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sont eux qui ont fourni en grande partie les 30 ou 40,000 fr. dépensés par l'association dans la dernière campagne.

C'est toujours l'Economiste belge, dirigé par M. G. de Molinari, qui est l'organe des deux sociétés, et qui contribue par son talent et ses efforts à entretenir le feu sacré de la science.

Au reste, les idées de liberté commerciale ont fait des progrès en Belgique, et le gouvernement se montre disposé à entrer dans la voie des réformes.

M. le comte ARRIVABENE, qui, en sa qualité d'ancien défenseur de la liberté italienne (compromis avec Silvio Pellico) et d'économiste savant et zélé, a été nommé président de la Société d'économie politique reformée à Turin l'année dernière, dit que cette société, dont les membres appartiennent presque tous aux chambres, n'a tenu qu'un petit nombre de séances, mais qu'il fera ses efforts, à son retour, pour que les amis de la science se groupent de nouveau, si toutefois la situation politique le permet.

M. DU MESNIL-MARIGNY demande à présenter quelques observations au sujet des opinions provoquées dans la dernière réunion sur sa proposition touchant la manière d'apprécier la richesse d'une nation. Il a formulé ces observations dans une lettre qu'il a adressée à M. le secrétaire perpétuel. (V. ci-dessous.).

M. DUNOYER ne veut point reprendre la discussion de la dernière séance; mais il désire faire remarquer que la Richesse serait fort mal définie, si on n'y comprenait outre les instruments, les matières et les produits matériels, toutes les facultés et toutes les aptitudes intellectuelles et morales des populations, les services de toute espèce qu'ils échangent entre eux dans toutes les branches de l'activité humaine, et dont la production et la valeur contribuent à l'entretien et à la prospérité des familles.

L'observation de M. Dunoyer n'a pas de contradicteurs. Quant à M. du Mesnil-Marigny, il s'est précisément proposé d'évaluer la richesse sous les différentes formes que vient d'énoncer l'honorable président de la Société.

La discussion porte ensuite sur l'intervention de l'État en matière d'Enseignement public et privé; il en sera rendu compte dans un autre numéro.

Lettre de M. du Mesnil-Marigny à M. le secrétaire perpétuel sur les objections qui lui ont été faites dans la réunion du 5 janvier.

Dans la séance du 5 janvier dernier, j'ai cherché à faire prévaloir cette opinion qu'il était de toute nécessité, pour élever l'économie politique

au rang des sciences exactes, d'apprécier et de calculer séparément la richesse d'usage et la richesse de valeur des nations. Mais n'ayant pu, en raison de l'heure avancée, passer en revue les diverses objections qui m'ont été faites, permettez-moi, je vous prie, de répondre ici à celles qui ont fait le plus d'impression sur l'assemblée.

La théorie que j'ai exposée conduirait, dit-on, à la balance du commerce, c'est-à-dire, à faire entasser dans un pays la plus grande quantité possible de numéraire. Mais la formule à laquelle on fait allusion est établie dans le but de supputer non-seulement la somme des valeurs meubles et immeubles qu'une nation possède, mais encore de recenser la portion de cette somme dont elle peut disposer. Ce qui diffère singulièrement de la balance du commerce.

Cette théorie est encore accusée de nous ramener à la doctrine de la disette. Nous répondrons que la formule dont il est question contient, relativement aux consommations, un terme négatif dont la valeur s'accroît à mesure que la disette devient plus cruelle, et fait diminuer ainsi, dans une forte proportion, le quantum de la richesse évaluée d'une nation.

On a prétendu, en outre, que dans les diverses phases, heureuses ou malheureuses, que traversent les peuples, leur richesse évaluée est tellement liée à leur richesse d'usage, qu'il n'y a que très-peu d'écart entre l'une et l'autre, et que, par suite, il suffit de s'occuper de l'une d'elles.

Afin d'établir le contraire, nous aurons recours à quelques exemples.

Deux sociétés, composées de mille travailleurs, possédant chacune le fonds sur lequel elles opèrent, se livrent, l'une à l'agriculture et l'autre à l'extraction de la houille. Leur produit brut s'élève, chaque année, à la même somme d'un million, c'est-à-dire qu'elles ont la même richesse d'usage. Eh bien! ce million de produit brut étant, pour la société agricole, environ le double de son produit net, indique que cette société a une richesse évaluée d'à peu près dix millions. Quant à la société houillère, le produit net n'étant souvent, dans ce genre d'industrie, que le vingtième du produit brut, la richesse évaluée de cette dernière société peut très-bien ne se monter qu'à un million.

Quelle différence, dès lors, entre les richesses évaluées de ces deux sociétés, nanties d'une égale richesse d'usage, et en conséquence quelle disparité dans les efforts, soit guerriers, soit industriels, dont elles sont capables?

Nous ajouterons que les publicistes sont loin d'être unanimes pour déterminer d'une manière précise quelle est la nation qui jouit de la plus grande richesse d'usage. Suivant les uns, c'est la Russie; suivant

les autres, c'est la France, c'est l'Angleterre, c'est la Hollande, etc. Ce qui prouve que la richesse d'usage ne diffère pas d'une manière sensible chez les divers peuples; la raison en est que, le plus souvent, un surcroît de consommateurs vient restreindre cette richesse, lorsqu'elle augmente, et qu'une plus grande mortalité ne manque jamais de survenir lorsque cette richesse diminue.

Or, si les richesses d'usage des peuples ne varient que peu, leurs richesses évaluées présentent au contraire les contrastes les plus frappants. - Ainsi, personne ne peut contester qu'à égalité de population, et surtout à égalité de surface de terres, la richesse évaluée de la France et de l'Angleterre ne soit au moins cinq ou six fois plus considérable que celle de la Russie.

Je pourrais multiplier les citations et fournir d'autres arguments à l'appui de ma théorie, mais je crains d'abuser de votre extrême complaisance.

Veuillez bien agréer, etc.

DU MESNIL-MARIGNY.

Paris, 8 février 1861.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE.

Le nouvel exposé de la situation de l'Empire; le budget de 1861 et de 1862; les douanes et les finances. Nouveau projet de loi sur les brevets d'invention; quelques mots sur le projet de M. Boutarel.-Une nouvelle déclamation contre l'économie politique et l'usure. · L'esclavage et l'Union américaine.

La politique a pris toute la place ce dernier mois. Les parlements s'ouvrent de tous les côtés à la fois. La rentrée des chambres s'est effectuée avec une solennité inaccoutumée. Tout le monde attend quel sera l'effet des nouvelles modifications apportées à la Constitution. L'exposé de la situation de l'Empire, présenté aux chambres et publié par les journaux, a porté surtout sur la partie extérieure. Nous extrayons et nous analysons ici ce qui, dans ce document, offre un plus particulier intérêt au point de vue économique, c'est-à-dire ce qui concerne le budget de 1861 et celui de 1862, et les douanes. Le budget de 1861 avait été voté avec un excédant de recette de 653,812 fr.; mais à la suite des négociations qui ont eu lieu pour régler, au moyen de conventions complémentaires, les divers tarifs et tous les détails d'exécution du traité avec l'Angleterre, on reconnut la nécessité, dans l'intérêt de l'industrie nationale, d'accorder de nouveaux dégrèvements sur les lins, les graines

oléagineuses et diverses autres matières premières. La perte que ces nouveaux dégrèvements devaient faire supporter au Trésor s'élevait à 5 millions environ. D'un autre côté, les accroissements de recettes, qui dans les prévisions du budget devaient résulter du développement de la consommation des sucres, ne paraissaient pas devoir se réaliser, par suite de l'insuffisance de la récolte des betteraves, contrariée par des pluies continuelles. Il devenait donc nécessaire d'aviser au moyen de rétablir l'équilibre du budget de 1861. Le décret du 19 octobre dernier porta de 8 à 10 fr. le prix du kilogramme de tabac à priser et à fumer, et procura ainsi au Trésor un surcroît important de ressources.

Les articles 174 et 176 de la loi du 28 avril 1816 donnaient au gouvernement la faculté de déterminer, dans une certaine mesure, le prix des tabacs suivant leur qualité. Une ordonnance royale du 7 octobre 1816 avait ramené à une quantité unique le tabac de grande consommation et fixé un prix de 8 fr. Ce prix, inférieur au maximum de 14 fr. 20 c. établi par la loi, n'avait pas été modifié depuis 1816, et avait cessé d'être en rapport avec les divisions nouvelles des poids et des me

sures.

Le prix de 40 fr. offrait l'avantage d'établir une parfaite concordance avec les subdivisions des poids et celles des monnaies; les ventes au détail à 5, 10 et 45 c. se trouvaient correspondre rigoureusement à des pesées de 5, 40 et 15 grammes.

Il est impossible de méconnaître d'ailleurs que depuis 1846 la régie a été obligée d'élever le taux des salaires payés aux ouvriers et le prix des tabacs indigènes payés aux planteurs; enfin, si l'on tient compte des changements survenus dans la valeur du numéraire et le prix des denrées et de la main-d'œuvre, on peut dire que le prix nouveau correspond à peine à la valeur que le prix de 8 fr. représentait en 1816.

En Angleterre, où le monopole n'existe pas, la taxe de douane appliquée aux tabacs en feuilles s'élève à 8 fr. 27 c. le kilogramme. Cette taxe fait peser sur le consommateur anglais une charge assurément bien plus considérable que le prix de 40 fr. par kilogramme, qui, en France comprend, outre l'impôt dù à l'État, le prix de la matière première, les frais de transport et de fabrication et le bénéfice du débitant.

La ressource nouvelle que l'augmentation du prix des tabacs doit procurer au Trésor dépassera 30 millions; non-seulement cette somme paraît devoir suffire pour couvrir les diminutions de recettes que, par les causes indiquées ci-dessus, subira le budget de 1861, mais elle place ce budget dans des conditions d'équilibre plus satisfaisantes que celles qui avaient été primitivement adoptées.

Les éléments du budget de 1862, soumis en ce moment à l'examen

du Corps Législatif, permettent d'espérer un excédant de recette de plusieurs millions.

On a pris, suivant l'usage, pour base des évaluations de recettes de 1862 les recettes réalisées en 1860. Cependant cette règle n'a pas été suivie pour certains objets de consommation qui ont été dégrevés, tels que les sucres, ou surtaxés, comme les tabacs. D'un autre côté, l'évaluation des droits de douane à percevoir sur les marchandises d'origine et de fabrication britanniques, comprises dans le traité de commerce, devait donner lieu à des appréciations éventuelles d'une nature délicate et d'un caractère nouveau.

Dans le budget de 1864, on avait calculé les recettes sur les sucres coloniaux, étrangers et indigènes d'après la consommation de l'année 1858, augmentée de 28 pour 100. Cette augmentation était celle qui avait eu lieu dans la Grande-Bretagne à la suite d'un dégrèvement semblable à celui qui venait d'être opéré en France. L'année 1862 correspondra à la troisième année de l'expérience anglaise, qui a présenté une augmentation de 40 pour 400. Il a paru prudent néanmoins de ne pas adopter pour 1862 une aussi large base d'évaluation. Il est à craindre que la médiocrité de la betterave en 1860 ne retarde la progression de la consommation des sucres, et l'on s'est borné pour 1862 à reprendre l'évaluation du budget de 1861, augmenté seulement de 2 p. 100, ce qui réduit à peu près à 30 p. 100 l'accroissement de consommation de l'année 1862 comparée à l'année 1858.

En ce qui concerne les tabacs, les évaluations de recettes ont été calculées sur la consommation de 1860, en tenant compte seulement de l'élévation nouvelle des prix fixés par le décret du 19 octobre. L'expérience des deux premiers mois qui ont suivi le décret aurait permis de porter plus haut ces évaluations; mais en présence d'une expérience d'aussi courte durée, il a semblé préférable de rester dans les termes d'une appréciation incontestablement modérée.

Les droits de douane à percevoir sur les marchandises d'origine et de fabrication britanniques autrefois surtaxées ou prohibées, et désormais accessibles aux marchés français, avaient été évalués au budget de 1861 à une somme de 6 millions. Cette évaluation a été augmentée de 40 millions au budget de 1862. Il importe de remarquer que la période pendant laquelle les principales marchandises anglaises, telles que les fils et tissus de lin, de laine et de coton, devaient être admises en France était limitée à six et à trois mois pour l'année 1864. Ces mêmes marchandises entreront en France en 1862 pendant l'année entière, et prendront nécessairement une place plus large dans la consommation.

Une année s'est déjà écoulée depuis que l'empereur a pris l'initiative de la réforme économique, et dès à présent il est satisfaisant de pou

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