Il n'est point suspendu, sans doute, entre vous deux, Et rien n'est si tôt fait que le choix de nos vœux. Mais je souffre, à vrai dire, une gêne trop forte 1630. A prononcer en face un aveu de la sorte : Je trouve que ces mots qui sont désobligeants Ne se doivent point dire en présence des gens; Qu'un cœur de son penchant donne assez de lumière, Sans qu'on nous fasse aller jusqu'à rompre en visière; 1635. Et qu'il suffit enfin que de plus doux témoins Instruisent un amant du malheur de ses soins. ORONTE Non, non, un franc aveu n'a rien que j'appréhende: ALCESTE Et moi, je le demande : C'est son éclat surtout qu'ici j'ose exiger, 1640. Et je ne prétends point vous voir rien ménager. Conserver tout le monde est votre grande étude; Mais plus d'amusement, et plus d'incertitude : Il faut vous expliquer nettement là-dessus, Ou bien pour un arrêt je prends votre refus; 1645. Je saurai, de ma part, expliquer ce silence, Et me tiendrai pour dit tout le mal que j'en pense. ORONTE Je vous sais fort bon gré, Monsieur, de ce courroux, CÉLIMÈNE Que vous me fatiguez avec un tel caprice! Oronte et Célimène viennent de la maison, à droite, sortant de la pièce éclairée. Ils font un tour de jardin qu'ils terminent près de la tonnelle où Alceste se joint à eux. Éliante et Philinte apparaissent au vers 1651, sortant de la porte à droite, à l'avant-scène. SCÈNE III ÉLIANTE, PHILINTE, CÉLIMÈNE, ORONTE, ALCESTE CÉLIMÈNE Je me vois, ma cousine, ici persécutée Par des gens dont l'humeur y paroît concertée. 1655. Ils veulent, l'un et l'autre, avec même chaleur, Que je prononce entre eux le choix que fait mon cœur, Et que, par un arrêt qu'en face il me faut rendre, Je défende à l'un d'eux tous les soins qu'il peut prendre. Dites-moi si jamais cela se fait ainsi. ÉLIANTE 1660. N'allez point là-dessus me consulter ici : Peut-être y pourriez-vous être mal adressée, Et je suis pour les gens qui disent leur pensée. ORONTE Madame, c'est en vain que vous vous défendez. ALCESTE Tous vos détours ici seront mal secondés. ORONTE 1665. Il faut, il faut parler, et lâcher la balance. ALCESTE Il ne faut que poursuivre à garder le silence. ORONTE Je ne veux qu'un seul mot pour finir nos débats. ALCESTE Et moi, je vous entends si vous ne parlez pas. Les personnages gagnent vers le milieu de la scène, sur la réplique d'Éliante. SCÈNE DERNIÈRE ACASTE, CLITANDRE, ARSINOÉ, PHILINTE, ACASTE Madame, nous venons tous deux, sans vous déplaire, 1670. Éclaircir avec vous une petite affaire. CLITANDRE Fort à propos, Messieurs, vous vous trouvez ici, ARSINOÉ Madame, vous serez surprise de ma vue; J'ai bien voulu chez vous leur faire compagnie, ACASTE Oui, Madame, voyons, d'un esprit adouci, Comment vous vous prendrez à soutenir ceci. 1685. Cette lettre par vous est écrite à Clitandre? CLITANDRE Vous avez pour Acaste écrit ce billet tendre? ACASTE Messieurs, ces traits pour vous n'ont point d'obscurité, A connoître sa main n'ait trop su vous instruire; 1690. Mais ceci vaut assez la peine de le lire : Vous êtes un étrange homme de condamner mon enjouement, et de me reprocher que je n'ai jamais tant de joie que lorsque je ne suis pas avec vous. Il n'y a rien de plus injuste; et si vous ne venez bien vite me demander pardon de cette offense, je ne vous la pardonnerai de ma vie. Notre grand flandrin de Vicomte... Il devroit être ici. Notre grand flandrin de Vicomte, par qui vous commencez vos plaintes, est un homme qui ne sauroit me revenir; et depuis que je l'ai vu, trois quarts d'heure durant, cracher dans un puits pour faire des ronds, je n'ai jamais pu prendre bonne opinion de lui. Pour le petit Marquis..... C'est moi-même, Messieurs, sans nulle vanité. |