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la nouvelle méthode, dont jusqu'ici nous n'avons fait que prouver la nécessité, et dont maintenant nous allons poser les principes et déterminer la marche; car nous n'aurions point fait un grand pas, si nous nous fussions bornés à prouver que toutes celles qui ont été employées jusqu'ici, ne valent rien, et si nous n'en avions pas une autre à leur substituer. C'est la tâche que nous nous imposons, et que nous allons remplir.

SECONDE PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

TABLEAUX DE L'UNIVERS, DE SES DIVISIONS ET DES

AGENS PRINCIPAUX DE LA NATURE.

LA Nature devant être la base du nouveau système d'explications, d'après les vérités reconnues et les principes posés dans la première partie de cet ouvrage, il s'ensuit que c'est la Nature que nous devons interroger sur la marche que nous avons à tenir, et que c'est elle qui doit nous guider dans la nouvelle méthode que nous allons établir. Les hommes et leurs écrits ne doivent être consultés qu'après elle, et écoutés qu'autant qu'ils parlent comme elle. Mais aussitôt que la Nature et les hommes nous parlerons le même langage, soyons sûrs alors que nous tenons la vérité, ou du moins que nous sommes dans la route qui y conduit.

Si nous voulons savoir ce que les peintres et les chantres de la Nature ont peint et ce qu'ils ont chanté, voyons ce qui a dû les frapper dans l'Uniet subjuguer leur admiration et leurs respect; ce sera, à coup sûr, ce qu'ils auront peint

vers,

et ce qu'ils auront chanté, surtout s'ils nous disent aussi eux-mêmes que c'est là ce qui les a toujours frappés; car alors la Nature aura produit sur eux l'effet qu'elle devait produire. Maintenant, examinons quelle chose a dû les étonner, et quels sont les tableaux de l'Univers sur lesquels leurs regards ont dû principalement s'attacher. Voulonsnous le savoir? interrogeons-nous nous-mêmes, et voyons quels sont les objets qui nous étonnent le plus dans la Nature? qu'y admirons-nous davantage ? voilà ce qui les a étonnés, voilà ce qu'ils ont admiré. Quand les tableaux sont les mêmes, et quand ils conservent avec le spectateur les mêmes rapports, et celui-ci les mêmes organes, l'impression doit être constamment la même. Or, les tableaux du monde subsistent encore dans tout leur éclat, et si les spectateurs changent, les organes de ceux qui leur succèdent n'ont point changé; s'il y avait quelque différence dans les positions, elle serait tout entière à l'avantage de la Nature, à l'étude de laquelle se livraient plus volontiers les premiers hommes, qui étaient assez heureux pour n'avoir d'autre livre qu'elle. Elle seule était la source de leurs jouissances; ses beautés formaient leur unique spectacle, et le luxe de ses productions faisait toute leur richesse et leur magnificence.

Au sein des ténèbres d'une nuit profonde, lorsque le ciel est chargé d'épais nuages, lorsque tous les corps ont disparu à nos yeux, et que nous semblons habiter seuls avec nous-mêmes et avec l'ombre noire qui nous enveloppe, quelle est alors la

mesure de notre existence? combien peu diffèret-elle d'un entier néant, surtout quand la mémoire et la pensée ne nous entourent pas des images des objets que nous avait montrés le jour ? Tout est mort pour nous, et nous-mêmes le sommes, en quelque sorte, pour la Nature. Qui peut nous donner la vie, et tirer notre ame de ce mortel assoupissement qui enchaîne son activité dans l'ombre du chaos? Un seul rayon de la lumière peut nous rendre à nous-mêmes et à la nature entière qui semblait s'être éloignée de nous. Voilà le principe de notre véritable existence, sans lequel notre vie ne serait que le sentiment d'un ennui prolongé. C'est ce besoin de la lumière, c'est son énergie créatrice, qui a été sentie par tous les hommes qui n'ont rien vu de plus affreux que son absence. Voilà leur première divinité, dont un seul rayon, brillant au sein du chaos, en fait sortir l'homme et tout l'univers. Voilà ce qu'ont chanté tous les poètes qui ont imaginé des cosmogonies; voilà le premier dogme d'Orphée, de Moïse et de tous les théologiens; voilà l'Ormusd que les Perses invoquent et qu'ils regardent comme la source de tout le bien de la Nature, comme ils placent dans les ténèbres et dans Ahriman leur chef, l'origine de tous les maux. La lumière est la vie de l'Univers, l'amie de l'homme, et sa compagnie la plus agréable; avec elle il ne s'aperçoit plus de sa solitude; il la cherche dès qu'elle lui manque, à moins qu'il ne veuille, pour reposer ses organes fatigués, se dérober à lui-même et au spectacle du monde,

Mais quel est son ennui, lorsque son réveil a précédé le retour du jour, et qu'il est forcé d'attendre la lumière ! quelle est sa joie aussi, lorsqu'il entrevoit ses premiers rayons, et que l'aurore, blanchissant l'horizon, rappelle sous sa vue tous les tableaux qui avaient disparu dans l'ombre! I) voit alors ces enfans de la terre, dont la taille gigantesque s'élève au sommet des airs, les hautes montagnes couronner de leur cîme tout l'horizon, et former la barrière circulaire qui termine la course des astres. La terre s'aplanit vers leurs racines, et s'étend en vastes plaines entrecoupées de rivières, couvertes de prairies, de bois, ou de moissons, dont l'aspect un moment auparavant lui était dérobé par un sombre voile que l'aurore, d'une main bienfaisante, vient de déchirer. La Nature reparaît tout entière aux ordres de la divinité qui répand la lumière. Mais le Dieu du jour se cache encore au regard de l'homme, afin que son œil insensiblement s'accoutume à soutenir le vif éclat

des rayons du Dieu que l'aurore va introduire dans le temple de l'Univers, dont il est l'ame et le père. Déjà la porte par où il doit entrer est nuancée de mille couleurs, et la rose vermeille semble être semée sous ses pas; l'or, mêlant son éclat à l'azur, forme l'arc de triomphe sous lequel doit passer le vainqueur de la nuit et des ténèbres. La troupe des étoiles a disparu devant lui, et lui a laissé libres les champs de l'Olympe dont il va seul tenir le sceptre. La Nature entière l'attend; les oiseaux par leur ramage célèbrent son approche et font

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