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de l'éther, dont l'action se développe dans un fluide plus grossier que l'air. Le vermisseau rampe ici dans le limon au fond du bassin des mers et du lit des fleuves; le poisson se balance sur la surface des eaux, ou en fend la masse à l'aide de nageoires, tandis que l'anguille tortueuse alonge et développe ses contours à la base du fluide. L'eau, la terre et l'air ont chacun leurs animaux, dont les formes offrent des parallèles, et qui mutuellement se combattent et se cherchent comme pâture, de manière à perpétuer les transformations de la même matière en mille formes, et à la faire revivre tour à tour dans tous les élémens qui servent d'habitation aux corps animés.

Rien de semblable ne s'offrait aux regards de l'homme au-delà de la sphère élémentaire, qui était censée s'étendre jusqu'aux dernières couches de l'atmosphère, et même jusqu'à l'orbite de la lune. Là, les corps y prenaient un autre caractère, celui de constance et de perpétuité, qui les distingue essentiellement de l'effet. La terre recélait donc dans son sein fécond tous les effets qu'elle en faisait éclore; mais elle n'était pas la seule cause : les pluies qui fertilisaient son sein semblaient venir du ciel, ou du séjour des nuages que l'oeil y. place; la chaleur venait du soleil; et les vicissitudes des saisons tenaient au mouvement des astres, qui paraissaient les ramener. Le ciel fut donc aussi cause avec la terre, et cause très-active, mais produisant un autre que lui-même.

Cette différence dut faire naître des comparaisons

entre les générations d'ici-bas, où deux causes concourent à la formation d'un animal, l'une activement, l'autre passivement; l'une comme mâle, et l'autre comme femelle ; l'une comme père, et l'autre comme mère. La terre devait paraître comme la matrice de la Nature et le réceptacle des formes; comme la mère et la nourrice des êtres que le ciel engendrait dans son sein. Ils durent présenter l'un et l'autre les rapports du mâle et de la femelle, ou du mari et de la femme; et leur concours l'image d'un mariage, ou de l'union des deux sexes dans l'acte de la génération. Ces fictions furent d'autant plus naturelles, qu'ils étaient tous deux sources de la vie de tous les autres êtres produits, et qu'ils devaient nécessairement renfermer en eux éminemment la vie, qu'ils communiquaient aux êtres passagers, qui n'existaient et ne vivaient que parce que le ciel et la terre, en les organisant, les faisaient participer à leur vie immortelle pendant quelques instans.

De là dut naître l'idée de l'Univers animé par un principe de vie éternelle et par une âme universelle dont chaque être isolé et passager recevait en naissant une émanation, qui à sa mort retournait à sa source. La vie de la matière appartenait autant à la Nature que la matière elle-même; et comme la vie se manifeste par le mouvement, les sources de la vie durent paraître placées dans ces corps lumineux et éternels, et surtout dans le ciel où ils circulent et qui les entraîne dans sa course rapide, supérieure par son agilité à tous les autres mouvemens. Le

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feu, d'ailleurs, ou la chaleur, ont tant d'analogie avec la vie, qu'il semble que le froid soit, comme le défaut de mouvement, le caractère distinctif de la mort.

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On a donc cherché dans ce feu vital, qui bouillonne dans le soleil, et qui produit la chaleur qui vivifie tout, le principe d'organisation et de vie de tous les êtres sublunaires.

L'Univers, ou l'assemblage du ciel et de la terre, dans son action créatrice et éternelle, ne dut pas être considéré simplement comme une immense machine, mue par de puissans ressorts' et mise en un mouvement continuel, lequel, émané de la circonférence, se porte jusqu'au centre, agit et réagit dans tous les sens, et reproduit successivement toutes les formes variées que reçoit la matière: l'envisager ainsi, ce serait n'y reconnaître qu'une action froide et purement mécanique, dont l'énergie ne produira jamais la vie.

Il n'en est pas ainsi de l'Univers, et ce n'est pas là l'idée qu'il présente. On dut y apercevoir un Être immense toujours vivant, toujours mu et toujours mouvant, et dans une activité éternelle qu'il tenait de lui-même et qui, ne paraissant subordonnée à aucune cause étrangère, se communiquait à toutes ses parties, les liait entre elles, et faisait du monde un tout unique et parfait. L'ordre et l'harmonie qui régnaient en lui semblaient lui appartenir; et le dessin des différens plans de construction des êtres organisés paraissait gravé dans son intelligence suprême, source de toutes les autres intel

ligences qu'il communique à l'homme avec la vie. Rien n'existant hors de lui, il dut être regardé comme le principe et le terme de toutes les choses.

Voilà les conséquences auxquelles le spectacle de l'Univers, de ses parties, de ses mouvemens, et des effets résultant du jeu de ses ressorts, a dû conduire l'homme qui à mis un peu de suite dans ses idées, et qui a donné quelque développement à ses réflexions sur l'ordre du monde. Voilà le langage que la Nature a parlé aux hommes; voyons s'ils l'ont entendu. La nature vient d'être interrogée; interrogeons maintenant les hommes qui nous ont précédés. Consultons leurs écrits, et mettons-les en parallèle avec les leçons de la Nature.

CHAPITRE II.

CAUSE ACTIVE ET PASSIVE DE LA NATURE.

La distinction de la cause première et suprême en deux parties, l'une active et l'autre passive; l'Univers agent et patient, ou le Dieu monde hermaphrodite, est un des plus anciens dogmes de la philosophie ou de la théologie naturelle, et un des plus répandus. Presque tous les peuples l'ont consacré dans leur culte, dans leurs mystères et dans leurs cosmogonies. Ecoutons sur ce point leurs philosophes.

TOME 1er.

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Ocellus de Lucanie, qui paraît avoir vécu peu de temps après que Pythagore eut ouvert son école en Italie, cinq ou six cents ans avant notre ère', c'està-dire dans le siècle des Solon, des Thalès et des autres sages qui s'étaient formés dans les écoles d'Égypte, reconnaît non-seulement l'éternité du monde, son caractère divin d'être improduit et indestructible, comme nous l'avons déjà vu dans un passage de ce philosophe, rapporté dans le premier chapitre de notre ouvrage; mais encore il établit d'une manière formelle la division de la cause active et passive, dans ce qu'il appelle le Grandtout, ou dans l'être unique hermaphrodite, qui comprend tous les êtres, tant les causes que les effets, et qui est un système ordonné, parfait et complet de toutes les Natures. Il a bien aperçu la ligne de division qui sépare l'être éternellement constant de l'être éternellement changeant, ou la nature des corps célestes de celle des corps terrestres, celle des causes de celle des effets; distinction que nous avons dit plus haut avoir dû frapper tous les hommes.

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Qu'on jette les yeux, dit Ocellus, sur toute la Nature en général, on la verra étendre son indestructibilité, depuis les premiers corps et les plus nobles, en descendant peu à peu jusqu'aux êtres mortels sujets aux variations de forme et d'état3, Les premiers êtres, se mouvant par eux-mêmes et

+ Batteux, Caus. prem., t. 2, p. 4, 5.- 2 Ocel., c. x, §8.3 Ibid., c. 1, § 13.

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