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ment monarchique (1), c'est-à-dire de celui où un seul gouverne par des lois fondamentales. J'ai dit les pouvoirs (2) intermédiaires, subordonnés et dépendans: en effet, dans la monarchie, le prince est la source de tout pouvoir politique et civil. Ces lois fondamentales supposent nécessairement des canaux moyens par où coule la puissance: car, s'il n'y a dans l'état que la volonté momentanée et capricieuse d'un seul, rien ne peut être fixe, et par conséquent aucune loi fondamentale...

Le pouvoir intermédiaire subordonné le plus naturel est celui de la noblesse (3). Elle entre, en quelque façon, dans l'essence de la monarchie, dont la maxime fondamentale est : Point de monarque, point de noblesse; point de noblesse, point de monarque. Mais on a un despote.

Il y a des

Пу gens qui avoient imaginé, dans quelques états en Europe, d'abolir toutes les justices des seigneurs. Ils ne voyoient pas qu'ils vouloient faire ce que le parlement d'Angleterre a fait. Abolissez dans une monarchie les préroga

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(1) Ici, au contraire, pour vouloir séparer des choses qui ne diffèrent que parce que l'une est l'abus de l'autre, il tombe dans une confusion pareille. H.

(2) 'Qu'est-ce que des lois et des pouvoirs que l'intérêt ou la volonté d'un seul viole, rend nuls, ou anéantit? H.

(3) Je vois des rangs, des dépôts de lois, et point de pouvoirs. H.

tives des seigneurs, du clergé, de la noblesse et des villes, vous aurez bientôt un état populaire, ou bien un état despotique.

Les tribunaux d'un grand état en Europe frappent sans cesse, depuis plusieurs siècles, sur la juridiction patrimoniale des seigneurs et sur l'ecclésiastique. Nous ne voulons pas censurer des magistrats si sages; mais nous laissons à décider jusqu'à quel point la constitution en peut être changée.

Je ne suis point entêté des priviléges des ecclésiastiques; mais je voudrois qu'on fixat bien une fois leur juridiction. Il n'est point question de savoir si on a euraison de l'établir, mais si elle est établie, si elle fait une partie des lois du pays, et si elle y est partout relative; si, entre deux pouvoirs que l'on reconnoît indépendans, les conditions ne doivent pas être réciproques; et s'il n'est pas égal à un bon sujet de défendre la justice du prince, ou les limites qu'elle s'est de tout temps prescrites.

Autant que le pouvoir du clergé est dangereux dans une république, autant est-il convenable dans une monarchie (1); surtout dans celles qui vont au despotisme. Où en seroient l'Espagne et le Portugal depuis la perte de leurs lois, sans ce

(1) Faux. H.

pouvoir qui arrête seul la puissance arbitraire? Barrière toujours bonne lorsqu'il n'y en a point d'autre car, comme le despotisme cause à la nature humaine des maux effroyables, le mal même qui le limite est un bien.

Comme la mer, qui semble vouloir couvrir toute la terre, est arrêtée par les herbes et les moindres graviers qui se trouvent sur le rivage; ainsi les monarques, dont le pouvoir paroît sans bornes, s'arrêtent par les plus petits obstacles, et soumettent leur fierté naturelle à la plainte et à la prière.

Les Anglais, pour favoriser la liberté, ont ôté toutes les puissances intermédiaires qui formoient leur monarchie. Ils ont bien raison de conserver cette liberté; s'ils venoient à la perdre, ils seroient un des peuples les plus esclaves de la terre.

M. Law, par une ignorance égale de la constitution républicaine et de la monarchique, fut un des plus grands promoteurs du despotisme que l'on eût encore vus en Europe (1). Outre les changemens qu'il fit, si brusques, si inusités, si inouïs, il vouloit ôter les rangs intermédiaires, et anéantir les corps politiques: il dissolvoit (2)

(1) Je n'entends point son crime. H.

(2) Ferdinand, roi d'Aragon, se fit grand maître des ordres; et cela seul altéra la constitution.

la monarchie par ses chimériques remboursemens, et sembloit vouloir racheter la constitution même.

des

Il ne suffit pas qu'il y ait dans une monarchie

rangs intermédiaires ; il faut encore un dépôt de lois. Ce dépôt ne peut être dans les corps

que

politiques, qui annoncent les lois lorsqu'elles sont faites, et les rappellent lorsqu'on les oublie. L'ignorance naturelle à la noblesse, son inattention, son mépris pour le gouvernement civil, exigent qu'il y ait un corps qui fasse sans cesse sortir les lois de la poussière où elles seroient ensevelies. Le conseil du prince n'est pas un dépôt convenable, Il est, par sa nature, lẹ dépôt de la volonté momentanée du prince qui exécute, et non pas le dépôt des lois fondamentales (1). De plus, le conseil du monarque change sans cesse; il n'est point permanent; il ne sauroit être nombreux; il n'a point à un assez haut degré la confiance du peuple : il n'est donc pas en état de l'éclairer dans les temps difficiles, ni de le ramener à l'obéissance.

Dans les états despotiques, où il n'y a point de lois fondamentales, il n'y a pas non plus de dépôt de lois (2). De là vient que, dans ces pays,

(1) Où sont ces lois fondamentales? H.

(2) Qui ne voit que tout se passe ainsi dans les monarchies,

la religion a ordinairement tant de force: c'est qu'elle forme une espèce de dépôt et de permanence; et, si ce n'est pas la religion, ce sont les coutumes qu'on y vénère, au lieu des lois.

CHAPITRE V.

Des lois relatives à la nature de l'état despotique.

IL résulte de la nature du pouvoir despotique que l'homme seul qui l'exerce le fasse de même exercer par un seul. Un homme à qui ses cinq sens disent sans cesse qu'il est tout, et que les autres ne sont rien, est naturellement paresseux, ignorant, voluptueux. Il abandonne donc les affaires. Mais, s'il les confioit à plusieurs, il y auroit des disputés entre eux; on feroit des brigues pour être le premier esclave; le prince seroit obligé de rentrer dans l'administration. Il est donc plus simple qu'il l'abandonne à un visir (1), qui aura d'abord la même puissance que lui. L'établissement d'un visir est, dans cet état, une loi fondamentale.

où seulement l'opinion plus éclairée fait conserver plus de formes? H.

(1) Les rois d'Orient ont toujours des visirs, dit M. Chardin.

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