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du prince comme sur celle des sujets. Mais, quant au droit naturel, il n'en est pas de même; le prince est supposé n'être plus un homme.

Dans les états monarchiques et modérés (1), la puissance est bornée par ce qui en est le ressort; je veux dire l'honneur, qui règne, comme un monarque, sur le prince et sur le peuple. On n'ira point lui alléguer les lois de la religion; un courtisan se croiroit ridicule on lui alléguera sans cesse celles de l'honneur. De là résultent des modifications nécessaires dans l'obéissance; l'honneur est naturellement sujet à des bizarreries', et l'obéissance les suivra toutes.

Quoique la manière d'obéir soit différente dans ces deux gouvernemens, le pouvoir est pourtant le même. De quelque côté que le monarque se tourne, il emporte et précipite la balance, et est obéi. Toute la différence (2) est que, dans la monarchie, le prince a des lumières, et que les ministres y sont infiniment plus habiles et plus rompus aux affaires que dans l'état despotique.

(1) Dans ces états, les sujets obscurs sont punis par les lois; les gens en place, par le caprice du monarque. H.

(2) Cette différence ne naît pas de la nature des pouvoirs, et prouve la mauvaise distinction de Montesquieu. H.

CHAPITRE XI.

Réflexion sur tout ceci.

TELS sont les principes des trois gouvernemens: ce qui ne signifie pas que, dans une certaine république, on soit vertueux; mais qu'on devroit l'être. Cela ne prouve pas non plus que, dans une certaine monarchie, on ait de l'honneur, et que, dans un état despotique particulier, on ait de la crainte; mais qu'il faudroit en avoir sans quoi le gouvernement sera imparfait (1).

:

(1) Un gouvernement imparfait est celui qui ne tend pas au bonheur des hommes. H.

LIVRE IV.

QUE LES LOIS DE L'ÉDUCATION DOIVENT ÊTRE RELATIVES AUX PRINCIPES DU GOUVERNE

MENT.

CHAPITRE I.

Des lois de l'éducation (1).

Les lois de l'éducation sont les premières que nous recevons. Et, comme elles nous préparent à être citoyens, chaque famille particulière doit être gouvernée sur le plan de la grande famille qui les comprend toutes.

Si le peuple en général a un principe, les parties qui le composent, c'est-à-dire les familles, l'auront aussi. Les lois de l'éducation seront donc différentes dans chaque espèce de

gouver

(1) Il semble bien ridicule de faire un ouvrage pour enseigner ce qu'il faut qu'on fasse pour maintenir ce qui est mal. En matière de gouvernement et d'éducation, la seule question a examiner, c'est de savoir ce qui est le plus propre à assurer le bonheur des hommes. H.

nement. Dans les monarchies, elles auront pour objet l'honneur; dans les républiques, la vertu ; dans le despotisme, la crainte.

CHAPITRE II.

De l'éducation dans les monarchies.

mn

Ce n'est point dans les maisons publiques où l'on instruit l'enfance que l'on reçoit dans les monarchies la principale éducation (1); c'est lorsque l'on entre dans le monde que l'éducation, en quelque façon, commence (2). Là est l'école de ce que l'on appelle honneur, ce maître universel qui doit partout nous conduire.

C'est là que l'on voit, et que l'on entend toujours dire trois choses: qu'il faut mettre dans les vertus une certaine noblesse; dans les mœurs, une certaine franchise; dans les manières, une certaine politesse.

Les vertus qu'on nous y montre sont toujours moins ce que l'on doit aux autres que ce que

(1) Elle y est contradictoire. H.

(2) On n'y enseigne qu'à masquer ses vices, et que l'art de faire fortune. H.

l'on se doit à soi-même : elles ne sont pas tant ce qui nous appelle vers nos concitoyens que ce qui nous en distingue.

On n'y juge pas les actions des hommes comme bonnes, mais comme belles; comme justes, mais comme grandes; comme raisonnables, mais comme extraordinaires (1).

Dès que l'honneur y peut trouver quelque chose de noble, il est ou le juge qui les rend légitimes, ou le sophiste qui les justifie.

Il permet la galanterie lorsqu'elle est unie à l'idée des sentimens du cœur, ou à l'idée de conquête; et c'est la vraie raison pour laquelle les mœurs ne sont jamais si pures dans les monarchies que dans les gouvernemens républicains.

Il permet la ruse lorsqu'elle est jointe à l'idée de la grandeur de l'esprit ou de la grandeur des affaires, comme dans la politique, dont les finesses ne l'offensent pas.

Il ne défend l'adulation que lorsqu'elle est séparée de l'idée d'une grande fortune, et n'est jointe qu'au sentiment de sa propre bassesse.

A l'égard des mœurs, j'ai dit que l'éducation des monarchies doit y mettre une certaine franchise (2).

(1) C'est plutôt peindre des courtisans qu'une nation. H.

(2) Ne seroit-ce pas la dissimulation sous un air de franchise? H.

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