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Nature, cette inscription fameuse : « Je suis tout » ce qui est, tout ce qui a été, tout ce qui sera, >> et nul mortel n'a encore percé le voile qui me » couvre (a). » Que de siècles il a fallu aux hommes pour en revenir là; et combien peu sont capables de recevoir cette sublime leçon! Ocellus de Lucanie, disciple de Pythagore, qui lui-même l'avait été des Égyptiens, renferme dans la Nature ellemême le principe par lequel elle existe, et fait exister les autres êtres qu'elle contient: d'où il conclut que l'Univers est improduit et indestructible : ce qui est un des caractères essentiels de la cause première. On n'a encore rien opposé de solide à cette conclusion; car nous ne comptons pour rien les fictions des Poètes et des Platoniciens, pour • moins encore le témoignage d'une prétendue révélation, attendu que l'on ne détruit point un bon raisonnement par une fiction, ou par une absur– dité. Le plus grand naturaliste de l'antiquité, Pline donne au monde tous les caractères de la cause première et de la divinité 2. « Le monde, dit ce savant, et ce que nous appelons le ciel, qui, dans ses vastes contours, embrasse les autres êtres, doit être regardé comme un Dieu, éternel, immense, improduit, indestructible. Chercher d'autres êtres hors de lui est une chose non-seulement inutile à l'homme, mais encore au-dessus des forces de son esprit; il est un être sacré, immense, éternel, qui renferme tout en lui-même; il est en même temps l'ouvrage

1 De Iside, p. 354.

.2 Pline, Histoire nat. 1. 2, c. 1.

de la Nature, et la Nature elle-même. C'est une folie de vouloir sortir hors de lui pour chercher autre chose. » Tel est le précis des grands principes philosophiques que Pline met à la tête de son histoire de la Nature. Personne jusqu'ici ne s'est avisé de refuser au monde la prérogative de cause première et universelle visible. L'empire de la Nature sur tout ce qui naît, croît et périt ici-bas, est trop marqué pour qu'on puisse s'y méprendre; mais on a imaginé, depuis, l'existence d'une cause invisible, d'une nature différente de celle de la cause visible, placée hors d'elle, agissant sur elle; et ceux qui croient à tout, l'ont admise, sans s'inquiéter des preuves. Les autres ont continué de la placer où ils la voyaient, sans se perdre dans des régions inconnues. La réalité de l'une appuyée du témoignage de tous les sens, n'était contestée par personne celle de l'autre était au moins douteuse, et si on pouvait se défier des illusions des sens, on devait encore plus être en garde contre celles de l'imagination et de la métaphysique. Ces hommes, que nous appelons païens, grossiers et aveugles, croyaient qu'il n'y a qu'un effet dont on puisse demander: Quelle est sa cause? mais que la cause elle-même ne souffre point cette question, à moins qu'elle ne se présente à nous comme effet, vue sous un autre rapport; et alors c'est encore d'un effet que nous cherchons la cause etnon pas d'une cause. Or, l'Univers ne seprésentait à leurs yeux que sous l'aspect d'une cause très-puissante et toujours active, et jamais comme effet. Ils ne l'avaient point vu naître, croître, s'al

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térer, ni vieillir, il paraissait toujours le même, et n'offrait aucun des caractères de l'être produit et destructible; «< car l'Univers, dit Ocellus ' considéré dans sa totalité, ne nous annonce rien qui décèle une origine, ou présage une destruction: on ne l'a pas vu naître, ni croître, ni s'améliorer, ni se détériorer, ni décroître; il est toujours le même, de la même manière, toujours égal, et semblable à lui-même. » Il ne paraît pas que, depuis Ocellus, nos observations nous en aïent appris davantage. Il était donc naturel aux hommes de s'arrêter où les effets semblaient finir, et où l'être prend un caractère différent de celui qu'ont tous ceux qui lui sont subordonnés : cet être était la Nature. Il était nécessaire de remonter jusqu'à l'arbre, pour y chercher la cause du fruit, et jusqu'à la terre, pour y trouver celle de l'arbre; l'un et l'autre, produits et reproduits, étaient évidemment des effets; mais la série des productions et des reproductions paraissant finir à la terre, qui n'offrait rien de ce qui caractérise l'être produit et passager, là finirent aussi les recherches de l'homme sur la progression des causes; là fut attaché le sommet de la chaîne des générations, du règne végétal, minéral, et même du règne animal; car enfin il fallait bien s'arrêter quelque part, et la Nature semblait avoir fixé ce point dans son propre sein. La progression infinie dans les causes, est une absurdité; et puisqu'il faut qu'elle s'arrête, pourquoi la prolonger

1 C. 1, § 6.

au-delà du terme où on la voit finir? Ceux qui ont imaginé l'être immatériel, que de leur propre aveu on ne peut voir, ont été obligés également de terminer là ces questions: Qui l'a produit? et de répondre : Il existe sans aucune cause que sa propre nature. Voilà précisément ce que les anciens disaient de l'Univers1; il est parce qu'il est, et qu'il ne serait pas, s'il n'eût toujours été. Quelque système que l'on adopte, il faut toujours se contenter de cette réponse; c'est une vérité nécessaire, dont notre esprit s'accommode avec peine, et qu'il est forcé de recevoir. On sentit que ce serait reculer la difficulté, et non pas la résoudre, que de chercher la cause de la cause, et que l'éternité d'existence pouvait au moins autant appartenir à ce que l'on voyait toujours exister, qu'à un être abstrait, imaginé uniquement pour expliquer cette perpétuité aussi inexplicable en lui, qu'elle l'était dans la Nature. La Nature fut donc, et dut être le terme des recherches des premiers hommes sur la Divinité, ou sur la cause première universelle, jusqu'à ce que le monde des esprits et des intelligences, placé hors des limites de la Nature, eût été créé par les métaphysiciens. Ces subtilités de quelques penseurs, ne firent jamais qu'une légère exception à l'opinion générale sur la Nature, qui resta en possession de sa divinité, et tint presque tous les mortels attachés à son culte, comme elle les tenait enchaînés sous ses lois.

1 Ocell., c. 1, § 2.

CHAPITRE II.

CULTE DE LA NATURE PROUVÉ PAR L'HISTOIRE.

L'UNIVERSALITÉ du culte rendu à la Nature, à ses parties et aux principaux agens de la cause universelle, est appuyée sur les monumens les plus authentiques de l'histoire de tous les peuples du monde.

On lit dans le Pentateuque des juifs, ouvrage dont on vante l'antiquité, une exhortation de leur législateur, par laquelle il met son peuple en garde contre le culte rendu à la Nature chez toutes les autres nations. Cet homme, élevé à l'école de quelque spiritualiste, voulant propager la doctrine des métaphysiciens, et en faire la base de la religion de sa petite horde, lui rappelle les entretiens qu'il eut avec l'invisible, et le prestige des tourbillons de flamme et de fumée qu'il imagina, pour s'investir en quelque sorte de la divinité, et pour parler en son nom. 1 << Souvenez-vous, dit-il, que vous n'avez vu aucune figure, ni aucune ressemblance, au jour que le Seigneur vous parla à Horeb au milieu du feu, de peur qu'étant séduits, vous ne fassiez quelque image, quelque figure; 2 ou qu'élevant vos yeux au ciel, et y voyant le soleil, la lune et tous les astres, vous ne tombiez dans l'illusion et dans

1 Deut., c. 4. v. 15, etc.-2 Ibid., 19.

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