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tume de Normandie accorde sur les détenteurs des biens vendus, aux enfans qui ne trouvent pas leur Tiers-coutumier intact dans la succession paternelle : ils font, sur les biens donnés, un retranchement semblable en tous points à celui que la coutume de Normandie permet de faire sur les biens vendus, en faveur du Tiers-coutumier. Dira-t-on, pour cela, que les biens donnés au préjudice de la légitime, appartenaient aux enfans avant la mort de leur père ? Nous assurément. Eh! Pourquoi donc en serait-il autrement des biens vendus au préjudice du Tiers-coutumier? Il n'existe, à cet égard, aucune différence entre les uns et les autres. Le deuxième motif du tribunal d'appel de Caen n'est donc pas mieux fondé que le premier.

» Le troisième est-il plus solide? Il est puisé dans la disposition de la coutume, qui, pour faire jouir les enfans du tiers qu'elle leur destine, exige de leur part une renonciation expresse à la succession de leur père. Le tribunal d'appel conclud de cette disposition, que ce n'est point par droit successif que les enfans prennent leur tiers; car, dit-il, dès que les enfans ont renoncé, il n'y a plus de succession. » Ce n'est là qu'une vaine équivoque. Sans doute, quand les enfans avaient renoncé, ils n'étaient pas et ils ne pouvaient pas être héritiers. Mais reste-t-il moins vrai que ce qu'ils prenaient à titre de Tiers-coutumier, ils le prenaient par droit successif? C'était si bien par droit successif, que le partage qui s'en faisait entre eux, était soumis,par l'art.402, aux règles établies dans chaque localité pour le partage des successions; que, d'un autre côté, les fonds qui leur advenaient par cette voie,leur tenaient, de l'aveu de tous les jurisconsultes normands, nature de propres paternels, et cela par la seule force de l'art. 247, qui portait : Les biens sont faits propres en la personne de celui qui le premier les possède à droit successif; qu'enfin, l'enfant exhérédé par son père, pour cause fondée en droit, était, par cela seul, dechu du Tiers-coutumier, ainsi que l'établissent Basnage sur l'art. 399, et Roupnel sur Pesnelle, page 488.

» Pour quatrième motif, le tribunal d'appel de Caen prétend que l'intransmissibilité du tiers aux ayant cause des enfans qui décèdent avant leur père, n'est pas une preuve qu'en cas de survie à leur père, cette propriéte ne leur est acquise que par sa mort ; qu'il en résulte seulement que c'est un droit qui leur est personnel, et que cessant leur cxistence, il est plus naturel de le faire retourner à sa source.

» Mais le tribunal d'appel de Caen suppose

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que l'intransmissibilité du tiers n'avait lieu que dans le cas où le père survivait aux enfans, et c'est une grande erreur. Le tiers était intransmissible de la part des enfans, non seulement lorsqu'ils mouraient avant leur père, mais même lorsqu'ayant survécu à leur père, ils venaient à mourir sans avoir formé leur demande en Tiers-coutumier. Bérault, sur l'art. 403 rapporte un arrêt du 16 novembre 1618, qui l'a ainsi jugé solennellement. Un père, après avoir vendu presque tous ses biens, meurt et laisse deux filles en minorité. On néglige de leur établir un tuteur; elles jouissent des débris qui formaient toute l'hérédité paternelle, et décèdent encore mineures. Un cousin germain leur succède: croyant pouvoir exercer tous leurs droits, il obtient des lettres de restitution contre les actes d'héritier qu'elles ont pu faire, renonce à la succession de leur père, et demande leur Tiers-coutumier. Mais l'arrêt cité le déclare non-recevable, et après l'avoir prononcé, le premier pésident avertit les avocats de tenir que ce droit d'option n'était transmissible aux héritiers collatéraux. L'annotateur de Bérault ajoute que la question se présenta de nouveau et dans la même espèce, à l'audience du 13 juillet 1653, et qu'elle y fut encore jugée de même. Nous avons (dit encore

Roupnel sur Pesnelle, page 471) un arrêt du 26 juillet 1752, qui paraît être en plus forts termes. Un particulier ayant renoncé solennellement à la succession de son père, avec déclaration de poursuivre ses droits et les actions qui lui étaient acquises par notre coutume, contre les acquéreurs des biens paternels, décéda sans avoir formé aucune demande en Tiers-coutumier; et ses cousins-germains en ayant fait la demande après sa mort, y furent déclarés non-recevables par cet arrêt. Ainsi, ce n'était point, comme l'avance le tribunal d'appel de Caen, sur un droit de réversion qui fit retourner le Tiers-coutumier à sa source, qu'était fondée l'intransmissibilité de ce tiers aux héritiers collatéraux des enfans, puisque cette intransmissibilité avait lieu même après la mort du père, et par conséquent à une époque où il ne pouvait plus s'opérer de réversion en sa faveur. Comment donc les enfans auraient-ils pu être propriétaires avant la mort de leur père, de biens dont la mort même de leur père ne les saisissait pas de plein droit? Comment auraient-ils pu avoir, du vivant de leur père, une saisine qu'ils n'avaient même pas après son décès, s'ils n'en formaient la demande expresse?

» Tout concourt donc à démontrer que le droit de Tiers-coutumier n'était pas pour les enfans une propriété actuelle, tant que leur

père vivait ; qu'il n'était pour eux qu'une expectative, qu'une simple espérance; que cette expectative, cette espérance ne formait pas pour eux un droit acquis, lorsqu'a paru la loi du 17 nivôse an 2; que conséquemment cette loi, en l'abolissant pour l'avenir, l'a aboli à l'égard des enfans déjà nés, qui ne l'avaient encore ni atteint ni exercé, comme à l'égard des enfans qui naîtraient à l'avenir.

» Et ce qui achève de donner à cette démonstration le caractère d'une vérité faite pour subjuguer tous les esprits, c'est qu'elle a été sanctionnée par un jugement du tribunal de cassa. tion, du 3 ventôse an 8, rendu au rapport du cit. Rousseau, et confirmatif d'un jugement du tribunal civil de la Seine-Inférieure, du 29 frimaire précédent, lequel en avait lui-même confirmé un du tribunal civil du département de l'Eure, du 19 thermidor an 7.

» Considérant (porte-t-il) que l'art. 49 de la loi du 22 ventôse an 2 établit évidemment que le Tiers-coutumier est une transmission statutaire abolie par l'art. 61 de la loi du 17 nivóse précédent, qui ne fait aucune exception aux coutumes, dans quelques termes qu'elles soient conçues; que le statut transmissif est si clairement abrogé par la loi du 17 nivóse, la question posée à l'art. 49 de celle de ventóse, ne peut avoir eu pour objet qu'un

que

doute SUR L'effet des trANSMISSIONS STATUTAIRES, ANTÉCÉDENTES A L'ÉPOQUE et a L'EXÉCUTION DE LA Lor; et qu'ainsi, la réponse ne formant pas, à cet égard, d'exception à l'abolition générale, le législateur a résolu la question pour tout ce qui résultait simplement des statuts ;

» Que la loi du 17 nivóse, en déclarant, par le même article qui a prononcé l'abolition des transmissions statutaires, qu'il n'y aura d'autres règles de partage que celles qu'elle étabit, tant pour les successions échues depuis le jour de son exécution, que pour celles à venir, SUPPOSAIT NÉCESSAIREMENT L'EFFET D'UNE TRANSMISSION STATUTAIRE ANTÉRIEUREMENT même dans une succession ouverte EXISTANTE,

depuis ;

» Que le législateur ayant répondu, par l'art. 34 de la loi du 9 fructidor an 2, que, lorsque le Tiers-coutumier accordé par le statut, était réglé avant l'époque de l'exécution de la loi du 17 nivóse, il y avait alors un contr ́t entre-vifs, et qu'en ce cas, il n'y avait de doute pas pour le maintien de tels actes, il résultait de cette réponse, combinée avec les lois précédemment citées, QUE LE STatut n'éTAIT PAS MAINTENU, LORSQUE LE TIERS-COUTUMIER NON OUVERT n'était pas réglé avant la loi par cet acte entre-vifs; ce qui se trouve

encore confirmé par la loi du 18 pluvióse an 5, rendue depuis la révocation de l'effet rétroactif de celle du 17 nivóse, et qui, à l'art. 1or, ne maintient que les avantages résultant d'une stipulation dans le cas qu'elle détermine;

» Attendu que, dans l'espèce, le droit n'était ni ouvert ni réglé par contrat entre-vifs avant la publication des lois qui en ont prononcé l'abolition;

» Attendu enfin, que le jugement du 29 frimaire renferme suffisamment, dans sa rédaction, la forme voulue par la loi; que conséquemment le jugement attaqué n'a point contrevenu à la loi du 16-24 août 1790 et autres subséquentes, ni fait une fausse application de la loi du 17 nivóse an 2, et de celles interprétatives rendues en conséquence;

» Par ces motifs, le tribunal rejette le pourvoi des demandeurs.

» Deuxième partie. Il ne peut donc plus y avoir de difficulté sérieuse sur l'abolition du

Tiers-coutumier qui n'était pas ouvert avant la publication de la loi du 17 nivôse an 2; mais il reste à examiner si, dans l'espèce actuelle, l'ouverture du Tiers-coutumier réclamé par Guillaume Lemoine, n'avait pas précédé cette époque. Le tribunal d'appel de Caen a jugé qu'en effet elle l'avait précédée; et il a tire de là, pour Guillaume Lemoine, un moyen subsidiaire qu'il s'agit maintenant de discuter.

» Il a fondé ce moyen sur ce qu'on a cons tamment tenu pour maxime, en Normandie, que la mort naturelle du père n'était pas le seul événement qui donnát ouverture au Tierscoutumier; que l'usufruit de ce tiers, uniquement réservé au père, se consolidait à la propriété en faveur des enfans, au préjudice de ses acquéreurs et créanciers, aussitôt qu'il cessait de pouvoir en profiter lui-même ; que sa mort civile, la saisie-réelle de l'universalité de ses biens, la séparation civile dondaient lieu à l'ouverture du Tiers coutumier, de même que la mort naturelle, et donnait aux enfans le droit d'en réclamer la jouissance, quoique le père fút encore vivant.

» Il a ajouté que ce principe avait été reconnu par l'art. 34 de la loi du 9 fructidor an 2, lequel, a-t-il dit, suppose évidemment que le tiers pouvait s'ouvrir et se régler du vivant du père, avec les acquéreurs et les créanciers,quoique la condition de survie des enfans ne fút pas arrivée, et qu'il ne pút y avoir de renonciation à la succession du père.

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Appliquant ensuite ce point de jurispru dence à l'espèce qu'il avait à juger, il a rappelé le fait que la mère de Guillaume Lemoine avait

obtenu sa séparation civile en 1780; que, poursuivis par elle en délaissement des biens affectés à son douaire, les créanciers et les acquéreurs de Claude-Antoine Lemoine avaient eux-mêmes demandé que Guillaume Lemoine fût mis en cause, pour faire liquider contradictoirement avec lui un douaire qui devait être la mesure de son Tiers-coutumier; que Guillaume Lemoine était en effet intervenu, et qu'il avait pris, le 11 novembre 1790, des conclusions tendantes à la liquidation de son

tiers.

D

» Il a enfin prévu l'objection qui lui a paru pouvoir résulter de ce que ce tiers n'avait pas été liquidé et réglé avant la loi du 17 nivôse an 2; et il y a répondu que la liquidation n'est pas constitutive du droit ; qu'elle ne fait qu'en déterminer la quotité, et en fixer l'as siette qu'en quelque temps qu'elle s'opère, elle doit se référer au moment où le droit s'est ouvert; qu'autrement, ce serait donner aux lois qui ont aboli le Tiers-coutumier, un effet rétroactif d'un autre genre, pour priver les enfans de ce tiers.

» Toute cette argumentation repose, comme l'on voit, sur une seule base, sur la seule supposition que la séparation civile de Marie-Anne Addes d'avec Claude-Antoine Lemoine, son mari, a ouvert, des l'année 1780, le droit de Tiers-coutumier en faveur de Guillaume Lemoine, leur fils; mais cette supposition est absolument fausse.

» Il est bien vrai que, par la jurisprudence normande, la séparation des époux donnait aux enfans le droit de jouir, après la mort de leur mère et du vivant de leur père, des biens destinés à leur Tiers-coutumier; mais le droit de Tiers-coutumier était-il, pour cela, ouvert en leur faveur ? Il l'était si peu, que, si leur mère venait à se réconcilier avec leur père, et si, par ce moyen, la séparation civile se trouvait comme non-avenue, ils perdaient sans retour toute expectative de jouissance anticipée. Il en était, à cet égard, de la séparation civile, comme du décret de l'universalité des biens du père. Dans l'un et l'autre cas, la jurisprudence normande accordait aux enfans, à titre de secours alimentaire, les fruits des biens qui devaient former un jour leur tiers légal; mais ces biens n'en demeuraient pas moins dans le patrimoine du père.

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(399) par laquelle il est déclaré que les enfans ne peuvent vendre ni hypothéquer leur tiers qu'après la mort de leur père; car, à cet égard, le terme de mort ne s'entend que de la naturelle, étant certain qu'il n'y a aucun cas auquel les enfans puissent aliéner ni engager leur douaire, pendant que leur père est in rerum naturâ,parceque PENDANT ce temps,

CE N'EST PAS LEUR BIEN.

» Basnage dit la même chose sur le même article. On a déjà cité les premiers termes du passage dans lequel il établit cette doctrine; en voici le complément: Et quoique, par une explication favorable, pour óter la jouissance du Tiers-coutumier au père mauvais ménager ou décrété, on ait donné à la mort civile le même effet qu'à la mort naturelle, il n'en est pas de même lorsqu'il est question d'óter aux enfans le pouvoir d'en mal user pendant la vie du père; on n'entend, en ce cas, par ce terme de mort, que la mort naturelle.

>> Flaust, tome 1er, page 619, dit également: Tant que le père jouit de la vie civile,le fils ne pourra aliéner son Tiers-coutumier; le décret de ses biens, la ruine totale de ses affaires, la séparation de biens, etc., n'ouvriront point le droit de vendre ou d'hypothéquer le Tierscoutumier. C'est alors qu'on peut dire que les enfans ne peuvent avoir le Tiers-coutumier qu'après avoir renoncé, et qu'ils ne peuvent renoncer qu'après la mort.

>> Et c'est ce qu'a jugé un arrêt du 26 novembre 1647, rapporté en ces termes, dans les notes sur Bérault, tome 2, page 94, édition de 1766: Une femme s'était fait donner le tiers des biens de son mari pour son douaire ; elle avait un garçon et une fille. La mère étant morte, le fils vendit ce tiers, et décéda avant son père; après la mort du père, la fille attaqua la vente, prétendant qu'elle était nulle, n'y ayant eu que la mort du père qui avait donné ouverture à la demande du Tiers-coutumier; que son frère étant décédé avant son père, la demande en Tiers coutumier était ouverte en sa faveur. Par l'arrêt, le contrat fut déclaré nul.

Enfin, la séparation civile et le décret des biens opéraient si peu l'ouverture proprement dite du Tiers-coutumier, que, si, après que les enfans avaient obtenu la jouissance provisoire de leur tiers, le père venait à décéder avec une fortune supérieure à cette portion privilégiée de ses biens primitifs, les enfans étaient obligés, en acceptant sa succession, de rendre aux créanciers et aux acquéreurs, non seulement le fonds du Tiers-coutumier, mais encore les fruits qu'ils en avaient perçus par anticipation. C'est ce qui a été soutenu

d'une part, et convenu de l'autre, lors d'un arrêt du 22 février 1703, rapporté dans le Dictionnaire de droit normand, au mot Séparation, no 2.

» L'art. 34 du décret du 9 fructidor an 2 ne contrarie nullement ces principes. La question à laquelle il répond, tendait à ce qu'il fût décidé si le Tiers-coutumier que le statut de la ci-devant Normandie accordait aux enfans, était atteint par les dispositions rétroactives de la loi du 17 nivôse, quand il avait été réglé avant le 14 juillet 1789, contradictoirement avec les parties intéressées. Et sa réponse est qu'il ne peut, en ce cas, y avoir de doute pour le maintien de tels actes, qui présentent indubitablement un contrat entre-vifs, valable par sa date. Il n'y a là assurément rien dont on puisse inférer que le Tiers-coutumier puisse s'ouvrir avant la mort du père, soit par sa séparation civile, soit par le décret de tous ses biens.

» Sans doute, on doit supposer que, dans l'espèce sur laquelle portait la question, le Tiers-coutumier n'était pas encore ouvert par le décès du père, lors du réglement qui en avait eu lieu avant le 14 juillet 1789 : car, si le père n'eût pas été encore en vie à cette époque, la question n'eût pas eu d'objet; elle n'eût porté sur rien; elle eût été absolument illusoire.

» Mais comment un Tiers-coutumier non encore ouvert par le décès du père, avait-il pu être réglé contradictoirement avec les parties intéressées, et de manière que le réglement qui s'en était fait, pût être considéré comme un contrat entre-vifs, ou, en d'autres termes, comme une de ces donations que maintenait l'art. rer de la loi du 17 nivôse, lorsqu'elles se trouvaient antérieures au 14 juillet 1789 ?

» Cela n'avait pu se faire que par une démission de biens, c'est-à-dire, par un arrangement entre le père qui avait abandonné à ses enfans la propriété actuelle de leur tiers, et les enfans eux-mêmes qui l'avaient acceptée. A la vérité, les démissions de biens étaient, dans la plus grande partie de la France, regardées comme révocables à la volonté du père; mais il n'en était pas de même en Normandie: la jurisprudence normande, d'accord avec celle de Bretagne, considérait les démissions de biens comme irrévocables: Basnage, sur l'art. 244 de la coutume, en rapporte un arrêt du 22 fevrier 1676, et c'est ce que confirme Boullenois, dans ses Questions sur les démissions de biens, page 249; dans cette coutume, dit-il, elles tiennent beaucoup de la nature des contrats.

TOME XVI.

» Or, dans l'espèce jugée à Caen, le 25 nivôse an 10, il n'avait été fait aucun traité de cette nature entre Guillaume Lemoine et son père. Cette espèce ne rentrait donc, sous aucun rapport, dans le cas prévu par l'art. 34 du décret du 9 fructidor an 2. Le tribunal d'appel de Caen a donc fait une fausse application de cet article.

» Ce considéré, il plaise au tribunal de cassation, vu l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, l'art. 61 de la loi du 17 nivôse an 2, l'art. 49 du décret du 22 ventôse suivant, les art. 24 et 34 du décret du 9 fructidor de la même année, les art. 399, 401, 402 et 403 de la coutume de Normandie, et l'art. 85 des placités de 1666, casser et annuler, pour l'intérêt de la loi, le jugement rendu le 25 nivôse an 10, par le tribunal d'appel de Caen; et ordonner qu'à la diligence de l'exposant, le jugement de cassation à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres dudit tribunal.

➤ Fait au parquet, le 1er prairial an it. Signé Merlin.

» Ouï le rapport de M. Vasse, l'un des juges....;

» Vu la loi du 17 nivôse an 2, art. 61, le décret du 22 ventôse, art. 49, et celui du 9 fructidor même année, art. 24 et 34;

Vu aussi les art. 399, 401, 402 et 403 de la coutume de Normandie; ensemble les art. 85, 89 et go du réglement du mois d'avril 1666, dit les placités;

» Considérant que le statut qui assurait aux enfans nés en Normandie, le tiers des immeubles paternels du jour du mariage, en renonçant à la succession et en rapportant les donations et avantages qu'ils auraient reçus de leur père, est de la nature des dispositions statuaires que la loi du 17 nivôse an 2 a abolies pour ramener à l'uniformité les transmissions de biens, ainsi qu'il a été déclaré par les décrets du 22 ventôse et du 9 fructidor même année; que cette application de l'abolition des statuts locaux à la disposition de l'art. 399 de la coutume de Normandie sur le Tiers-coutumier, est d'autant plus nécessaire, que cet art. 399 et l'art. 401 du texte de la coutume et les art. 89 et 90 du réglement des placités, reportant l'ouverture et les effets du Tierscoutumier à l'époque de la mort du père, mon. trent clairement que le droit de Tiers-coutu mier n'était qu'une créance privilégiée sur la succession, qu'une expectative conditionnellement subordonnée à la renonciation à l'héré. dité, qu'un bienfait éventuel qui a été révoqué par la loi du 17 nivôse an 2, promulguée auparavant l'événement de la mort du père Lemoine, et par conséquent avant que son fils

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Le 27 prairial suivant, François Anquetil vend aux sieurs Gallien et Campion, ses créanciers, les fermes de la Vallée et de la Cocque rie, pour le prix de 11,000 francs sur lequel les acquéreurs sont, par le même acte, autorisés à retenir 3,000 francs pour les remplacemens et le douaire de Françoise Masselin, épouse du vendeur, avec charge de faire les lots avec elle. Françoise Masselin intervient dans l'acte, l'approuve et le signe.

Le 16 messidor de la même année, les acquéreurs font transcrire leur contrat au bureau des hypothèques ; et peu de jours après ils le notifient aux créanciers inscrits.

Le 13 thermidor suivant, l'un de ceux-ci, René Deslandes, fait signifier une surenchère qui porte à 15,000 francs le prix des biens vendus,et requiert en conséquence que les deux fermes soient adjugées publiquement et en justice, avec toutes les formalités prescrites pour les expropriations forcées.

L'adjudication devait se faire au tribunal civil de l'arrondissement d'Avranches, le 5 floréal an 9. Le 3 du même mois, Françoise Masselin intervient, en qualité de tutrice de ses enfans mineurs, et revendique en leur nom le Tiers-coutumier qui leur appartient, ditelle, sur la ferme de la Vallée. Elle dépose, à cet effet, au greffe, son contrat de mariage,

son jugement de séparation et son acte de tutelle.

Deslandes soutient, entre autres choses, que le Tiers-Coutumier est aboli par l'art. 61 de la loi du 17 nivôse an 2; que l'art. 49 de la loi du 22 ventôse suivant l'a ainsi déclaré expressément; que d'ailleurs ce droit n'était ouvert, aux termes de la coutume de Normandie, que par la mort du père, suivie de la renonciation de ses enfans à sa succession, et que, dans l'espèce, le père des mineurs Anquetil vivait encore; qu'à la vérité, la jurisprudence des arrêts avait assimilé au cas de la mort du père, celui où ses biens étaient vendus par décret, et celui où il intervenait, entre lui et la mère de ses enfans, un jugement de séparation; mais que, d'une part, une vente surenchérie ne pouvait pas être considérée comme une vente par décret ; que, de l'autre, le jugement de séparation dont on se prévalait pour les mineurs Anquetil, n'avait été rendu qu'en l'an 8, conséquemment à une époque où le TiersCoutumier était aboli; que d'ailleurs Françoise Masselin n'avait encore fait aucune démarche pour se faire délivrer son douaire, et que de là résultait une fin de non-recevoir contre la prétention de ses enfans à la délivrance actuelle de leur Tiers-Coutumier; qu'enfin, ceux-ci n'avaient pas pris inscription sur les biens de leur père avant la transcription du contrat par lequel il les avait aliénés, et que, par cela seul, ils étaient sans action contre le tiers-acquéreur.

Le 5 floréal an 9, jugement qui reçoit Françoise Masselin, en sa qualité, partie intervenante, et jugeant à bonne cause sa revendication, ordonne qu'il sera sursis à l'adjudication finale de la ferme de la Vallée, sujette au Tiers-coutumier de François Anquetil.

Ses motifs sont a que François Anquetil a » épousé Françoise Masselin, le 19 mai 1788; » que les législateurs, en établissant, par la loi » du 17 nivôse an 2, un nouveau mode de » succéder, n'ont pu et n'ont pas voulu porter * atteinte aux droits qui étaient irrévocable» ment acquis à des individus ; que les dispo>>sitions contractuelles antérieures au 14 juillet

1789, ont été conservées par l'art. 2 de » cette loi; que les avantages établis par les lois ou statuts coutumiers, doivent être assi» milés aux dispositions contractuelles, puis» que la raison de décider se trouve être la » même ; que les avantages, prélèvement, pré»ciputs, institutions contractuelles et autres

dispositions irrévocables de leur nature, » antérieures à la publication de la loi dụ 4 mars 1793, doivent avoir leur plein et entier effet, conformément aux anciennes lois, tant

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