Je ne m'en saurais taire, et me sens émouvoir. Mais monsieur, que chez vous fixait votre bonheur, Devait-il... ALCESTE. Laissez-moi, madame, je vous prie, Vider mes intérêts moi-même là-dessus ; Et ne vous chargez point de ces soins superflus. Eh! croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée, SCÈNE VII. CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE Eh bien! je me suis tu, malgré ce que je voi, CÉLIMÈNE. Oui, vous pouvez tout dire; Vous en êtes en droit, lorsque vous vous plaindrez, Et de me reprocher tout ce que vous voudrez. J'ai tort, je le confesse; et mon âme confuse Ne cherche à vous payer d'aucune vaine excuse. J'ai des autres ici méprisé le courroux; Mais je tombe d'accord de mon crime envers vous. Votre ressentiment, sans doute, est raisonnable; ALCESTE. Eh! le puis-je, traîtresse ? Vous voyez ce que peut une indigne tendresse, Oui, je veux bien, perfide, oublier vos forfaits; Moi, renoncer au monde avant que de vieillir, ALCESTE. Et s'il faut qu'à mes feux votre flamme réponde, La solitude effraye une âme de vingt ans. Je ne sens point la mienne assez grande, assez forte, Si le don de ma main peut contenter vos vœux, ALCESTE. Non. Mon cœur à présent vous déteste, Et ce refus lui seul fait plus que tout le reste. SCÈNE VIII. ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE. ALCESTE à Éliante. Madame, cent vertus ornent votre beauté, De vous depuis longtemps je fais un cas extrême Je m'en sens trop indigne, et commence à connaître ÉLIANTE. Vous pouvez suivre cette pensée : PHILINTE. Ah! cet honneur, madame, est toute mon envie, ALCESTE. Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements, Où d'être homme d'honneur on ait la liberté. PHILINTE Allons, madame, allons employer toute chose FIN DU MISANTHROPE. LE COMÉDIE (1666). PERSONNAGES. GÉRONTE, père de Lucinde. JACQUELINE, nourrice chez Géronte, et femme de Lucas. SGANARELLE. Non, je te dis que je n'en veux rien faire, et que c'est à moi de parler et d'être le maître. MARTINE. Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie, et que je ne me suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines. SGANARELLE. Oh! la grande fatigue que d'avoir une femme! et qu'Aristote a bien raison quand il dit qu'une femme est pire qu'un démon! MARTINE. Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt d'Aristote. SGANARELLE. Oui, habile homme. Trouve-moi un faiseur de fagots qui sache comme moi raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui ait su dans son jeune âge son rudiment par cœur. Que maudits soient l'heure et le jour où je m'avisai d'aller dire oui ! SGANARELLE. Que maudit soit le bec cornu (1) de notaire qui me fit signer ma ruine! MARTINE. C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire. Devrais-tu être un seul moment sans rendre grâces au ciel de m'avoir pour ta femme? et méritais-tu d'épouser une personne comme moi? SGANARELLE. Il est vrai que tu me fis trop d'honneur, et que j'eus lieu de me louer la première nuit de nos noces! Eh! morblen, ne me fais point parler là-dessus je dirais de certaines choses... Quoi? que dirais-tu ? MARTINE. SCANARELLE. Baste! laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et s que tu fus bien heureuse de me trouver. MARTINE. Qu'appelles-tu bien heureuse de te trouver? Un homme qui me réduit à l'hôpital, un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j'ai !... SCANARELLE. Tu as menti j'en bois une partie. MARTINE. Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis!... C'est vivre de ménage. SGANARELLE. (1) Bec cornu est une imitation du mot italien becco, qui signific bouc. (B.)- Les vieux conteurs emploient quelquefois ces deux mots réunis dans le sens de cornard. |