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» donnance de 1731 l'avait fait à l'égard de » l'insinuation, ordonner que le défaut de » transcription pourrait être opposé comme » nullité par les créanciers et les tiers-acqué»reurs du donateur; mais l'a-t-il ordonné ? » Voilà la question.

»La négative nous paraît résulter des dispo>>sitions combinées du Code. Il est certain que » la propriété des choses données passe au do»nataire par l'effet de la donation dûment » acceptée, sans que, pour cette transmission, »>il soit aujourd'hui besoin de transcription, » comme sous la loi du 11 brumaire an 7. Le » donateur est donc entièrement dépouillé, » comme le dit fort bien la cour de cassation, » il n'a plus aucun droit sur la chose donnée. >> Comment donc pourrait-il donner à ces » créanciers ou à ces acquéreurs, des droits qu'il n'avait plus? C'est une règle générale, » fondée sur la raison, qu'on ne peut conférer » des droits qu'on n'a pas. Nemo plus juris in » alium transferre potest quàm ipse habet. » Loi 54, D. de regulis juris.

» Cette règle du droit naturel est rendue » obligatoire par l'art. 2182, qui porte: Le » vendeur ne transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il avait sur la » chose vendue.

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» Or, où est l'article qui fait à cette règle » une exception en faveur de ceux qui auraient » acquis du donateur ou traité avec lui, dans » l'ignorance d'une donation précédente non » transcrite, plutôt qu'en faveur de ceux qui » auraient traité dans l'ignorance de tout autre » contrat translatif de propriété, d'une vente, » par exemple, d'un échange, d'une vente » avec réserve d'usufruit »?

teur postérieurement à l'acte par lequel il s'est exproprié.

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« La seule bonne foi des créanciers ou tiersacquéreurs n'est pas suffisante pour produire >> cette exception; autrement,il faudrait dire que » les créanciers et les acquéreurs de bonne foi, postérieurs au premier contrat de vente, peu» vent aussi opposer le défaut de transcription » de ce contrat. Or, il est certain qu'ils ne le >> peuvent pas; il faut donc une exception for>> mellement prononcée. Or, où trouve-t-on » cette exception? On ne la trouve pas dans » l'art. 939, qui dit que, lorsqu'il y aura do» nation de biens susceptibles d'hypothèque, » la transcription des donations devra être » faite aux bureaux des hypothèques dans l'ar» rondissement desquels les biens sont situés; » car cet article ne prononce point la peine » de nullité, qui ne peut être suppléée, surtout lorsqu'il s'agit de l'omission d'une formalité » Cet article, d'ailleurs, n'exige la transcrip » tion que sous le rapport des hypothèques ; » ainsi, elle n'est ni requise ni même possible » pour les donations de meubles.

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»On ne trouve pas encore l'exception que »> nous cherchons, dans l'art. 91, qui porte » que le défaut de transcription pourra être » opposé par toutes personnes ayant intérêt, » excepté celles qui sont chargées de faire

faire la transcription, ou leurs ayant-cause » et le donateur: car cet article, qui se rap» porte aux précédens, n'est, comme eux, >> relalif qu'aux hypothèques sur les biens » donnés.

» Mais quel est l'effet de cette transcription > relativement à ces hypothèques ? Ces artincles ne le disent point et ne pouvaient pas » le dire, car on l'ignorait alors : il dépendait » du système hypothécaire qui serait adopté, » et sur lequel on ne voulait rien préjuger.

» Il faut donc, comme nous l'avons déjà dit, » recourir au titre des hypothèques pour con» naître quel est l'effet du défaut de transcrip » tion; et ce titre ne lui en donne pas d'autre » si ce n'est que ceux qui avaient un droit d'hypothèque antérieur, peuvent le faire inscrire jusqu'à la transcription des choses données, nonobstant la transmission postérieure de la propriété; ce qui est dans l'exacte justice.

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J'ai déjà remarqué, au commencement de cette discussion, que l'ancienne législation ne permettait pas d'argumenter, en cette matiè re,de la vente à la donation entre-vifs. Serait-il donc étonnant que le Code civil ne le permit pas davantage? Or, la preuve qu'il ne le permet pas effectivement, c'est que, tandis qu'à l'exemple de l'ancienne législation, il se contente, pour faire opérer le contrat de vente contre les tiers, de la certitude de l'antériorité de sa date à celle de leurs titres, il veut, à l'égard de la donation entre-vifs (comme l'a dit en termes exprès M. Bigot de Préameneu, en présentant au conseil d'état le projet de l'art. 939, et comme l'a répété le deuxième considérant de l'arrêt de la cour de cassation, du 13 décembre 1810),qu'on lui applique la disposition de l'art. 26 de la loi du 11 brumaire an 7, d'a-» relativement à l'insinuation, étendu cette près laquelle la transcription en est nécessaire pour qu'elle puisse opérer contre les créanciers et tiers-acquéreurs qui traitent avec le dona

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» Si le défaut de transcription d'une dona» tion la rendait nulle dans l'intérêt des créan» ciers ou acquéreurs postérieurs, le Code au»rait, comme avait fait l'ordonnance de 1731,

>> nullité aux donations de meubles,ainsi qu'aux » donations de choses susceptibles d'hypothè » que; et cependant il ne l'a pas fait. Il résul

»terait de l'opinion de M. Grenier, que les >> créanciers postérieurs à la donation non trans» crite d'un immeuble valant 1,000 francs, ou » les tiers-acquéreurs de cet immeuble, pour"raient faire annuler cette donation dans leur » intérêt, tandis qu'ils ne pourraient pas faire >> annuler la donation d'un mobilier de 100,000 » francs.

>> On ne trouve donc point, dans les art. 939 » et 941, l'exception que nous cherchons à la » règle générale, que personne ne peut trans» férer des droits qu'il n'a plus ».

Encore une fois, cette exception résulte à la fois et de l'art. 939 et de l'art. 941.

Elle résulte de l'art. 939, en ce qu'il ne fait qu'appliquer à la donation entre-vifs, la disposition de l'art. 26 de la loi du 11 brumaire an 7, qui était encore dans toute sa vigueur au moment où il a été adopté, et auquel le procèsverbal du conseil d'état prouve authentiquement qu'il se réfère.

Elle résulte également de l'art. 941, en ce que, dans cet article, les termes le défaut de transcription pourra être opposé par toutes personnes ayant intérêt, sont évidemment, comme dans l'art. 970, synonymes de ceux-ci: à défaut de transcription, la donation sera sans effet contre les tiers intéressés à ce qu'elle n'ait pas lieu.

Comment d'ailleurs M. Toullier peut-il dire que l'art. 939 n'exige la transcription que sous le rapport des hypothèques ? Les donations de biens susceptibles d'hypothèque, c'est-àdire, comme l'explique l'art. 2118, de biens et droits immobiliers, sont sans doute les seules qu'il soumet à la transcription; mais inférer de là qu'il ne les y soumet que sous le rapport des hypothèques, c'est méconnaître, c'est fou ler aux pieds l'art. 941 qui permet à toutes personnes ayant intérét, d'exciper du défaut de transcription.

Qu'importe, au surplus,que le Code civil n'assujétisse pas à la transcription les donations de meubles, comme l'ordonnance de 1731 les assujétissait à l'insinuation? Il résulte bien de là que l'ordonnance de 1731 attachait plus d'importance à la conservation des droits des tiers sur les meubles compris dans une donation entre-vifs, que ne le fait le Code civil; mais il est impossible d'en conclure sérieusement que le Code civil n'exige pas, dans l'intérêt des tiers, la transcription des donations de biens immobiliers, sous la même peine que l'ordonnance de 1731 en exigeait l'insinuation.

« On croirait d'abord en trouver une (excep» tion à la règle générale que personne ne peut >> transférer des droits qu'il n'a plus ) dans les

» art. 1069 et 1070; mais ces articles ne concer» nent que les substitutions ou les biens grevés » de restitutions, lorsqu'un père donne à l'un » de ses enfans, ou un frère à l'un de ses frères » ou sœurs, à la charge de rendre aux enfans » nés et à naître du donataire.

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» Dans ce cas, comme nous le verrons chap. » 6, la propriété des biens donnés ou légués à charge de rendre, réside sur la tête de l'ap» pelé, et doit y résider pendant toute sa vie : » elle n'est résoluble qu'à sa mort, et pour cette » résolution, il faut 10 qu'il ait des enfans, » 2° que ces enfans lui survivent. Il peut em» pêcher le premier événement d'arriver,en ne » se mariant pas; le second événement est fort » incertain. Quel sera donc le sort des aliéna» tions qu'il aura faites, des droits qu'il aura » concédés? Faudra-t-il leur appliquer la ma» xime resoluto dantis jure, resolvitur jus ac» cipientis ? Voilà la question.

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» Le Code ne fait point dépendre la décision » de l'ignorance dans laquelle ont été les créan»ciers ou les acquéreurs, de la disposition qui » grève de restitution le débiteur ou le ven» deur, mais de la publicité donnée à cette disposition par la transcription pour les immeu »bles, et pour les meubles qui doivent être » vendus et colloqués sur des immeubles, par » l'inscription du privilége sur les biens qui y » sont affectés (art. 1069). Si cette formalité » a été observée, l'événement de la restitution » résoud les droits des créanciers et des acqué>> reurs ; si elle ne l'a pas été, ces droits sont » irrévocables, et ne peuvent être attaqués » par les appelés, sauf leur recours contre le » grevé, contre sa succession, ou contre le tu» teur à l'exécution; et cela quand même les >> créanciers ou acquéreurs auraient connu la disposition par d'autres voies que celle de la transcription (art. 1071).

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>> Il est évident que ces dispositions particu» lières aux substitutions ne sont pas applica»bles aux donations ordinaires, pour la publi» cité desquelles le Code n'établit d'autres for» malités que celles d'un acte notarié,et un état » estimatif pour les donations de meubles : il »> ne conseille la transcription que pour les » biens susceptibles d'hypothèque, et cela » comme un acte de prudence, et non sous peine de nullité.

» Le cas des substitutions et celui des dona» tions different essentiellement, en ce que, » dans les dernières,le donateur étant irrévoca»blement dépouillé de toute espèce de droit, » n'en peut plus conférer aucun, tandis que, »dans les premières, l'appelé est véritable»ment propriétaire des biens grevés, et qu'il » est incertain si la propriété sera résolue.

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» On ne peut pas étendre d'un cas à l'autre les » art. 1069 et 1070, car les mêmes raisons de » décider n'existent pas. Il nous paraît donc » que, faute d'une exception prononcée par la >> loi en faveur de ceux qui ont acquis du do»nateur ou traité avec lui depuis la donation » non transcrite, on doit leur appliquer la disposition de l'art. 2182, suivant lequel le ven» deur ne transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il avait lui-même sur » la chose vendue. L'opinion contraire favori» serait la mauvaise foi, et pourrait même » devenir un moyen de ménager au donateur » la faculté de révoquer sa donation quand il » le voudrait, en prenant des mesures pour empêcher le donateur de la faire transcrire ». Quoiqu'en dise M. Toullier, il résulte toujours des art. 1069 et 1070, que le grevé qui aliène ou hypothèque les immeubles qu'il tient d'une donation entre-vifs non transcrite, les aliène ou hypothèque irrévocablement, quoiqu'il n'en ait qu'une propriété résoluble. Il en résulte donc toujours qu'à défaut de transcription, les aliénations ou hypothèques consenties par le grevé, confèrent à ses acquéreurs et à ses créanciers, plus de droits qu'il n'en a lui-même. Il en résulte donc toujours que le seul défaut de transcription fait cesser, à l'égard des dispositions à titre gratuit qui sont l'objet des art. 1069 et 1070, les règles consignées dans les art. 2125 et 2182, savoir, que ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, né peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions, et que le vendeur ne transmet que les droits qu'il avait lui-même sur la chose vendue.

Mais, dės-lors, quelle raison aurait pu porter les auteurs du Code civil à ne pas attribuer au défaut de transcription d'une donation entrevifs pure et simple, sur les aliénations et les hypothèques consenties par le donateur, le même effet qu'au défaut de transcription d'une donation entre-vifs, grevée de substitution, sur les alienations et les hypothèques consenties par le grevé? On n'en aperçoit, et il est impossible d'en indiquer aucune. Le système de M. Toullier ne tend donc à rien moins qu'à introduire dans le Code civil, une contradiction choquante entre l'art. 941 et l'art. 1070.

Mais ce n'est pas tout. M. Toullier suppose que l'art. 1070 ne porte que sur les aliénations et les hypothèques consenties par le grevé sans que la donation ait été préalablement transcrite; il est pourtant bien sensible que cet article porte également sur les aliénations et les hypothèques consenties par le donateur lui-même, avant que cette formalité ait été remplie; car, par

cela seul qu'il ne distingue point, par rapport aux biens donnés entre-vifs à charge de restitution, entre le défaut de transcription du vivant du donateur, et le défaut de transcrip. tion après sa mort, il attribue nécessairement, dans l'intérêt des créanciers et des tiers-acquéreurs, le même effet à l'un qu'à l'autre ; et par conséquent il veut que le défaut de transde cription mette à couvert de toute éviction, la part du donataire grevé de substitution et des substitués, le tiers à qui le donateur luimême a hypothéqué ou vendu les biens dont il s'était précédemment exproprié, comme il veut que le même défaut mette à couvert de toute éviction, de la part des substitués, les tiers à qui le grevé a hypothéqué ou vendu, après la mort du donateur, les biens dont il n'avait qu'une propriété résoluble. Il renverse donc de fond en comble le système de M. Toullier.

Aussi ce système, déjà condamné, avant son apparition, par les considérant de l'arrêt de la cour de cassation, du 13 décembre 1810, l'a-til encore été depuis, et de la manière la plus positive, non seulement par les considérant, mais encore par les dispositifs de deux autres arrêts de la même cour.

Voici l'espèce du premier :

Le 6 avril 1809, contrat de mariage entre Feidolin Zimmermann et Catherine Hueber.

Joseph Hueber, usufruitier des biens d'Anne Deiss, sa femme, prédécédée, intervient au contrat, et fait donation entre-vifs, à la future épouse, de tous les biens qu'il possède en ce moment, et de ceux qu'il pourra laisser à sa

mort.

Le 22 septembre 1810, il vend aux héritiers de sa femme les biens compris dans la donation qui n'est transcrite que le 7 novembre suivant.

Il meurt le 10 janvier 1811, et aussitôt Catherine Hueber, assistée de son mari, forme, contre les héritiers d'Anne Deiss, une demande en révendication des biens qui leur ont été donnés par leur contrat de mariage.

Ceux-ci représentent l'acte de naissance de Catherine Hueber, lequel constate qu'elle est un enfant adultérin de Joseph Hueber, et soutiennent, en conséquence, que la donation dont elle se prévaut, est frappée de nullité par les art. 762 ct 908 du Code civil.

Catherine Hueber convient du vice de sa naissance; mais elle prétend que les héritiers légitimes du donateur auraient seuls qualité pour le lui opposer (1).

(1) Une fin de non-recevoir analogue à celle-ci, a été rejetée par un arrêt de la cour de cassation, du 15 novembre 1826, rapporté par M. Sirey, tome 27, page 11.

Le 13 novembre 1811, jugement qui déclare la donation nulle, d'après l'incapacité de Catherine Hueber, de recevoir de son père adultérin, autre chose que des alimens.

Catherine Hueber appelle de ce jugement à la cour de Colmar, et l'attaque comme violant les dispositions du Code civil concernant la reconnaissance des enfans naturels.

D'un autre côté, les héritiers Deiss, sans insister sur le moyen qui les a fait triompher en première instance, se fondent plus particuliè rement sur la circonstance que la donation du 6 avril 1809 n'était pas encore transcrite lors de la vente que leur a faite Joseph Hueber; et ils invoquent les art. 939 et 941.

Catherine Hueber leur oppose la doctrine de M. Toullier, et reproduit tous les argumens qu'il emploie pour la justifier.

Par arrêt du 4 août 1812, la cour d'appel de Colmar réforme le jugement du tribunal de première instance, ordonne que la donation du 6 avril 1809 sera exécutée, et rejette la demande des héritiers Deiss,

« Attendu que, par le contrat de mariage des appelans, du 6 avril 1809, feu Joseph Hueber a, par la donation et institution contractuelle y insérée, assuré à ladite femme la propriété de tous les biens qu'il possédait et qu'il posse derait à son décès;

» Attendu qu'après le décès du donateur, alors âgé de 79 ans, décès qui date du 7 janvier 1811, le procès actuel a commencé par la demande des appelans contre les intimés héri tiers de feu Anne Deiss, vivante, femme dudit Hueber, donateur, à l'effet que, sans s'arrêter aux engagemens faits par celui-ci en faveur des intimés, en ce qu'ils portent préjudice à la donation, il soit ordonné que la communauté d'entre ledit Hueber et sa femme, sera partagée, dont deux-tiers pour les appelans et l'autre tiers pour les intimés, à qui ces derniers opposèrent la nullité de la donation, fondée sur l'art. 908 du Code civil, et prétendirent que la femme de l'appelant était un enfant illégitime de feu Hueber, et même adultérin, puisqu'il était né du vivant de la femme; et les premiers juges fonderent leur principal motif sur cette assertion;

»Attendu qu'en cause d'appel, les intimes ont abandonné ce système, et avec raison, étant convenus que n'étant pas les héritiers de Hueber, ils n'avaient pas qualité à opposer ce défaut de naissance qui ne devait pas les inté ainsi, il n'y a plus à s'occuper de cet

resser;

objet ;

Mais les intimés prétendent que la donation n'ayant été transcrite que le 7 novembre 1810, elle n'avait pu nuire aux engagemens

pris par le donateur, dans l'intervalle des deux époques de la donation à la transcription; que, d'ailleurs, feu Hueber n'avait pu comprendre dans la donation les biens de sa femme;

» Attendu que l'acte le plus important et le plus saint est sans contredit le contrat de mariage; que la donation renfermée dans le contrat de mariage des appelans, et sans laquelle le mariage eût pu n'avoir pas lieu, est irrévocable; que l'art. 938 dispose que la donation duement acceptée est parfaite par le seul consentement; que la propriété des objets donnés est transférée au donataire sans autre tradition;

» Attendu qu'à la vérité, l'art. 939 exige la transcription des donations de biens susceptibles d'hypothèques, et que, par l'art. 941, on permet à toute personne ayant intérêt, d'opposer le défaut de transcription; mais il résulte de ces deux articles combinés, que le législateur n'a eu en vue, par le dernier de ces articles, que les créanciers, puisque l'art. 939 ne prescrit la transcription que sous le rapport des biens donnés qui seront susceptibles d'hypothèques ; les intimés qui ne se trouvent pas dans l'hypothèse, ne peuvent donc point se prévaloir de la prétenduc tardiveté de la transcription de la donation dont il s'agit, d'autant que cette transcription a eu lieu encore du vivant de Hueber;

>> Attendu d'ailleurs que les pratiques mises en œuvre par les intimés pour abuser de la crédulité de Joseph Hueber, vieillard simple, sont évidentes, et dont le but a été, d'une part, d'établir l'incapacité de la femme appelante de recevoir la donation, en l'inculpant témérairement d'être une enfant adultérine du donateur; subsidiairement, à la frustrer des fruits de la donation par les engagemens qu'ils ont extorqués du donateur.... ».

Mais les héritiers Deiss se pourvoient en cassation; et par arrêt contradictoire, du 10 avril 1815, au rapport de M. Chabot, sur les conclusions de M. l'avocat général Lecoutour, et après en avoir délibéré dans la chambre du conseil,

«Vu les art. 938, 919, et 941 du Code civil;

» Attendu, 1o en ce qui concerne les actes consentis par Joseph Hueber au profit des demandeurs,

» Que les défendeurs n'ont articulé contre ces actes, soit en première instance, soit en cause d'appel, aucun fait de dol, d'erreur ou de violence, et n'ont, à cet égard, formé aucune demande et pris aucune conclusion ; que l'arrêt dénoncé parle vaguement de pratiques mises en œuvre par les demandeurs, pour

abuser de la crédulité de Joseph Hueber; mais qu'il n'articule et ne précise aucune de ces pratiques; qu'il ne dit pas comment, par quels moyens et par quels faits les demandeurs auraient extorqué les engagemens de Joseph Hueber; qu'il ne constate pas qu'ils eussent connaissance de la donation au profit des défendeurs, lorsque la vente du 22 septembre 1810 leur a été consentie ; et qu'enfin, il n'a pas formellement annulé, pour cause de dol, d'er. reur ou de violence, les actes dont il s'agit;

» 2o En ce qui concerne la donation consentie aux défendeurs par Joseph Hueber,

» Qu'il résulte de la combinaison des art. 938,939 et 941 du Code civil, que, du donateur au donataire, la donation dûment acceptée est parfaite par le consentement des parties, et qu'elle transfere immédiatement la propriété au donataire ; mais qu'à l'égard des tiers qui peuvent avoir intérêt à contester la donation, elle n'est parfaite et translative de propriété que lorsqu'elle a été transcrite au bureau des hypothèques dans l'arrondissement duquel les biens sont situés ; et qu'en effet, s'il eût été dans l'intention du législateur de disposer géné. ralement par l'art. 938, qu'à l'égard des tiers ayant intérêt, comme envers le donateur et le donataire, la donation dûment acceptée serait parfaite et translative de propriété par le seul consentement des parties, sans qu'il soit be. soin de transcription, il eût été contradictoi re d'ajouter, dans l'art. 941, que le défaut de transcription de la donation pourrait être opposé par toutes personnes ayant intérêt;

» Que c'est dans la section particulière sous la rubrique de la forme des donations entrevifs, que la transcription de la donation a été prescrite à l'égard de toutes personnes ayant intérêt ; qu'elle est donc, à leur égard, une formalité obligée de la donation, et qu'elle est une formalité essentielle, puisque son défaut peut être opposé, et qu'évidemment il ne peut, l'être que pour empêcher les effets de la donation;

» Que vainement on suppose, pour restreindre la disposition de l'art. 941, que la transcription n'a été prescrite que sous le rapport des hypothèques, et que son défaut ne peut être opposé que par les créanciers du donateur, mais non par les tiers-acquéreurs des biens déjà compris dans la donation;

» Que, d'une part, l'art. 941 accorde à toutes personnes ayant intérêt, le droit d'opposer le défaut de la transcription, et que les tiers-acquéreurs ont certainement intérêt à contester une donation qui a été tenue secrète, et dans laquelle avaient été compris, à leur insu, des TOME XVI.

biens qui leur ont été ensuite vendus par le do

nateur ;

D

Que, d'autre part, l'art. 941, après avoir accordé à toutes personnes ayant intérêt, le droit d'opposer le défaut de la transcription, n'en excepte que les personnes qui sont chargées de faire faire la transcription ou leurs ayant-cause et le donateur; d'où il suit qu'il a voulu accorder à toutes les autres personnes ayant intérêt, et non comprises dans l'exception, le droit d'opposer le défaut de la transcription;

» Que, d'autre part encore, si le législateur avait entendu n'accorder, par l'art. 941, qu'aux seuls créanciers du donateur, et sous le rapport seulement des hypothèques, le droit d'opposer le défaut de la transcription, il eût été absolument inutile qu'il insérât dans le même article une disposition particulière pour ordonner, par exception, que ce droit d'opposer le défaut de la transcription n'appar. tiendrait ni à ceux qui étaient chargés de la faire, ni à leurs ayant-cause, ou au donateur;

» Qu'ainsi, d'après les termes de l'art. 941, il est évident que la transcription a été prescrite par le Code civil, de même que l'insinuation l'avait été par les lois anciennes, pour assurer la publicité de la donation, non seule- ́ ment à l'égard des créanciers, mais encore à l'égard de toutes les personnes qui peuvent avoir intérêt à la connaître, pour que personne ne soit exposé à traiter avec le donateur dans l'ignorance de sa fortune réelle, pour que personne ne coure le risque d'acquérir d'un propriétaire apparent, des biens que ce propriétaire avait précédemment donnés par des actes secrets et inconnus ;

» Qu'elle est, comme l'était autrefois l'insinuation, une formalité particulière aux donations entre-vifs, qui est également indépendante de la législation sur les hypothèques, et qui, en conséquence, n'a pu être abrogée par l'introduction du nouveau système hypo

thécaire ;

» Qu'enfin, il eût fallu, pour anéantir les dispositions précises des art. 939 et 941, une dérogation écrite et formelle; qu'elle ne se trouve dans aucun des articles du Code, et qu'il ne pourrait être permis aux tribunaux de la suppléer par de simples inductions, lors même que ces inductions, purement arbitraires, ne seraient pas fondées sur la fausse supposition que les formalités particulières aux donations entre-vifs doivent être confondues avec les formalités relatives, soit aux aliénations, soit à titre onéreux, soit aux hypothèques;

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