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secondaire à ses yeux; l'ambition de rester lui semblait peu digne d'un ministère; c'était à la solution d'une grande question comme celle de la conversion des rentes, par exemple, que devait se rattacher la durée et le maintien d'un Cabinet, et non à 1,500,000 francs de police.

Suivant le président du Conseil, on ne pouvait appeler coalition le passage d'une portion d'un ministère dans une administration nouvelle; il n'y avait pas de ministère de résistance et de ministère de conciliation; l'opportunité était la loi de l'homme d'état, et l'opposition de M. Villemain ne pouvait se justifier que par la censure de certains actes.

L'honorable pair rassura M. le comte Molé sur l'ostracisme dont il s'était cru frappé. Il avait voulu seulement constater, ce que le ministre savait très-bien, qu'il était utile, dans un gouvernement représentatif, de se retirer à propos pour reprendre plus tard le pouvoir avec honneur.

« J'ai rappelé, disait l'orateur, une condition du gouvernement représentatif. J'aurais pu sans doute citer à l'appui quelques exemples de ministres qui ont honoré la France et l'administration (car le gouvernement représentatif ne date pas du 15 avril), et qui ont su se retirer quand leur loi ou leur système tombait. Ils ne prétendaient pas s'approprier l'infaillibilité dans tous les sens, et ne réclamaient pas le droit d'avoir raison, à deux jours de distance, dans deux systèmes opposés.

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La discussion s'arrêta là, et la Chambre consultée, adopta la loi à la majorité de 129 voix contre 22 opposants, sur 151 votants.

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25 janvier. M. Mercier (de l'Orne) donna lecture de sa proposition, tendant à la division de la Chambre des députés en sept bureaux ou comités au commencement de chaque session, et à la distribution entre eux des travaux de la Chambre.

Ces sept bureaux étaient, savoir: celui de législation, "celui des finances, celui de la guerre, celui de la marine,

celui du commerce et de l'agriculture, celui des travaux publics, et celui des pétitions.

Les développements de M. Mercier appelaient l'attention de la Chambre sur les points défectueux de son réglement. C'était un cadre qu'il avait voulu tracer et qu'il modifierait selon les idées de ses collègues.

Le réglement ne lui semblait pas garantir pour chacun le libre exercice de son droit, et le sort, présidant à la composition des bureaux, était à ses yeux un mode aveugle de recrutement. De plus, la couleur politique des opinions avait . plus souvent déterminé le choix des commissaires que leur aptitude ou leurs connaissances sur la question. C'était un véritable abus de majorité. L'orateur invoquait l'exemple de l'Assemblée constituante et de l'Assemblée législative, qui se divisaient par comités et qui avaient fait de bonnes lois et de grandes choses.

M. Mercier proposait également de revenir à l'ancien système d'un seul rapport général sur le budget, pour éviter les lenteurs qui résultaient de la nécessité d'un rapport par ministère. Enfin, quant au droit de pétitions, il le regardait comme sacré; mais il désirait que les pétitions recommandées par cinq députés obtinssent un tour de priorité pour les distinguer de ces pétitions dépourvues de but et de raison. Cette proposition n'ayant pas été appuyée, il n'y fut pas donné suite.

Nous allons passer en revue le petit nombre de pétitions qui pendant le cours de la session ont attiré l'attention des des Chambres. Cet examen de vues, d'idées et de souhaits divers rendus publics, et souvent même discutés, n'est pas dénué d'intérêt.

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3 Mars. Le sieur Carpentier, patenté à Paris, demandait l'établissement d'un impôt sur les rentes; il voulait qu'on frappât d'une retenue d'un dixième toutes les rentes inscrites au grand-livre. Admettant en droit la faculté du remboursement, il en contestait l'utilité pratique.

En compensation de la retenue qu'il opérait sur les rentes inscrites, il offrait aux porteurs la capacité électorale, et leur conférait un droit en dédommagement du revenu dont

il les privait. La commission avait proposé l'ordre du jour qui fut adopté.

Dans la même séance, M. Perrégaux fit un rapport sur une grave question d'État.

Les époux Descampaux, beau-frère et belle-sœur, mariés en vertu de la loi du 16 avril 1832, priaient la Chambre de solliciter du Gouvernement une disposition complétive de cette loi, disposition d'où résulterait expressément le droit de reconnaître et de légitimer par le mariage subséquent les enfants nés de beaux-frères et de belles-sœurs, autorisés à contracter mariage entre eux.

Il s'agissait donc d'une question d'État; il s'agissait de savoir si la loi du 16 avril 1832 aurait un effet rétroactif. A ses yeux, la légitimation par mariage subséquent était un bienfait de la loi. C'était régulariser l'inconduite du passé par la moralité du présent et de l'avenir. De plus, pourquoi frapper d'interdiction éternelle les enfants nés de ces unions, quand ces mêmes unions sont rentrées en grâce devant la loi?

La commission doutait que l'on pût rigoureusement et même raisonnablement assimiler aux enfants incestueux les enfants issus d'un commerce de beaux-frères et de bellessœurs, qui étaient complétement libres au moment de leur intimité.

Tel, disait le rapporteur, ne doit pas rester enfant naturel incestueux par arrêt de justice, tandis que tel autre, placé dans la même position, jouira ailleurs de tous les droits d'enfant légitime. En résumé, il proposait le renvoi au ministre de la justice. Ce dernier s'y opposait, en alléguant que les tribunaux étaient saisis de cette question, et qu'il en fallait abandonner la solution à la jurisprudence.

Attendre que la jurisprudence ait décidé seule de ce cas, qui intéressait à un si haut degré la morale, c'était, suivant M. Roger (du Loiret), prolonger la situation déplorable des familles. D'ailleurs, quarante, cinquante ans se seraient écoulés avant que la cour suprême n'ait définitivemen Ann. hist. pour 1838.

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fixé la législation à cet égard. Il insistait donc pour le renvoi.

Le garde-des-sceaux répliquait que cette lenteur de la justice était salutaire dans une pareille question, et qu'il y aurait un grave embarras si la justice, qui est indépendante, venait à statuer entre le vœu du pétitionnaire et de la Chambre, qui plus tard pourrait faire une loi contraire,

Quittant le fauteuil, M. Dupin prit parti pour la légitimation des enfants, sans croire néanmoins à l'utilité du renvoi à M. le garde-des-sceaux. Invoquant le droit canonique, il démontra que l'Église avait, par ses dispenses, purifié le passé, comme pour réparer le scandale, en faisant monter les enfants au rang de la légitimité sous le sceau de la religion, et sous la bénédiction du prêtre. L'orateur demandait que cette pensée religieuse et morale descendit dans le droit civil.

M. le garde-des-sceaux pensait au contraire que cette espérance de légitimation encouragerait le désordre des mœurs et forcerait le Gouvernement à autoriser des fautes graves, en promettant soutenir le résultat de mauvaises passions. Cédant à ces dernières considérations, la Chambre passa à l'ordre du jour.

Le 10 mars elle eut à statuer sur deux pétitions remarquables: l'une était relative à l'autorisation du port de la Croix de Saint-Louis, qu'aucune loi ne défendait : M. Gobert, rapporteur, ayant établi qu'en 1830, le port de cette décoration n'avait pas été interdit, et qu'il n'y avait pas lieu à la restituer; on passa à l'ordre du jour.

L'autre pétition était celle d'Eioub-ben-Hussein, habitant de Tlemcen, qui révélait tardivement à la représentation nationale que la plainte portée par lui en 1836 contre les prétendues spoliations de l'administration française en Afrique, était mensongère M. Muteau, au nom de la commission, flétrissait ces indignes manoeuvres, et demandait le renvoi de cette nouvelle pétition au ministre des finances et de la guerre.

24 Mars. Une pétition du sieur Bocanide, relative à l'amélioration de nos hôpitaux en Afrique, souleva une discussion à laquelle prirent part MM. de Golbéry, Piscatory, Lanier, Fulchiron, Just de Chasseloup-Laubat, le ministre de l'intérieur; après des débats assez longs, la Chambre témoignant sa sollicitude pour nos troupes d'Algérie, décida que la pétition serait renvoyée comme avertissement à la commission des crédits d'Afrique et au ministre de la guerre.

Vint une autre pétition qui intéressait spécialement la Chambre: elle était signée par MM. de Barie, comte de Saint-Sauvant, M. de Châteauport et M. de Lussac, à Paris, qui, convaincus du préjudice que causait au pays l'absence presque continuelle de plus d'un tiers des députés, croyaient qu'il était de leur devoir de prier la Chambre de créer une loi, en vertu de laquelle tout député qui aurait manqué à trois séances consécutives sans excuses légitimes, fût considéré comme démissionnaire.

M. Salyerte soutint qu'il n'était pas dans le domaine de la pétition, ni même dans celui de la Chambre, de prononcer une démission contre un de ses membres, et que par conséquent la question ne pouvait être mise en délibération. On passa à l'ordre du jour.

21 Avril. M. Barillon fit un rapport sur une pétition des pasteurs et anciens du consistoire de Crest, qui réclamait l'établissement, à Paris, d'une faculté de théologie protestante. Déjà la Chambre à plusieurs reprises avait entendu traiter devant elle la question de convenance et d'utilité d'une faculté de théologie à Paris, pour la religion réformée.

Cette pétition fut appuyée par MM. de Gasparin et Léon de Malleville. Le ministre de l'instruction publique assura que cette question recevrait une solution prochaine, que le Gouvernement en était saisi, et que, pour lui, il consentait volontiers au renvoi de la pétition qu'il examinerait avec le soin que méritait l'enseignement théologique.

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