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BULLETIN FINANCIER DE L'ÉTRANGER

SOMMAIRE. Comptes de l'année 1860.

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Commerce extérieur de la Grande-Bretagne; de l'Autriche. La Société générale, la Banque nationale et l'Union de crédit en Belgique. - Banque de Brême. - Chemins de fer en Suède.

Les comptes économiques et financiers de l'année 1860 commencent à nous arriver de l'étranger aussi. Généralement parlant, ils ne sont pas aussi défavorables que beaucoup de monde les aurait attendus. La mauvaise situation politique n'a pas pu enrayer le mouvement économique, que le développement des besoins de la consommation d'une part, des moyens de communication d'autre part, pousse en avant avec une force presque irrésistible. L'influence des inquiétudes générales que la situation politique donne au monde économique s'est manifestée d'une façon négative plutôt que positive: elle paralyse le progrès, qui, dans une situation plus normale et sérieusement pacifique, poursuivrait sa marche conformément à la loi physique d'après laquelle la vitesse s'accroît en proportion de la distance parcourue. L'arrêt n'est donc que relatif, et le monde économique prouve qu'il possède assez de vitalité et de force inté rieure pour ne pas se laisser réarracher le terrain déjà conquis, que tout au plus on peut l'empêcher de faire des conquêtes nouvelles. Il ne faudrait pas cependant trop s'y fier. Une résistance prolongée outre mesure pourrait bien user la force de résistance; sous une pression trop forte et trop prolongée, le ressort pourrait finir par se briser.

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Les tableaux du commerce extérieur de l'Angleterre dénotent un petit accroissement sur l'année précédente, du moins dans la valeur de l'exportation; elle a monté de 130.4 à 135.8 millions 1. st., soit une augmentation de 5,431,288 1. st. ou de 4.12 p. 100. Ce chiffre de 1860 est le plus élevé que l'exportation anglaise ait jamais atteint. Un petit nombre seulement des articles d'exportation a vu en 1860 fléchir son chiffre; tels sont notamment les bières, la quincaillerie, les appareils télégraphiques et les articles en fer et acier. Ces derniers n'en forment pas moins l'un des principaux articles de l'exportation les fers et aciers entrent dans le total de 1860 pour 12,158,355 1. st. (156,082 1. st. de moins qu'en 1859) et se placent ainsi immédiatement après les cotonnades (42.1 millions 1. st. contre 38.7 millions en 1859) et les lainages (12.2 millions contre 12.0 en 1859). Dans le chiffre ci-dessus des cotonnades ne sont pas compris les fils de coton, dont l'exportation s'est élevée à 9.9 millions; la valeur des articles de coton a donc été de plus de 52 millions à l'exportation, soit environ 30 p. 100 du total. Il est moins facile de juger du progrès ou non de l'ensemble de l'importation, parce que les comptes sommaires n'en indiquent pas la valeur; il ne paraît toutefois pas qu'elle ait progressé à pas égal avec l'exportation. Les grands articles de consommation directe surtout se maintiennent à peu près à leur chiffre de 1859, si même ils ne descendent pas au-dessous. Ainsi l'importation du cacao n'a monté que de

3,480,888 livres à 3,481,463; celle du thé que de 76.3 millions à 76.8 millions; celle du vin que de 7,263,046 à 7,358,192 gallons; celle du tabac que de 34.8 à 35.4 millions livres; l'importation du sucre est même tombé (toujours pour la consommation intérieure) de 8.9 à 8.7 millions de quintaux; celle du riz, de 1,306,672 à 257,242 quintaux. Il y a encore une diminution analogue sur beaucoup d'autres articles de la consommation directe, à l'exception cependant des céréales dont l'importation a considérablement augmenté; elle a monté notamment pour le froment de 4,023,578 quarter à 5,906,181; pour les autres blés, de 3,954,814 à 5,181,701; pour le maïs, de 1,321,633 à 1,855,660; la consommation des farines étrangères a également monté de 3,357,350 à 5,196,882 quarters.

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Quant à la destination des exportations anglaises, l'Amérique du Nord y figure toujours au premier rang; elle a pris en 1860 21.6 millions 1. st. sur l'exportation anglaise. Tout au plus, l'ensemble des colonies anglaises la dépasse-t-il pour l'importance des achats en articles britanniques; parmi ces colonies, l'Inde orientale avec 16.4 millions 1. st. apparaît comme la meilleure cliente; vient ensuite l'Australie qui a acheté pour 9,707,499 1. st. et les possessions anglaises de l'Amérique du Nord pour 3,737,574 1. st.; sur le continent européen, les villes hanséatiques ont pris 10.4 millions; la Hollande, 6.2 millions; de sorte que la France (5,249,681 1. st.) ne vient qu'en troisième rang et est suivie d'assez près par la Turquie (4.4 millions I. st.) et par la Russie (3.3 millions 1. st.).

Les tableaux du commerce extérieur de l'Autriche présentent sur un point principal le même résultat que les tableaux anglais : en Autriche aussi, l'exportation a considérablement augmenté, tandis que c'est le contraire qui a eu lieu pour l'importation. Cette dernière s'est élevée en 1860 à 229.2 millions de florins, soit en diminution de 26.4 millions sur l'exercice 1859. La différence, cependant, porte en majeure partie sur l'importation des métaux précieux en barres ou monnayés; en faisant abstraction de cette importation spéciale, l'on trouve pour 1860 une valeur de 190.5 contre 194.4 millions, soit donc une diminution seulement de 4,000,000 florins. L'exportation s'est élevée en 1760 à 306.8 millions, contre 277.8 millions en 1859, soit une augmentation de 29 millions; mais dans ces chiffres entre l'exportation de métaux précieux pour 58,000,000 contre 75,000,000 fl. en 1859; reste pour l'exportation des marchandises proprement dites en 1860 un chiffre de 254.3 millions, qui est en augmentation de 45.6 millions sur 1859. Le revenu douanier s'est élevé à 13,360,761 (diminution de 592,013 fl. sur 1859) dont : 12,792,592 fl. en droits d'importations, 433,133 fl. en droits d'exportation et 85,036 fl. en droits de transit.

Les rapports des grandes sociétés financières, qui commencent à paraître (à l'étranger, les compagnies ne croient pas devoir attendre jusqu'à la fin d'avril pour rendre compte de leurs opérations), témoignent aussi dans le sens indiqué plus haut, c'est-à-dire que les résultats des opérations de 1860 ne sont pas précisément défavorables. Nous citerons à cet égard en première ligne la Société générale pour favoriser l'industrie qui fonctionne en Belgique depuis plus de 30 ans. On sait que cette société est pour ainsi dire le type des crédits mobiliers qui, 20 ans après, ont repris naissance en France et de là sont allés

se répandre en toute l'Europe. En face de la situation si peu satisfaisante où depuis quelques années se trouve la plupart de ces créations, si déjà elles n'ont succombé sous le poids des désastres dont a été suivie leur prospérité éphémère, il est doublement intéressant de connaître et de suivre la marche continue, de cette entreprise belge qui les a toutes précédées. La Société générale, grâce à l'esprit de loyauté et de prudence qui semble toujours présider à ses opérations, a traversé sans encombre les difficultés de ces dernières années, et si le maximum de bénéfice qui, pour elle aussi, se rencontre à l'année 1856, n'a pas été atteint depuis lors, le résultat des opérations se maintient toujours à un niveau très-satisfaisant et de beaucoup supérieur à ce qu'il avait été avant 1856. On en jugera par le tableau que voici, qui résume quelques éléments principaux de l'état comparatif des comptes des profits et pertes des dix dernières années :

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Ainsi qu'on le voit par la deuxième colonne du tableau, la Société générale tire la majeure partie de ses bénéfices des intérêts et dividendes des actions et obligations par la possession desquelles elle participe à diverses entreprises en Belgique. On évalue à un milliard de francs le capital des sociétés anonymes existant en Belgique; le capital de celles qui sont sous le patronage de la Société générale ou auxquelles elle est fortement intéressée, dépasse la somme de 200,000,000 fr. C'est assez dire qu'elle peut à bon droit revendiquer une part honorable dans la création et l'entretien du mouvement industriel en Belgique. Le montant annuellement croissant des bénéfices qu'elle tire de ces placements prouve assez que le patronage de la Société a été en général accordé à des entreprises sérieuses et solides, qui n'ont pas été atteintes par le mauvais état des affaires en ces dernières années. Au reste, le compte rendu présenté le 26 février 1861 à l'assemblée générale contient une longue énumération détaillée des actions qui constituent le portefeuille de la Société, du prix de leur émission et de l'évaluation avec laquelle elles sont portées dans le bilan du 31 décembre 1860. Les actionnaires et le public possèdent ainsi tous

(1) Sur les actions et obligations que possède la Société générale en diverses entreprises par elle créées ou patronnées.

(2) Sur les actions, obligations et promesses émises par la Société générale.

les moyens d'information pour juger la véracité du bilan et l'état réel des affaires de la Société. Ce bilan détaillé forme un contraste très-agréable avec ces prétendus comptes que les grandes sociétés financières en France présentent à leurs actionnaires, et où un bilan de quelques centaines de millions est résumé en quatre ou cinq lignes qui n'apprennent absolument rien à personne. Pour justifier ce laconisme, ou plutôt ce mutisme, on prétexte le danger qu'il y aurait pour une entreprise financière à « dévoiler ainsi le contenu de son portefeuille et, partant, la nature et la tendance de ses opérations; le tableau qui précède peut dire si la Société générale a perdu quelque chose à la franchise et à la loyauté de ses bilans... Le dividende pour 1860 a été fixé à 100 fr. par action. Les 31,000 actions de la Société générale étaient représentées le 31 décembre 1860 par 20,081 actions divisées, 2,781 actions complètes émises aux porteurs, et 8,120 actions complètes inscrites en noms.

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Le rapport de la Banque nationale de Belgique, lu à l'assemblée générale du 25 février 1861, présente également des résultats assez favorables, et, sur tous les points presque, un sensible progrès sur 1859. Le mouvement total des opérations a été de 2,821,000,000 fr., contre 2,467.5 millions en 1859; le chiffre des opérations s'est élevé à 963,113,197 fr., et a donné un bénéfice de 5,008,655 fr., ce qui constitue une augmentation de 120,018,991 fr. sur le chiffre des opérations, et une augmentation de 690,385 fr. sur leur produit. Naturellement, l'escompte a continué à jouer le principal rôle dans les opérations de ce grand établissement de crédit. L'escompte a porté sur 382,831 effets d'une valeur de 757.6 millions de francs, et a donné un produit de 3,952,534 fr.; comparativement à 1859, c'est un accroissement de 66,668 dans le nombre des effets escomptés, de 117.8 millions de fr. dans la valeur, et de 672,586 fr. dans le produit de l'escompte. L'augmentation de ce produit, qui s'explique en majeure partie par l'extension même des opérations de la Banque, est due encore à l'augmentation du taux moyen de l'escompte, qui a été de 3.45 0/0 en 1860, contre 3.36 0/0 en 1859. Le bilan au 31 décembre 1860 se balance en actif et passif par 251.5 millions; le portefeuille figure à l'actif pour 148 millions, et l'encaisse pour 68 millions de francs; au passif, l'émission de billets de Banque figure pour 136.5, et le solde de compte courant pour 81.8 millions. Le compte des profits et pertes présente un solde en bénéfice de 3,765,468 fr., ce qui fait une augmentation de 623,765 fr. sur 1859. Prélèvement fait de la part de l'État (365,000 fr., soit 99,852 fr. de plus qu'en 1859) et de la part de la réserve (731,253 fr. contre 531,991 fr. en 1859), il restait comme solde de bénéfice une somme de 2,595,002 fr. On a pu donner ainsi aux actionnaires un dividende de 84 fr. 75 c., ce qui, ajouté aux 25 fr. qu'ils avaient touchés au premier trimestre et à la part de chaque action dans l'accroissement de la réserve, élevait le bénéfice à 140 fr. environ, soit 14 0/0. L'Union du crédit, de Bruxelles, a ressenti d'une façon plus accentuée l'influence de la situation générale, qui était si peu favorable aux opérations de crédit. Le nombre des sociétaires a bien continué sa marche ascendante et s'est accru en 1859 de 112, pour 1,427,600 fr., de sorte qu'au 31 décembre 1860, il y eut 1,961 sociétaires pour 19,839,800 fr.; mais le mouvement de l'escompte n'a pas été en rapport avec l'accroissement du capital: de 47.6 millions en 1859, il est monté seulement à 49.9 millions fr. en 1860. L'escompte

a porté sur 87,494 effets (contre 85,048 effets en 1859) et le bénéfice réalisé s'est élevé à 118,231 fr. (contre 109,425 fr. en 1859).

Nous ne pensons pas que les opérations de 1860 aient fourni partout des résultats aussi favorables que celles que nous venons de constater pour les établissements belges. Parmi le petit nombre des établissements allemands qui ont déjà publié leurs rapports pour 1860 nous nous bornerons à citer la Banque de Brême, l'une des institutions de crédit les plus jeunes en Allemagne (elle date de 1856) et néanmoins des plus solides. Le mouvement total des opérations a été de 150 1/2 millions, contre 143 3/4 millions thalers en 1859 et 136 7/8 millions en 1858; la circulation moyenne des bank-notes a été de 1,596,000 th., contre 1,202,000 th. en 1839, et 651,000 th. en 1858; l'encaisse moyen a été de 1,245,000, contre 1,002,000 et resp. 990,000 th. Toutefois, malgré l'accroissement dans le mouvement général des affaires de la banque, les opérations d'escompte sur Brême sont descendues de 17.5 millions en 1859 à 15.8 millions th. en 1850, en même temps que l'escompte moyen, qui avait été de 4 0/0 en 1859, s'est abaissé à 3.58 0/0; cela explique pourquoi le produit de l'escompte est descendu à 142,602 th., contre 175,761 th. en 1859, et 169,010 th. en 1858. Le total des bénéfices a été de 314,754 th., sur lequel les dépenses ont pris 104,660; restait un excédant de 210,094 th., ce qui permit de donner aux actionnaires un dividende de 1 0/0 en sus de l'intérêt statutaire de 40/0.

Les compagnies des chemins de fer sont un peu plus lentes à dresser et surtout à publier leurs comptes annuels. Dans le prochain Bulletin nous pourrons probablement résumer le compte de 1860 pour plusieurs grandes entreprises étrangères. Pour aujourd'hui, nous citerons seulement quelques chiffres relatifs aux voies ferrées de la Suède, et que nous empruntons à un travail inédit qu'on a bien voulu nous envoyer de Stockholm pour le 3o volume (année 1861), actuellement sous presse, de notre Annuaire du crédit public. Le réseau suédois est exploité partie par l'État, partie par des sociétés particulières. Au 31 décembre 1860, la longueur exploitée et faisant partie du grand réseau était de 43.7 lieues suédoises ou de 467.59 kilomètres. Ces lignes sont toutes à voie simple. Les recettes brutes ont été, pour la ligne du Midi de 287,700 rixdalers (1 rixd. = 1 fr. 39 c.) en 1860, contre 247,634 rixd. en 1859 et 141,359 rixd. en 1838. Pour la ligne de l'ouest, elles ont été de 584,510 rixd. en 1860, contre 401,151 rixd. en 1859 et 229,879 en 1858. Les recettes proportionnelles, c'est-à-dire par lieue exploitée, ont augmenté pour cette dernière ligne de 31,490 en 1858 et de 31,414 en 1859 à 34,182 rixd. en 1860, tandis que pour la ligne du Midi (43,741 rixd.) elles sont inférieures d'environ 2,600 rixd. au rendement de 1858. Les lignes du Midi et de l'Ouest sont exploitées par l'État; quant aux lignes exploitées par des compagnies, celle de Arebro-Arboga-Nova a obtenu une recette de 230,410 rixd., contre 216,363 en 1859, et celle de Gefle-Dala a encaissé 437,469 rixd., contre 295,928 rixd. en 1858.

J.-E. HORN.

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