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d'ontologie qu'il a été ainsi conduit à aborder. Ces problèmes nous semblent insolubles, parce que l'essence même des choses nous échappe, et que nous ne pouvons pas plus pénétrer au fond de ce qu'on appelle l'espace, la matière ou le temps, que nous ne pouvons arriver à la connaissance intime de Dieu. Mais si ces questions dépassent notre intelligence, nous avons le droit cependant, en examinant un système métaphysique, de lui demander d'être conséquent et logique avec lui-même. Quand Leibniz attaque Descartes et reproche à sa doctrine, comme le faisaient les jésuites, de conduire à un idéalisme dangereux, il ne s'aperçoit pas qu'il imagine lui-même un système bien autrement idéaliste. Sa célèbre théorie des monades n'est ni plus ni moins que la suppression de la notion fondamentale de la matière, qu'il finit par identifier à la force. C'est ce qu'a montré M. Cousin dans une lecture religieusement écoutée, où Leibniz, malgré l'admiration dont il est digne, a été justement mis en cause devant le tribunal de la justice et du bon sens. On ne saurait connaître un esprit tel que le philosophe de Hanovre, sans avoir pénétré dans les problèmes qui l'ont préoccupé, et quelle que soit la valeur des solutions qu'il propose, nous devons les connaître, pour nous faire une idée de la tournure des intelligences dans le monde et le temps oùil vivait. M. du Chatellier, assurément l'un des plus laborieux correspondants de l'Académie, a lu un mémoire plein de recherches sur quelques modes de la propriété en Bretagne. Il a traité fort au long la fameuse question du domaine congéable, sur laquelle des vues bien différentes et souvent aussi exclusives que passionnées, avaient été émises.

Les rapports ont eu une grande place dans les réunions de ces derniers mois. M. Louis Reybaud a continué la lecture de son magnifique exposé de la situation de l'industrie cotonnière. J'ai déjà loué tant de fois cette œuvre remarquable, qui trouve sa place dans le Journal, que, par crainte des redites, je m'abstiendrai d'en rappeler encore les mérites; mais qu'on ne prenne pas mon silence pour une atténuation des éloges. La nouvelle partie du rapport de M. Reybaud, communiquée à l'Institut et qui traite de l'industrie de Mulhouse, ne le cède en rien à celles qui l'ont précédée.

Un autre rapport, digne de toute l'attention de l'Académie et sorti également d'une plume éloquente, a occupé une autre de ses séances. M. Halphen avait légué à l'Académie une rente de 500 fr. destinée à récompenser l'auteur du meilleur ouvrage sur l'instruction primaire ou la personne qui aurait le plus contribué à son avancement. Les arrérages de cette rente, cumulés pendant trois ans, ont fourni une sonime de 1,500 fr., que l'Académie a attribuée à M. Rapet, sur le rapport de M. Guizot. M. Rapet a été déjà plusieurs fois lauréat de l'Institut; il a fondé un excellent journal d'instruction primaire qui a pour titre l'Education; il est auteur d'un Cours d'études des écoles primaires, d'un Cours 2 SÉRIE: T. XXIX. - 15 mars 1861.

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élémentaire de langue française, d'un Manuel de morale et d'économie politique. Non-seulement il a puissamment servi par ses excellents ou→ vrages les progrès de l'instruction primaire, mais sa vie tout entière a été consacrée à l'enseignement des premiers éléments de nos connaissances. Instituteur d'abord, puis directeur d'une école normale, aujourd'hui inspecteur primaire du département de la Seine, il a joint la pratique à la théorie. Aussi, M. Guizot n'a-t-il pas hésité de proposer à l'Académie d'attribuer à M. Rapet la somme dont l'Institut est redevable à la libéralité de M. Halphen.

M. Rapet avait, il faut le dire pour son honneur, deux concurrents sérieux et certainement dignes des encouragements de l'Académie. M. Waleff, ancien directeur de l'école normale de Nogent-sur-Marne, et M. Eugène Rendu, inspecteur général de l'instruction primaire.

M. Adolphe Garnier a fourni aussi son contingent de rapports: l'un sur les Mémoires d'Antoine, charmant roman par lequel M. Antonin Rondelet s'est efforcé de faire pénétrer dans les classes pauvres et les campagnes, de saines doctrines économiques, l'amour du travail et l'esprit de la moralité; l'autre sur un livre de M. Paul Janet, lauréat de l'Académie, et qui a pour titre : Etude sur la dialectique dans Platon et dans Hegel. M. Paul Janet, dialecticien exercé et philosophe érudit, a réfuté Hégel avec autant de force que de modération.

M. Armand Husson est assurément l'un des hommes qui ont le plus contribué en France à élever l'art de l'administration à la hauteur d'une science, en faisant pénétrer dans son application des principes empruntés aux meilleures doctrines économiques. Travailleur infatigable, il a plus d'une fois enrichi la bibliothèque de l'Institut de ses estimables publications; et entre celles que nous lui devons dans ces derniers temps, nous ne saurions oublier sa Statistique médicale des hôpitaux de Paris, sur laquelle M. Lélut a fait un intéressant rapport. M. Armand Husson est aussi l'auteur d'un ouvrage sur les Consommations de la ville de Paris (Paris, Guillaumin et C. 4 vol. in-8°).

L'Académie n'a pas entendu avec moins de profit le rapport de M. Dunoyer sur le livre d'un savant ingénieur, M. Dupuit, membre de la Société d'économie politique, intitulé: La liberté commerciale, son principe et ses conséquences, livre dont nos lecteurs ont vu le compte rendu ici même, il y a quelque temps.

La mort du respectable M. Horace Say a laissé un vide parmi les membres libres de l'Académie. La commission chargée de présenter les candidats a arrêté la liste suivante :

En première ligne, M. Drouyn de Lhuys, ancien ministre des affaires étrangères, orateur distingué de notre ancienne Chambre des députés, qui s'est fait connaitre par divers rapports sur les matières de politique et de législation administrative.

En deuxième ligne, ex æquo : M. Jacques Matter, ancien correspondant de l'Institut, auteur d'un grand nombre d'ouvrages sur l'éducation, la philosophie et l'histoire, notamment d'une Histoire du Gnosticisme, d'un Essai sur l'école d'Alexandrie, d'un livre sur l'Influence des mœurs sur les lois et des lois sur les mœurs, et d'un autre sur l'Affaiblissement des idées et des études morales;-M. Boullée, auteur d'une Histoire des états généraux et d'une Histoire des ouvrages et de la vie de d'Aguesseau.

En troisième ligne, M. J. Garnier, l'habile économiste, que connaissent tous les lecteurs du Journal, l'auteur des Eléments d'économie politique et de tant de publications importantes pour la science économique.

L'Académie vient de faire une perte douloureuse : M. F. Laferrière, inspecteur général des écoles de droit, lui a été enlevé par une maladie de quelques jours. Les travaux que ce jurisconsulte avait publiés sur le droit administratif et l'histoire du droit français, étaient des titres considérables qui fixèrent le choix du gouvernement, lors de la création d'une section nouvelle. En l'admettant depuis dans la section de législation, à la place du comte Portalis, l'Académie lui avait montré qu'il était digne de son choix; il prenait en effet une part active à ses travaux; représentant de l'école française, il en avait l'élégance et la clarté, et si ses livres laissent à désirer sous le rapport de l'étendue des - recherches et de la connaissance des publications faites à l'étranger, on y trouve, du moins, des qualités qui en rendent la lecture aussi instructive que solide. Frappé dans toute la force de son talent, M. Laferrière, qui s'était, par son affabilité, concilié toute les sympathies, laissera de bien longs regrets. ALFRED MAURY.

BULLETIN FINANCIER.

SOMMAIRE.

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La Caisse générale des chemins de fer et les affaires qui en relèvent. -L'augmentation de l'escompte à Londres et son influence sur notre marché. Augmentation de l'intérêt des bons du trésor. Recettes des chemius de fer français en 1860 et en 1861. Coupons détachés. - Tableau des Bourses de Paris, Lyon et Marseille. -Bilans de la Banque de France, du Comptoir d'escompte de Paris et de la Société générale de crédit industriel et commercial.

Depuis notre dernier bulletin, des faits importants pour le monde financier ont eu lieu sur la place de Paris. Une grande Société par actions, la Caisse générale des chemins de fer, a passé, par l'empêchement d'un de ses gérants et la retraite de l'autre, sous l'administration provisoire du comte de Germiny, gouverneur de la Banque de France, nommé à cette position temporaire par décision du président du tribunal civil de la Seine.

Depuis plus d'un mois cette maison avait abandonné le terrain de la spéculation; aussi la bourse s'est-elle plus émue de ce fait comme marché des capitaux que comme place de spéculation.

Le bilan de cette maison que l'administrateur provisoire fait dresser en ce moment n'a pas encore été publié. On n'a sur les affaires de cette Compagnie que des renseignements tronqués ou incertains. Il y a donc nécessité d'attendre pour en parler que des faits positifs soient mis en lumière, ce qui ne peut tarder. Rappelons seulement que les affaires créées par cette Société, avec ou sans collaboration d'autres maisons, et qui ont encore des relations avec elle, sont, outre l'Emprunt turc, la Société générale des chemins de fer romains, la Compagnie des chemins de fer de Pampelune à Saragosse, la Société des ports de Marseille, qui toutes les trois, ont émis des actions et des obligations; la Société de l'éclairage au gaz et des hauts-fourneaux et fonderies de Marseille et des usines de Portes et Senechas, et la Société des journaux réunis (cette dernière sous la forme en commandite) qui n'ont émis que des actions. De toutes ces affaires, la plus embarrassante c'est sans contredit l'Emprunt turc; cette opération est bien inachevée ; elle a entraîné la Caisse des chemins de fer à des acceptations qui sont un danger grave pour cette maison, et c'est par ce côté que la situation de cette banque intéresse la place; car, nous le répétons, n'ayant pas de position engagée sur la place au moment de l'arrestation de son chef, elle n'a pu donner lieu à une liquidation plus ou moins importante.

Une autre difficulté, mais plus concentrée, est la garantie donnée par cette Caisse aux actionnaires de Pampelume à Saragosse, garantie dont nous avons antérieurement parlé. (Journal des Économistes, 1860, t. XXVI, p. 116.)

Les affaires dont nous avons parlé plus haut sont celles dont la Caisse des chemins de fer est principal fondateur. Mais elle possède en caisse une quantité assez considérable d'actions de sociétés à la fondation desquelles elle a contribué d'une manière secondaire, quoique importante encore. Telle est la compagnie royale des chemins de fer portugais.

De tous ces éléments, que sortira-t-il? C'est bien difficile à dire en face d'engagements et de contrats si multiples dans la forme et dans le fond. Il faut forcément attendre des documents plus explicites, tout en reconnaissant que ce qu'il y a de plus imminent pour le moment c'est l'affaire de l'emprunt

turc.

La rente, dans la première quinzaine de février, avait une tendance sérieuse à monter; la hausse de l'escompte à Londres a arrêté court cette velléité, et en quelques bourses, de 68.75 le 3 0/0 est revenu à f. 67.95. Cependant, ce mouvement était faiblement motivé par la mesure dont nous venons de parler. Les difficultés de la place de Londres sont pour le moment toutes locales; les frais d'arbitrage de place à place autorisent sans danger un écart de 2 0/0 entre les taux d'escompte à Londres et Paris; rien n'est donc à craindre pour notre marché de subsistance précieuse, et la Banque de France pourrait même sans danger baisser son escompte de 1 0/0. Sa position l'autorise à le faire, et nous espérons qu'elle aura le courage de prendre une décision que le commerce appelle de tous ses vœux.

Une augmentation du taux d'intérêt des bons du trésor de 1/20/0 pour toutes

les échéances a eu lieu le 5 mars; mais cette mesure laisse encore un écart de 2 1/2 0/0 entre le plus haut chiffre et l'escompte de la Banque; il n'y a donc là rien de bien anormal.

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Les recettes des chemins de fer français, pendant toute l'année 1860, donnent pour résultat kilométrique sur tout le réseau, 44,492 fr.; c'est une augmentation de 584 fr. ou 1.33 0/0 d'augmentation sur 1859; mais si on divise par réseau on a :

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