Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XV.

féodaux.

[ocr errors]

Couronnement de la reine Victoria. Enthousiasme national,—Concours d'étrangers. Aspect de la ville de Londres. - Abandon des usages Accueil fait au maréchal Soult par les habitants de Londres. Série de fètes. Reprise des débats parlementaires. - Discussion, dans la chambre des communes, sur le projet du gouvernement relatif à la question des dîmes. Il est attaqué par M. Ward et défendu par lord Morpeth. M. Hume le rejette, comme insuffisant et tardif. Discours de M. O'Connell. La motion de M. Ward est rejetée, Discussion des articles. Vote de la loi. Lord Melbourne apporte à la chambre des lords, le bill voté par les communes. — -Lord Brougham le repousse. Il est voté. Seconde lecture à la chambre des pairs, du bill sur le paupérisme irlandais. - Lord Melbourne, le comte Fitz-William, le duc de Wellington, le marquis de Londonderry, lord Lindhurst, lord Radnor, lord Brougham, le marquis de Clanricarde et le marquis de Landsdown prennent part aux débats, Vote de la seconde lecture. Adoption définitive du projet.. La chambre haute s'occupe de quelques questions coloniales. - Discussion sur la liberté de la presse dans l'île de Malte. - Opinion du duc de Wel-lington à cet égard.

[ocr errors]
[ocr errors]

Cependant on approchait de l'époque fixée pour le couronnement de la reine, et toutes les dissidences parlementaires s semblaient s'effacer devant cette grande préoccupation. L'attention publique n'était plus fixée que sur cet événement devenu l'objet de toutes les conversations, et en quelque sorte, le but de toutes les actions de la vie, « Le >> peuple, disait un journal de Londres, est fou de couron>>nement (coronation mad), » Et, en effet, jamais avènement royal n'avait excité, en Angleterre, un plus frénétique enthousiasme. Des étrangers de tous les rangs accouraient en foule de toutes les parties de l'Europe, pour assister à l'intronisation de la jeune fille qui allait poser sur sa

tête les trois couronnes de l'empire britannique. Déjà, depuis plusieurs semaines, la ville de Londres offrait le spectacle le plus animé. Les mille équipages qui sillonnaient en tous sens cette immense cité, les somptueuses livrées des ambassadeurs, la variété de costumes, d'uniformes et de langage de cette nuée d'étrangers qui parcouraient incessamment les rue de la capitale, les bruyants préparatifs qui se faisaient la nuit comme le jour sur toute la ligne que devait suivre le cortége: tout cela formait une scène bizarre, animée, tumultueuse et qui entretenait dans les esprits un sentiment de curiosité, d'impatience et de surexcitation impossible à décrire.

Enfin, la cérémonie du couronnement, eut lieu le 28 juin, en présence de toute la population métropolitaine et de quatre cent mille curieux accourus des provinces ou de l'étranger, pour être témoins de cette imposante solennité.

Le couronnement de la reine Victoria ressembla, sous beaucoup de rapports, à celui de son prédécesseur, c'est-àdire qu'il fut affranchi de la procession à pied des États du royaume, du banquet en Westminster et de presque toutes les pratiques féodales qui, jusques-là, avaient invariablement été renouvelées à l'ouverture de chaque règne. Aussi, cette réforme souleva-t-elle un violent orage au sein de l'aristocratie, qui ne pouvait se résigner à l'abandon des vieux usages, et parmi les boutiquiers de Londres dont les intérêts mercantiles étaient peu sensibles à ce progrès philosophique. Le mécontentement fut extrême dans la Chambre des lords où le marquis de Londonderry accusa presque les ministres du crime de lèze-majesté, pour avoir osć dispenser les nobles ba: rons de parcourir processionnellement les rues de Londres, affublés de leurs oripeaux traditionnels et le front ceint de la couronne héraldique. Cependant le nouveau règne fut inauguré avec une très-grande splendeur, quoique sans aucune des formes barbares d'un autre âge (1), et l'intérêt générak

(1) Voir à la Chronique les détails de cette cérémonie.

fut tel, que, suivant un rapport du chancelier de l'échiquier, la somme payée par le public, pour obtenir des siéges sur le passage du cortége, était évaluée à quatre millions de francs (200,000 livres sterling).

L'incident le plus remarquable de cette grande solennité fut sans contredit l'accueil plein d'enthousiasme et de cordialité que les habitants de Londres firent, dans cette circonstance, au maréchal Soult, ambassadeur extraordinaire du roi des Français. L'élan des classes inférieures en faveur du duc de Dalmatie, se propagea dans tous les rangs de la société anglaise, et il n'y eut bientôt plus une corporation d'artisans, ni un salon aristocratique qui ne considérât comme un insigne honneur, de pouvoir fêter le vieux guerrier que la Grande-Bretagne avait rencontré sur tant de champs de bataille, et dont la gloire se rattachait de si près à celle de ses armes. Enfin, le séjour du maréchal Soult en Angleterre, ne fut qu'une longue ovation populaire dont l'éclat balança presque celui du couronnement, et produisit une profonde sensation dans toutes les cours de l'Europe.

A la cérémonie du couronnement succéda une interminable série de fêtes. La plus splendide fut le banquet, offert par la cité de Londres aux ambassadeurs étrangers, auquel furent conviés les personnages les plus illustres du royaume. Là, encore, le maréchal Soult fut accueilli avec les mêmes transports d'enthousiasme qui avaient salué sa présence dans toutes les occasions.

Mais revenons aux débats parlementaires.

Débarrassée du bill sur les municipalités irlandaises, la Chambre des communes s'occupa, le 2 juillet, du projet de lord Russell sur la question des dîmes. M. Ward reprocha vivement au Cabinet, l'abandon du principe d'appropriation. Quant à l'abolition des sinécures et au redressement de quelques abus inhérents à l'administration de l'église irlandaise, sir Robert Peel y avait consenti. Pourquoi donc le Cabinet présidé par ce ministère avait-il été renversé? Uniquement parce qu'il combattait ce même principe d'appro

priation, que le ministère sacrifie maintenant; contradiction immorale et qui ne saurait être trop sévèrement qualifiée. L'orateur ne concevait point qu'une résolution prise par la Chambre et enregistrée dans ses procès-verbaux, pût rester sans exécution ni sans être rapportée. Dans cet état de choses, les communes n'avaient que deux partis à prendre: maintenir le principe par elles consacré dans cinq circonstances différentes, mais en ajourner l'application jusqu'à ce que le temps et l'opinion publique la comportassent; ou bien déclarer tout de suite que la Chambre s'était trompée; que 'les adversaires de la clause d'appropriation étaient dans le vrai, et qu'après avoir renversé deux ministères pour maintenir ce principe, elle était prête à l'abandonner et à confesser son erreur. M. Ward terminait en demandant que le surplus des revenus de l'église d'Irlande, fùt intégralement consacré à l'éducation morale et religieuse de toutes les classes du peuple.

[ocr errors]

Après un discours de lord Morpeth, en faveur de la mesure, M. Hume prit la parole. Le député radical pensait qu'on n'obtiendrait rien par les voies de conciliation auxquelles le Cabinet avait recours. Toutefois, s'il était permis d'espérer que la proposition de lord Russell pût rendre un peu de repos à l'Irlande, M. Hume ne balancerait point à l'accueillir; mais il lui était démontré jusqu'à l'évidence que les ministres avaient trop tardé à adopter ce système de conciliation, et que, dans l'état actuel des choses, l'Irlande ne se contenterait point des concessions insignifiantes qu'on lui proposait. Dans cette opinion M. Hume se ralliait à la motion de M. Ward.

Cette motion fut énergiquement combattue par M. O'Connell, parce que, dit-il, elle ne pouvait aboutir qu'à une déception. Ce que voulait le peuple irlandais, ce n'était point tel ou tel emploi d'un surplus imaginaire des revenus de l'église, mais l'abolition franché et complète du système des dîmes que sa détermination était de ne plus payer du tout. Il y a trois ans qu'un bill de ce genre eût pu être accepté par

[ocr errors]

l'Irlande ; mais le moment opportun était passé. Aujourd'hui l'Irlande exigeait que le clergé de l'église établie, fut entretenu aux dépens du trésor, et que les fonds provenant du rachat des dimes fussent employés à maintenir la paix dans le pays. Après un discours fort sarcastique de M. Harwey qui critiqua avec une égale ironie les radicaux et les conservateurs, la motion de M. Ward, qu'un seul membre du Cabinet avait combattue, fut mise aux voix et rejetée par 270 votes contre 46.-Majorité ministérielle 224. La Chambre passa ensuite à l'examen des articles, et, après la discussion de quelques amendements qui donnèrent lieu à de vifs débats entre les principaux orateurs des deux partis, et a deux remarquables discours de Sir Robert Peel et de M. O'Connell, l'ensemble de la loi fut voté par 148 voix contre 30.-Majorité ministérielle 118.

Telle fut l'issue de ce long et mémorable débat sur la clause d'appropriation; clause dont, par un étrange renversement d'intérêts et de principes, l'adoption avait porté les whigs au pouvoir où son abandon les maintenait aujourd'hui.

Le 3 août, lord Melbourne apporta à la Chambre des lords le bill voté par les communes, et, s'abstenant discrètement de toute allusion à la clause dont nous venons de parler, le ministre se borna à représenter la mesure comme la meilleure et la plus prudente qu'il fût possible de prendre dans les conjonctures actuelles. Mais il n'était guère probable que lord Brougham permettrait au ministère de passer impunément sous silence la fameuse clause d'appropriation.

« J'avoue, dit-il, que je ne m'attendais pas à ce qu'un jour viendrait où l'on jetterait le principe d'appropriation au vent, comme s'il n'en avait jamais été question, et comme s'il n'avait jamais servi à renverser un Cabinet et à en élever un autre. Voilà cependant que tout est fini avec cette clause fameuse, son origine, son histoire, ses progrès, son déclin et sa chûte! Bienheureuse appropriation! Voyez comme, après avoir porté son

« PrécédentContinuer »