée en vne entiere resolution, qu'elle fait à la parfin, apres sa confefsion generale, par vne solide protestation, fuiuie de la tres-saincte Communion, en laquelle se donnant à son Sauueur, & le receuant, elle entre heureusement en son sainct Amour. Cela fait, pour la conduire plus auant, ie luy montre deux grāds moyens de s'vnir de plus en plus à sa diuine Maiesté; l'vsage des Sacremens, par lesquels ce bon Dieu vient à nous: & la sainete oraison, par laquelle il nous tire à soy. Et en cecy i'employe la seconde partie. En la troifiéme ie luy fay voir comme elle se doit exercer en plusieurs vertus plus propres à son auancement: ne m'amusant pas finona certains aduis particuliers, qu'elle n'eust pas sceu aysément prendre ailleurs, ny d'elle-mesme. En la quatrième ie luy fay découurir quelques embusches de ses ennemis, & luy monstre comme elle s'en doit démesler & passer outre. Et finalement en la cinquième partie ie la fay vn peu retirer à part soy, pour se rafraischir, reprendre haleine, & reparer ses forces, afin qu'elle puisse par apres plus heureusement gaigner païs, & s'auancer en la vie Cét aage est fort bigearre, & ie preuois bien que plusieurs diront qu'il n'appartient qu'aux Religieux & gens de deuotion, de faire des conduites si particulieres à la pieté, qu'elles requierent plus de loisir que n'en peut auoir vn Euefque chargé d'vn Diocese si pesant comme le mien, que cela distrait trop l'entendement, qui doit estre employé à choses importantes.

deuote.

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Mais moy, mon cher Lecteur, ie te dis auec le grand sainct Denys, qu'il appartient principalement aux Euesques de perfectionner les ames, dautant que leur ordre est le suprême entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges : si que leur loisir ne peut estre mieux destiné qu'à cela. Les anciens Euesques & Peres de l'Eglise, estoient pour le moins autant affectionnez à leurs charges que nous, & ne laissoient pourtant pas d'auoir soin de la conduite particuliere de plusieurs ames qui recouroient à leur assistance, comme il appert par leurs Epistres, imitans en cela les Apôtres, qui emmy la moisson generale de l'Vniuers, recueilloient neantmoins certains épics plus remarquables, auec vne speciale & particuliere affection. Qui ne sçait que Timothée, Tite, Philemon, Onesime, saincte Thecle, & Appia, estoient les chers enfans du grand sainct Paul, comme sainct Marc & faincte Petronille de sainct Pierre? sainte Petronille, dy-ie, laquelle, comme preuuent doctement Baronius, & Galonius, ne fut pas fille charnelle, mais seulement spirituelle de sainct Pierre. Et sainct Iean n'écrit-il pas vne de ses Epistres canoniques à la deuote dame Electa?

C'est vne peine, ie le confesse, de conduire les ames en particulier: mais vne peine qui soulage, pareille à celle des moissonneurs & vendangeurs, qui ne font iamais plus contents que d'estre fort embesongnez & chargez. C'est vn trauail qui délasse & auiue le cœur, par la fuauité qui en reuient à ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmy l'Arabie heureuse. On dit que la Tygrefse ayant retrouué l'vn de ses petits, que le chafseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser, tandis qu'il emporte le reste de la littée, elle s'en charge pour gros qu'il soit; & pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere à la course qu'elle fait pour le sauuer dans sa taniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau. Combien plus vn cœur paternel prendra-t'il volontiers en charge vne ame qu'il aura rencontrée au defir de la saincte perfection, la portant en son

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