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NOTICE SUR DUPUIS.

La vie des hommes laborieux est ordinairement restreinte à un très-petit nombre d'événemens, forcés qu'ils sont, en général, de se renfermer dans des études constantes et difficiles. Pourraient-ils prodiguer au monde des heures vouées aux occupations sérieuses? Le silence du cabinet a pour eux des charmes qui les y retiennent: ils y caressent les pensées les plus abstraites, les y mûrissent par une réflexion prolongée, continue; les y emploient à des déductions savantes : c'est de leur retraite que partent les lumières destinées à éclairer les hommes, à les conduire dans les sentiers obscurs des sciences et des arts. La société, où se dépensent chaque jour tant d'existences qui passent inaperçues, n'a d'attraits à leurs yeux que par l'admiration qu'y produisent leurs ouvrages.

Il ne faut donc pas demander à l'historien de Dupuis toutes les circonstances les plus intimes de la vie de ce savant: il s'est peu prodigué au dehors; presque tous ses momens ont été des momens de travail. Nous le ferons connaître dans ce qui nous a été conservé de lui.

Charles-François DUPUIS naquit à Trie-le Château, près de Gisors et de Chaumont, département de l'Oise, le 16 octobre 1742, de parens sans fortune.

Ceux des biographes qui l'ont fait naître à la Roche-sur-Yon, près de Mantes, se sont trompés. Son père, instituteur à Trie-le-Château, lui en– seigna les mathématiques et l'arpentage.

On a remarqué que cet enfant avait, dès l'âge de six ans, une écriture tellement bien formée, qu'elle aurait pu servir de modèle.

Ce fut alors que ses parens vinrent s'établir à la Roche-sur-Yon, où le hasard devait se montrer favorable à l'avenir de leur fils.

Un jour Charles s'occupait, sur le bord de la Seine, à prendre avec un graphomètre la hauteur de la tour de la Roche-sur-Yon, lorsque le duc de La Rochefoucauld aperçut le jeune géomè-, alors âgé de dix à douze ans. Il s'en approcha, lui fit des questions, fut ravi de ses réponses, et obtint de ses parens la permission de lui fonder une bourse au collège d'Harcourt.

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L'estimable protecteur trouva un élève digne de ses bienfaits, et qui prit à tâche de lui prouver, par la rapidité de ses progrès, tout ce qu'il jugeait lui devoir de reconnaissance.

Il entra d'abord dans l'état ecclésiastique; mais nommé, à peine âgé de vingt-quatre ans, profes

seur de rhétorique au collège de Lisieux, il abandonna l'étude de la théologie pour se livrer à celle du droit.

Tous les loisirs que lui laissait son professorat furent employés avec tant de fruit, qu'il put se faire recevoir avocat au parlement de Paris le 11 août 1770.

Vers ce temps, il quitta le petit collet, qu'il n'avait point encore cessé de porter, et se maria.

A cette époque, en 1775, le recteur de l'Université le chargea de composer le discours latin pour la distribution des prix, discours qui eut les honneurs d'applaudissemens réitérés, et qui fut longtemps cité pour la pureté et les grâces du style. Il est vrai que, saisissant l'à-propos de la rentrée du parlement, rétabli après la mort de Louis XV, il put traiter son sujet sous un point de vue tout-àfait nouveau, et se rendre favorables les magistrats et leurs amis.

Quelques années plus tard, en 1780, le premier corps enseignant de l'Etat lui confia le soin de prononcer en son nom l'oraison funèbre de l'impératrice Marie-Thérèse, mère de la reine MarieAntoinette. Cette circonstance devint pour lui l'occasion d'un véritable succès littéraire: son talent parut s'être mûri, et avoir gagné en force et en éclat Dès ce moment il prit rang parmi les humanistes les plus distingués.

Il revint ensuite aux mathématiques, qu'il avait si facilement apprises, et suivit les cours de Lalande avec assiduité.

Le célèbre astronome ne tarda pas à lui accorder son amitié, comme l'avaient fait déjà le duc de La Rochefoucauld, l'abbé Barthélemy, l'abbé Leblond et tous les hommes de savoir de son temps.

Ses occupations journalières, ses relations intimes le conduisirent à la pensée du grand ouvrage qui devait un jour fixer dans les siècles le nom de

son auteur.

Il commença par publier, dans les cahiers du Journal des Savans des mois de juin, d'octobre et de décembre 1779, et de février 1780, des fragmens dont il fit hommage à l'Académie des inscriptions. Puis, réunissant ces matériaux épars, il les fit réimprimer dans l'Astronomie de Lalande, et les donna séparément, en 1781, en un volume in-4°, sous le titre de Mémoire sur l'origine des constellations, et sur l'explication de la fable par l'as

tronomie.

Cet ouvrage, loué et critiqué sans mesure, appela l'attention de tous les esprits méditatifs; il imprima une direction nouvelle aux recherches des érudits, et valut à Dupuis les éloges de Condorcet. L'illustre économiste ne se borna pas là; il proposa l'auteur au grand Frédéric pour la chaire

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