sur un sable mouvant, nulle apparence qu'il subsiste. Il s'agit de compter non sur les vertus qu'on pourra acquerir, mais fur celles qu'on a déja effectivement acquises:fans cela on refLuca 14. semblera à ce Roy imprudent qui engagé contre un autre Roy dans une facheuse querre n'avoit pas fait cette reflexion : Pourrai-je avec dix mille hommes m'opposer à celui dont l'armée est composée de vingt mille? Il s'agit de marcher dans la voye étroite qui conduit à la vie. De pratiquer non seulement les commandemens, mais les confeils Evangeliques: Si l'on se détourne à droite ou à gauche aprés avoir pris de mauvaises routes, rentrera-t-on aifément dans la bonne ?

IV.

De semblables reflexions ont

jetté dans l'ame des plus grands Saints de si étranges allarmes, que quoiqu'ils fuffent dignes des premieres charges de l'Eglife, ils les ont fui avec autant de précaution, que ceux qui au jugement de Dieu en étoient les plus indignes, les poursui. voient avec chaleur.

Je ne parle pas de ce saint Nilamon, Solitaire, qui averti que Theo- apud Socrat. dose d'Alexandrie venoit pour lib. 8. c. 19. l'ordonner Evêque, pria Dieu de le retirer plûtôt du monde, que de souffrir qu'on lui fît cette violence, & qui fut faifi d'une telle frayeur, qu'il

en mourut.

Je ne parle pas de ce fameux Alexandre, qui, pour ôter au peuple tout sujet de lui donner aucune dignité dans l'Eglife, de Philosophe prit le métier de Charbonnier: il étoit même si ravi de se voir en re

:

pos par la bassesse de sa condition, qu'il fouffroit avec joye la brutalité de ses maîtres: & il ne commença à gémir amerement, que lorsque Gregoire M.Godean Taumaturge, inspiré d'enhaut, dans fon elo- le fit chercher pour le faire Evê-Eviquis. que de Comane.

ge 13.

des

S. Crifoft

lib. 1. de fa

V.

1

5

A la verité ces exemples, & plusieurs autres que je pourrois rapporter, font extraordinaires: mais nos histoires nous appren nent que les plus grands hommes de leurs fiecles ont employé ce qu'ils avoient d'industrie, de credit auprés de Dieu, & des Princes, pour ne fe pas charger d'un fardeau qui feroit redoutable aux Anges mêmes.

Faut-il pour cet effet laisser

cerdosio, c.3. porter à d'autres qu'on croit.

plus forts que soy le fardeau?S.
Crifoftome rend lui-même ce
témoignage, qu'il l'a fait lors
que sçachant qu'on vouloit le
faire Evêque avec Bafile fon
ami intime, il se retira adroi-
tement, fans faire connoître
le sujet de cette fuite préci-
pitée à cet ami, qu'il regar-
doit comme un excellent Sujet,
capable de rendre de trés
grands services à l'Eglife. Faut-
il demander par grace à un
Prince chrétien de ne pas con-
firmer une élection que tout un
peuple a faite, & opposer à la voix
publique une ferme resistance ?
Nous en avons un bel exemple
dans saint Gregoire le Grand,
lorsque n'ayant pû empêcher
fon élevation sur le premier
trône de l'Eglife, il pria l'Em-
pereur Maurice de ne pas con- in vita s
fentir au choix des Romains; Greg. lib.2

& il n'accepta la thiare qu'a

Foan. Diac

C. 39.

M.Godeaw

prés qu'une colomne de feu eut découvert le lieu où il s'étoit precipitamment retiré...

:

N'attendez pas que je pro

cloge 10. duise encore d'autres exemples; celui de faint Ciprien, qui se cacha lorsqu'il sout le dessein du peuple pour le faire Evêque de Carthage, & qui opposa à fon élection cette regle de l'A pôtre, qui deffend de pourvoir au Sacerdoce un Neophite: Andef.c. Celui de faint Gregoire, Evê que de Neocesarée, qui fuyoit de folitude en folitude, & ne se laissoit voir à personne, tant il craignoit d'être élevé à un honneur dont cependant il étoit fi digne: Celui des Athanases d'Alexandrie, des Martins de

233.

367

369.

Tours, des Amphilochius d'I

1

conie, des Bafiles, de Cefarée,