SCENE IV. ANSELME LÉLIE, MASCARILLE. ANSELME. Sortons; je ne saurais qu'avec douleur très-forte MASCARILLE. En peu de temps parfois on fait bien du chemin. Ah! ANSELME. Mais quoi, cher Lélie ! enfin il était homme. On n'a point pour la mort de dispense de Rome. Ah! LÉLIE. ANSELME. Sans leur dire gare, elle abat les humains, LÉLIE. Ah! ANSELME. Ce fier animal, pour toutes les prières, LÉLIE. Ab! MASCARILLE. Vous avez beau prêcher, Ce deuil enraciné ne se peut arracher. ANSELME. Si, malgré ces raisons, votre ennui persévère, Mon cher Lélie, au moins faites qu'il se modère. Ah! LÉLIE. MASCARILLE. Il n'en fera rien, je connais son humeur. ANSELME. Au reste, sur l'avis de votre serviteur, Ah! ah! LÉLIE. MASCARILLE. Comme à ce mot s'augmente sa douleur ! Il ne peut, sans mourir, songer à ce malheur. ANSELME. Je sais que vous verrez aux papiers du bon homme Ah! LÉLIE s'en allant. MASCARILLE. Le grand déplaisir que sent monsieur mon maître. ANSELME. Mascarille, je crois qu'il serait à propos Qu'il me fit de sa main un reçu de deux mots. Faisons-lui signer le mot que je demande. MASCARILLE. Las! en l'état qu'il est, comment vous contenter? Et quand ses déplaisirs prendront quelque allégeance, ANSELME seul. Le monde est rempli de beaucoup de traverses : Chaque homme tous les jours en ressent de diverses; Et jamais ici-bas... SCENE V. PANDOLFE, ANSELME. ANSELME. Ah! bon Dieu! je frémi! Pandolfe qui revient ! Fût-il bien endormi (1) ! (1) Ce demi-vers est obscur. Anselme veut dire sans doute Plût Comme depuis sa mort sa face est amaigrie! PANDOLFE. D'où peut donc provenir ce bizarre transport? ANSELME. Dites-moi de bien loin quel sujet vous amène. Je me serais passé de votre compliment. Si votre âme est en peine, et cherche des prières, Et que le ciel, par sa bonté, PANDOLFE riant. Malgré tout mon dépit, il m'y faut prendre part. ANSELME. Las! pour un trépassé vous êtes bien gaillard. PANDOLFE. Est-ce jeu, dites-nous, ou bien si c'est folie, ANSELME. Hélas! vous êtes mort, et je viens de vous voir. PANDOLFE. Quoi! j'aurais trépassé sans m'en apercevoir ? ANSELME. Sitôt que Mascarille en a dit la nouvelle, PANDOLFE. Mais, enfin, dormez-vous ? êtes-vous éveillé? ANSELME. Vous êtes habillé D'un corps aérien qui contrefait le vôtre, Mais qui dans un moment peut devenir tout autre. Et tout votre visage affreusement laidir. Dieu qu'il dormit en paix! que rien ne troublât le repos de son âme, car il ne doute pas un seul instant que son ami ne soit mort, comme le prouve le vers suivant. Pour Dieu! ne prenez point de vilaine figure; PANDOLFE. En une autre saison, cette naïveté Dont vous accompagnez votre crédulité, ANSELME. M'aurait-on joué pièce et fait supercherie? PANDOLFE. De l'argent, dites-vous? Ah! c'est donc l'enclouure! A votre dam. Pour moi, sans m'en mettre en souci, Contre ce Mascarille; et si l'on peut le prendre, ANSELME seul. Et moi, la bonne dupe à trop croire un vaurien, (1) Prou, vieux mot qui signifie assez, beaucoup. Il n'est plus d'nsage que dans ces phrases familières peu ou prou, ni peu ni prou. B.) SCÈNE VI. LÉLIE, ANSELME. LÉLIE, sans voir Anselme. Je puis à Trufaldin rendre aisément visite. ANSELME. A ce que je puis voir, votre douleur vous quitte? LÉLIE. Que dites-vous? Jamais elle ne quittera Un cœur qui chèrement toujours la nourrira. ANSELME. Je reviens sur mes pas vous dire avec franchise Qu'on ne reçoit plus rien qui soit hors de soupçon. Vous me faites plaisir de les vouloir reprendre; ANSELME. Je les connaîtrai bien : montrez, montrez-les-moi. Oui. LÉLIE. ANSELME. Tant mieux. Enfin je vous raccroche Mon argent bien-aimé ; rentrez dedans ma poche; Et j'allais prendre en vous un beau-fils fort discret! LÉLIE,seul. Il faut dire J'en tiens. Quelle surprise extrême ! |