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couronnement aux dispositions faites dans cette vue, par les six premiers articles, que le septième remet en vigueur toutes les dispositions de la loi du 9 vendémiaire an 6, relatives au timbre, quoique la loi dù 13 brumaire an 7 n'en eût conservé expressément que celles qui porteraient sur les journaux, sur les feuilles de papier-musique, sur les affiches et sur les cartes à jouer.

» Dès là, plus de doute sur l'assujétissement absolue des lettres de Voiture au timbre; et par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de casser et annuler le jugement dont il s'agit..... ».

Conformément à ces conclusions, arrêt du 13 messidor an 9, au rapport de M. Audier Massillon, par lequel,

« Vu les art. 56 et 60 de la loi du 9 vendémaire an 6, l'art. 12 de la loi du 13 brumaire an 7,les art. 4 et 5 de la loi du 6 prairial an 7.....;

» Attendu qu'il résulte des lois ci-dessus rapportées, que les lettres de Voiture sont soumises au droit de timbre;

» D'où il suit que le tribunal civil du dépar tement du Rhône, en rejetant la demande des régisseurs des droits de timbre et d'enregistrement, et en décidant que le procès verbal de la contravention commise par les cit. Jacquier, ne devait faire aucune foi en justice, pour n'avoir pas été affirmé au désir de la loi du 14 fructidor an 3, a fait une fausse application de cette loi, et a contrevenu expressément aux art. 56 et 60 de celle du 9 vendémiaire an 6, à l'art. 12 de celle du 13 brumaire an 7, et aux art. 4 et 5 de celle du 6 prairial an 7 ; » Le tribunal casse et annulle.... » Il a été rendu deux arrêts semblables, les 2 brumaire et 21 germinal an 10; ils sont rapportés à l'article Procès-verbal, §. 1.

Voyez encore sur cette question le décret du 16 messidor an 13, concernant la vérification du papier sur lequel sont écrites les lettres de Voiture, chartes parties, etc.; le décret du 3 janvier 1809, concernant le timbre des lettres de Voiture; et le paragraphe suivant.

§. II. Le négociant sur le voiturier duquel a été saisie une lettre de Voiture sur papier libre, peut-il éluder la peine de sa contravention, en représentant un double timbré de cette lettre de Voiture?

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» Les cit. Bimar et Glaize n'ont pas pu, comme dans l'affaire précédente, se retrancher sur le défaut d'affirmation du procès-verbal de la saisie; car, dans cette espèce, le procès-verbal avait été affirmé, le lendemain de la saisie, devant le juge de paix. Mais ils ont prétendu que la lettre de Voiture saisie sur leur voiturier, n'était pas sujette au timbre.

» Comment donc ont-ils cherché à justifier cette prétention? Ont-ils nié que les lettres de Voiture en général fussent assujéties au timbre, par les lois des 9 vendémiaire an 6 et 6 prairial an 7? Non, ils voyaient trop clairement qu'une pareille défaite ne tiendrait, ni contre l'art. 56 de l'une, ni contre l'art. 5 de l'autre.

» Qu'ont-ils donc imaginé? Ils se sont avisés de dire que la lettre de Voiture signée d'eux, qui avait été trouvée sur leur voiturier, n'était que le double d'une autre lettre de Voiture signée des cit. Felelman, Vezet, Levat et compagnie, négocians à Montpellier, et par laquelle ceux-ci envoyaient à leur correspondant à Versoix, les mêmes objets qui se trouvaient relatés dans la lettre de Voiture saisie; et le tribunal civil de Montpellier, adoptant, sur leur parole, une allégation aussi peu d'accord avec les usages du commerce, et par conséquent aussi dénuée de vraisemblance, a, par ce seul motif, déchargé les cit. Bimar et Glaize, des demandes de la régie.

» C'est ce jugement que la régie vous défère en ce moment; et nous osons dire qu'il n'en est peut-être pas encore passé sous vos yeux, un seul aussi étrange, aussi évidemment marqué au coin de l'envie la plus décidée d'absoudre tous les fraudeurs des droits du trésor public.

» Un fait constaté par le procès-verbal de la saisie, et que n'ont pas nie les cit. Bimar et Glaize, c'est que leur voiturier était porteur de la lettre de Voiture signée d'eux. Un autre fait qui résulte du même acte, c'est que ce voiturier n'était point porteur de la prétendue lettre de Voiture, signée des cit. Felelman,

(1) C'était celle qui depuis a été jugée définitivement à la section civile, le 21 germinal an 10, et dont il est parlé sous le mot Procès-verbal, §. 1.

Verzet, Levat et compagnie ; car, s'il en eût elé muni, et si elle lui eût été remise pour sa. tisfaire à la loi, il l'aurait représentée ; et non seulement il ne l'a point fait, mais, sur l'interpellation du préposé de la régie, pourquoi, au mépris des lois, il était porteur d'une lettre de Voiture non timbrée, il a répondu simplement que, n'étant que conducteur, il les rece vait comme on les lui donnait; ce qui prouve bien qu'il n'en avait point d'autre, et surtout qu'il n'en avait point qui fût timbrée, et qui portât sur les mêmes objets que la lettre de Voiture dont on faisait la saisie entre ses mains. Cela posé, en fallait-il davantage pour condamner les cit. Bimar et Glaize?

» Qu'entend-on par une lettre de Voiture? C'est une lettre ouverte, qui contient un état des choses qu'un voiturier dénommé est chargé de conduire à la personne à laquelle elles sont envoyées. Et quel est l'objet de cette lettre? C'est de procurer au voiturier le moyen de faire sur sa route les déclarations que la loi ou la police peuvent exiger de lui, relativement à la nature de son chargement; c'est de constater ses engagemens envers la personne à laquelle son chargement est destiné ; c'est aussi de déterminer le salaire qui lui sera dû à son arrivée. Il faut donc que la lettre de Voiture soit remise au voiturier, et qu'il en soit porteur. Il n'y a donc véritablement de lettres de Voiture, que celles dont les voituriers se trouvent munis sur leur route. Dès-là, qu'est-ce qu'a entendu la loi, quand elle a assujéti au timbre les lettres de Voiture? Bien évidemment elle a entendu frapper de cette sujétion les lettres de Voiture remises aux voituriers, les lettres de Voiture dont les voituriers sont porteurs. Sans doute, il est bien libre au propriétaire, ou même au commissionnaire-chargeur, de retenir par-devers soi un double de la lettre de Voiture qu'il remet au voiturier; mais ce n'est point ce double qui constitue, aux yeux de la loi, la lettre de Voiture; la loi ne reconnaît pour lettre de Voiture, que celle qui est entre

les mains du voiturier.

>> Comment donc le timbre apposé sur le double de la lettre de Voiture, resté entre les mains du chargeur, pourrait-il dispenser de cette formalité la lettre de Voiture remise au voiturier? D'un côté, ce n'est pas le double resté entre les mains du chargeur, que la loi assujetit au timbre; et il est évident que le timbre apposé sur un acte qui n'y est pas sujet, ne peut pas en exempter un autre acte que la loi y a soumis. D'un autre côté, et ceci est plus péremptoire encore, si l'on admettait un pareil système, jamais les contraventions à la loi sur le timbre ne pourraient être réprimées; car, dès que le chargeur apprendrait

la saisie faite sur son voiturier, d'une lettre de Voiture non timbrée, il se háterait d'en transcrire le contenu sur du papier frappé du timbre destiné à ces sortes d'actes, il donnerait à cette transcription, la même date qu'à la lettre de Voiture saisie; ensuite, il la présenterait comme le double originaire de la lettre de Voiture sur papier libre, dont son voiturier aurait été trouvé porteur ;

» Et voilà précisément ce qu'ont fait, dans la cause actuelle, les cit. Bimar et Glaize, sauf que, plus adroits encore, ils ont fait faire par des tiers qu'ils ont, à tort ou à raison, qualifiés de propriétaires des objets chargés, le prétendu double de la lettre de Voiture saisie sur leur voiturier.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu d'admettre la requête de la régie de l'enregistrement ».

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt du 21 pluviôse an 9, au rapport de M. Barris; et l'affaire portée en conséquence à la section civile, arrêt y est intervenu, le 2 brumaire an 10, au rapport de M. Riolz, par lequel,

<< Considerant que les lois sur le timbre des lettres de Voiture, s'appliquent évidemment et nécessairement aux lettres deVoiture trouvées sur les voituriers, et portant sur la marchandise dont-ils sont chargés ;

» Le tribunal casse et annulle le jugement du tribunal civil de Montpellier, du 4 frimaire an 9, pour contravention aux lois sur le timbre, notamment à l'art. 5 de celle du 6 prairial an 7.... ».

VOITURIER. §. I. Lorsqu'un Voiturier, à son arrivée dans le lieu où il doit, suivant sa lettre de voiture, remettre les paquets ou ballots dont il est chargé, ne trouve pas les personnes à qui ils sont adressés, et qu'en effet ils n'y ont point de domicile ou magasin connu, est-il obligé de faire dresser, pour sa décharge, un procès-verbal de perquisition ; ou suffit-il qu'il les dépose au bureau des marchands du lieu ?

Cette question a été agitée dans une espèce rapportée à l'article Commissionnaire, §. 2, et jugée par arrêt du parlement de Douai, du 8 juin 1785.

Avant la sentence du 13 mars 1784, dont nous avons parlé en rendant compte de cette espèce, les juges-consuls de Lille en avaient rendu une autre, le 22 décembre 1783, par laquelle ils avaient charge Piedoye de prouver que, lors de l'arrivée des marchandises dont il s'agissait, en la ville de Brest, il avait été dressé procès-verbal de la perquisition des personnes de Rhoner et Riscoff. Piedoye a

appelé de cette sentence en même temps que de la définitive; et il a soutenu qu'en prouvant, comme il offrait de le faire, que Rhoner et Riscoff avaient quitté, à l'époque en question, leur domicile et leur maison de commerce à Brest, il devait être pleinement déchargé. A quoi étais-je tenu (disait-il), soit par moi. même, soit par mes préposés? A transporter les marchandises à Brest? Je l'ai fait. A les déposer au domicile de Rhoner et Riscoff? J'ai cherche à le faire; mais cela m'a été impossible par le fait même de Rhoner et Riscoff, qui avaient quitté leur maison de commerce, sans en prévenir leurs correspondans. Que peut-on donc reprocher à mes Voituriers? De n'avoir pas fait dresser un procès-verbal de perquisition? Mais où est la loi qui le leur ordonnait ? Il n'en existe point; et vous voulez que des gens simples et grossiers soient plus sages, plus prévoyans, plus scrupuleux que le légis. lateur lui-même! Il y a mieux: quand il existerait une loi pour la formalité dont vous me reprochez l'omission, elle ne serait nécessaire que dans le cas où les personnes à qui sont adressés les objets confiés au Voiturier, se trouveraient vraiment dans le lieu indiqué: alors, sans dou te, on pourra dire que, si le Voiturier avait fait une perquisition régulière et juridique de ces personnes, il aurait découvert leur domicile et rempli sa commission. Mais lorsqu'elles n'y sont pas, comme toute la diligence possible du Voiturier ne servirait de rien, l'omission d'un procès-verbal ne fait non plus aucun tort; et dés-là, il n'est point en faute. C'est à peu près le cas d'un protêt de lettre-de-change: le néglige-t-on, le fait-on à tard, quand il y a des fonds au lieu où la traite doit être acquit tée? Le porteur paie sa négligence par la perte de toute action récursoire. Ne se trouve-t-il, au contraire, ni fonds, ni provision pour acquitter la lettre ? La négligence du porteur n'a point nui, et il a conservé son recours comme s'il avait fait le protêt à temps.

Sur ces raisons, arrêt du 13 avril 1785, par lequel le parlement de Douai, avant faire droit sur l'appel des deux sentences, a chargé Piedoye et les Voituriers de prouver que Rhoner et Riscoff n'avaient plus de domicile ni de maison de commerce à Brest, lors de l'arrivée des marchandises en cette ville, dépens réservés.

Il est sensible, par le préjugé résultant de cet arrêt, que, si Piedoye eût pu faire la preuve qu'il lui imposait, il n'aurait pas essuyé en definitive la condamnation dont il a été rendu compte sous le mot Commissionnaire.

§. II. Lorsqu'un Voiturier a détérioré, par sa faute, des marchandises ou d'au

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Cette question s'étant présentée au Bailliage de Moulins, les juges de ce siége ont décidé que Louis Moine, Voiturier, qui s'était chargé d'un ballot de draps pour le sieur Campanel, reprendrait les pièces tachées et gâtées par son fait, et qu'il en paierait la valeur sur le pied de la facture.

Sur l'appel interjeté au parlement de Paris, par Louis Moine, un arrêt interlocutoire a ordonné une nouvelle visite des draps dont il était question.

Les experts ont dit dans leur rapport, que les draps étaient tachés et délustrés en plusieurs endroits; que l'une des pièces énoncées dans la facture, comme étant de couleur maron-pourpre, leur avait paru brun-vif; qu'une autre pièce n'avait ni plomb ni étiquette; que toutes ces défectuosités provenaient du fait du voiturier; enfin, qu'après avoir mesuré dans chaque pièce, toutes les parties qui s'étaient trouvées défectueuses, ils estimaient à 89 livres 15 sous le déchet sur la vente de ces parties.

D'après ce rapport, l'appelant a offert de payer la somme de 89 livres 15 sous, et comptant en être quitte pour cette somme, il a persisté à demander la réformation de la sentence des premiers juges.

L'intimé a soutenu, de son côté, que l'offre de l'appelant était insuffisante; que les pièces de drap avaient été mouillées en plusieurs endroits ; qu'il n'y en avait pas une dans laquelle il ne se trouvât des parties qui étaient restées tachées; que ces défectuosités, répandues par place, rendaient les pièces d'un débit très-difficile; qu'il serait exposé à les garder longtemps dans son magasin, et que, s'il parvenait à les vendre, ce ne serait qu'à une perte trèsnotable. Ces considerations, ajoutait l'intimé, sont suffisantes pour faire condamner Louis Moine à se charger des marchandises, et à payer la somme de 805 livres qui en forme le prix, suivant la fàcture.

Par arrêt du 28 septembre 1779, la sentence du présidial de Moulins a été confirmée.

VOL. §. I. Pouvait-on, avant le Code pénal de 1810, poursuivre criminellement contre une femme, le Vol qu'elle avait fait à son mari? Le pouvait-on contre ses complices P

Le 23 thermidor an 4, le tribunal criminel du département du Doubs a écrit au ministre

D

de la justice, que « Bronchveig, juif d'origine,
» avait porté plainte contre sa femme et com-
plices, à l'occasion d'un Vol avec effraction
» intérieure, qui avait soustrait de son domi-
»cile ses effets les plus précieux, des bijoux,
» de l'argent, des montres et autres marchan-
» dises de son commerce; que l'instruction de
» la procédure avait désigné sa femme, sa ser-
»vante et un suisse, qui tous étaient évadés;
» que le jury d'accusation avait déclaré qu'il
» y avait lieu à accusation contre ces trois in-
» dividus ; que, pendant que le tribunal crimi-
»nel s'occupait de leur contumace, Bronch-
veig lui avait écrit qu'il pardonnait à sa fem-
» me, à cause de sa grande jeunesse, qu'en levo-
» lant, elle s'était volée elle-même, parceque
>> tout était commun entre eux ; et qu'il priait
qu'on ne fit plus de poursuites contre elle ».
Le tribunal a rappelé, à ce sujet, le prin-
cipe établi par le droit romain, que toute ac-
tion fameuse, même pour Vol, est interdite
entre époux; et que la plainte du mari, en
pareil cas, ne peut être reçue que contre les
complices.

»

Il a observé que le Code pénal ne faisait acception de personne, lorsqu'il punissait le Vol; mais qu'il était douteux si de son silence sur ce cas particulier, on pouvait conclure que la femme dût être punie comme coupable de Vol, lors surtout que le mari lui pardonnait ; et il a demandé si l'on ne pourrait pas proposer au jury de jugement une question d'excusabilité. Mais de là même (a-t-il ajouté) naît un autre doute. Si, après avoir excusé la femme, le jury ne regardait que comme son complice le particulier qui a soustrait et emporté avec elle les effets les plus précieux du mari, quelle peine pourrait-on lui appliquer ?

« Ces deux questions (ai-je répondu le 10 fructidor an 4, en qualité de ministre de la justice) paraissent devoir se résoudre par le même principe.

» Le Vol n'est défini, ni par le Code pénal décrété le 25 septembre 1791, ni par le Code des délits et des peines du 3 brumaire dernier, ni par aucune autre loi emanée des assemblées nationales de France; il faut donc, pour en trouver la définition, remonter aux lois antérieures, et spécialement à ce qu'on appelle dans votre département le droit écrit ; car le décret de la Convention nationale, du 21 septembre 1792, veut que, jusqu'à ce qu'il ait été autrement ordonné, les lois non abrogées soient provisoirement exécutées.

» Or, les lois romaines déclarent positivement que l'enlèvement fait par une femme à son mari, des effets qui appartiennent à celuici, ne peut pas être considéré comme un Vol.

Si ce ce n'est pas un Vol, on ne peut done pas y appliquer les dispositions du Code pénal relatives à cette espèce de délit.

» On ne peut donc pas dire qu'il y ait eu contre la femme prévention de crime emportant peine afflictive ou infamante.

» On ne peut donc regarder comme valable, ni le mandat d'arrêt décerné contre elle par le juge de paix, ni l'acte d'accusation dressé en conséquence par le directeur du jury, ni la déclaration du jury qui admet l'accusation portée contre elle, ni l'ordonnance de prise de corps qui s'en est ensuivie.

» Il y a donc lieu d'annuler le tout, ainsi que le prescrit l'art. 327 du Code des délits et des peines, du 3 brumaire an 4 ; et il ne peut pas conséquemment être question de traduire la femme devant le jury de jugement, encore moins de faire décider si elle est excusable ou

non.

» A l'égard des deux particuliers qui sont accusés d'avoir coopéré avec elle à l'enlèvement des effets de son mari, nul doute qu'ils ne doivent être mis en jugement, et, puisqu'ils sont fugitifs, jugés par contumace. Les lois romaines qualifient de Vol, la part qu'ils sont prévenus d'avoir prise à cet enlèvement ; et encore une fois, nous ne pouvons, sur la définition du Vol, que nous en rapporter aux

anciennes lois.

» Mais il y a, sur ce point, une distinction importante et qui a toujours été faite en pareille circonstance, ainsi que l'établissait d'Aguesseau, lors d'un arrêt du 19 avril 1698, rapporté au Journal des audiences dans l'or

dre de sa date.

» Ou ceux qui ont pris part à l'enlèvement dont il s'agit, seront convaincus de l'avoir fait pour leur profit particulier, ou ils ne le seront

pas.

» Dans le premier cas, ils doivent être punis, non comme complices, mais comme auteurs d'un Vol.

» Dans le second cas, aucune peine ne peut leur être infligée, parcequ'il ne peut pas y avoir de complice proprement dit, là où, par la nature même du fait, il n'y a point de principal coupable; et qu'aider à commettre une action qui, de la part de son auteur, n'est pas un crime aux yeux de la loi, ne peut pas être un fait punissable.

» Mais dans cette même hypothèse, il doit être réservé au mari un recours civil en dommages-intérêts contre les deux co-accusés de sa femme ».

Ces principes ont été confirmés, le 6 pluviôse an 10, par un arrêt de la cour de cassation, section criminelle, ainsi conçu:

« Le commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation expose, que le 16 ventôse an 6, il a été commis un vol considérable, avec effraction intérieure, dans la maison du cit. Sicard, habitant d'Alby.

» Sa femme est prévenue de ce Vol: deux autres femmes, nommées Françoise Augusty et Rose Loubel, et Benoit Delrieu, perruquier, ont été prévenus de complicité, comme ayant recélé les effets volés.

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La procédure a été instruite devant le directeur du jury de l'arrondissement d'Alby.

» Ce directeur a rendu, le 15 messidor an 9, une ordonnance dans laquelle il reconnaît que le Vol est de nature à emporter peine afflictive, mais il y établit une distinction contraire aux principes généraux et au Code pénal.

» Il n'a traduit devant le jury d'accusation que les trois prévenus de complicité; et ses motifs pour en excepter la femme Sicard, ont été que les lois anciennes et nouvelles n'admettent point la poursuite criminelle à raison d'un Vol fait par une femme à son mari, et vice versá.

» Il est vrai que, par la loi 22, §. 4, C. de furtis, l'action pénale pour Vol était refusée au mari et à la femme l'un contre l'autre ; et l'usage en France, avant les lois nouvelles, était aussi de ne leur ouvrir que la voie civile.

» C'était seulement en cas de récélé des

biens de la communauté ou de la succession d'un époux prédécédé, que ses héritiers avaient le droit de poursuivre criminellement l'époux survivant et spoliateur.

» Le motif de cette différence se trouve

dans la loi romaine déjà citée : Constante matrimonio neutri eorum neque pœnalis neque famosa datur actio. Lex enim tam atrocem actionem dare in personam ità sibi conjunctam erubuit.

Le lien conjugal étant rompu par la mort, il n'y avait plus le même motif de refuser l'action criminelle aux héritiers du prédé

cédé.

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criminel eût été seul compétent à cet égard, en cas d'accusation admise.

» Le directeur du jury devait renvoyer la femme, avec les trois autres prévenus, devant le jury d'accusation. Il y a eu, de sa part, excès de pouvoir, et son ordonnance du 15 messidor an 9 doit être annulée....

>> Fait au parquet le 1er nivôse an 10. Signé Bigot-Préameneu.

» Ouï le rapport de Durand Borel, l'un des juges.... ;

» Attendu, sur le premier moyen proposé par le commissaire du gouvernement, que le silence du ministère public, dans le cas de soustraction d'effets dans la maison commune par l'un des deux époux, est commandé par des considerations morales, par le respect dû aux liens du mariage, et qu'il est conforme aux principes renfermés dans plusieurs lois romaines; que particulièrement ces motifs sont exprimés dans la loi 22, §. 4, C. de furtis, où on lit: non posse Maritum, constante matrimonio, furti actionem contrà suám utorem habere; et dans la loi première, D. de actione rerum amotarum, qui s'exprime en ces termes: Rerum amotarum judicium singulare introductum est adversùs eam quæ uxor fuit: quia non placuit cùm eá furti agere posse, quibusdam existimantibus ne quidem furtum eam facere.... Et dans la loi 2, au même titre : Nam in honorem matrimonii turpis actio adversùs uxorem negatur; que

ces motifs fondés sur la nature du fait luimême et sur l'honneur du mariage, repoussent également et l'action privée et l'action publique; que, depuis que cette action a été introduite en France à l'égard du Vol, un grand nombre de décisions judiciaires ont appliqué les lois romaines sus-énoncées, soit dans le cas de l'exercice de l'action de la part du mari, soit à l'égard du ministère public;

>> Attendu que ces lois romaines ont conservé tout leur empire, quant aux dispositions que les lois françaises n'ont pas abrogées, dans les pays surtout qui sont encore régis par le droit écrit, et que telle est la position du département du Tarn; que l'abrogation desdites lois ne résulte formellement d'aucune des dispositions des lois relatives à la nouvelle procédure criminelle; que l'obligation prescrite par le Code des délits et des peines aux fonctionnaires spécialement établis pour l'exercice de l'action publique, de poursuivre tous les crimes, ne s'applique pas au cas proposé, puisque les distinctions admises par les lois romaines, font sortir le fait de la soustraction commise par une femme dans la maison commune, de la classe des délits prévus par le Code.....;

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