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Alceste, il faut, de toute nécessité, que cette rentrée s'accompagne de tout un protocole une camériste : devra venir débarrasser sa maîtresse de son capuchon ou de ce loup que l'on mettait souvent pour les courses en ville, etc..... Or, ceci ne saurait être suppléé. Imaginons donc que toutes ces formalités sont accomplies déjà. Alceste et Célimène sont revenus depuis quelques instants, Célimène a retiré les vêtements qu'elle ne porte qu'au dehors, et Alceste son chapeau. On cause. Le premier vers d'Alceste indique clairement qu'il en est à la conclusion : il vient d'accumuler ses griefs, de les exposer vigoureusement et il termine par une menace de rupture. Y a-t-il rien de plus naturel ou vraisemblable?

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Madame, voulez-vous que je vous parle net?
De vos façons d'agir je suis mal satisfait;

Contre elles dans mon cœur trop de bile s'assemble, 450. Et je sens qu'il faudra que nous rompions ensemble. Oui, je vous tromperois de parler autrement;

Tôt ou tard nous romprons indubitablement;

Et je vous promettrois mille fois le contraire,
Que je ne serois pas en pouvoir de le faire.

CÉLIMÈNE

455. C'est pour me quereller donc, à ce que je voi, Que vous avez voulu me ramener chez moi?

ALCESTE

Je ne querelle point; mais votre humeur, Madame, Ouvre au premier venu trop d'accès dans votre âme: Vous avez trop d'amants qu'on voit vous obséder, 460. Et mon cœur de cela ne peut s'accommoder.

CÉLIMÈNE

Des amants que je fais me rendez-vous coupable?
Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable?
Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
Dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors?

ALCESTE

465. Non, ce n'est pas, Madame, un bâton qu'il faut prendre,
Mais un cœur à leurs vœux moins facile et moins tendre.
Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux;
Mais votre accueil retient ceux qu'attirent vos yeux;
Et sa douceur offerte à qui vous rend les armes
470. Achève sur les cœurs l'ouvrage de vos charmes.
Le trop riant espoir que vous leur présentez
Attache autour de vous leurs assiduités;

Et votre complaisance un peu moins étendue De tant de soupirants chasseroit la cohue. 475. Mais au moins, dites-moi, Madame, par quel sort Votre Clitandre a l'heur de vous plaire si fort? Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime Appuyez-vous en lui l'honneur de votre estime? Est-ce par l'ongle long qu'il porte au petit doigt 480. Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit? Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde, Au mérite éclatant de sa perruque blonde? Sont-ce ses grands canons qui vous le font aimer? L'amas de ses rubans a-t-il su vous charmer? 485. Est-ce par les appas de sa vaste rhingrave Qu'il a gagné votre âme en faisant votre esclave? Ou sa façon de rire et son ton de fausset Ont-ils de vous toucher su trouver le secret?

CÉLIMÈNE

Qu'injustement de lui vous prenez de l'ombrage! 490. Ne savez-vous pas bien pourquoi je le ménage? Et que, dans mon procès, ainsi qu'il m'a promis, Il peut intéresser tout ce qu'il a d'amis?

ALCESTE

Perdez votre procès, Madame, avec constance,
Et ne ménagez point un rival qui m'offense.

CÉLIMÈNE

495. Mais de tout l'univers vous devenez jaloux.

C'est que

ALCESTE

tout l'univers est bien reçu de vous.

CÉLIMÈNE

C'est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée, Puisque ma complaisance est sur tous épanchée; Et vous auriez plus lieu de vous en offenser, 500. Si vous me la voyiez sur un seul ramasser.

ALCESTE

Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,
Qu'ai-je de plus qu'eux tous, Madame, je vous prie?

CÉLIMÈNE

Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.

ALCESTE

Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé?

CÉLIMÈNE

505. Je pense qu'ayant pris le soin de vous le dire, Un aveu de la sorte a de quoi vous suffire.

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