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TABLES DE L'INTÉRÊT COMPOSÉ, DES ANNUITÉS ET DES RENTES VIAGÈRES,
par EUGÈNE PEREIRE (1).

Ils sont trop rares encore ces ouvrages spéciaux où se trouvent commentés et résolus les problèmes si divers qu'entraînent après elles les questions financières. — Qu'il s'agisse d'emprunts, d'émission d'obligations, d'amortissement, etc., etc., l'économiste, le banquier, l'homme d'affaires, l'employé, sont contraints le plus souvent de se livrer aux calculs les plus ardus pour arriver au résultat désiré. C'est donc rendre un véritable service à tous les hommes qui s'occupent de combinaisons financières, c'est donc leur épargner une perte de temps, «< cette étoffe précieuse dont est faite la vie, » que de réunir et de résoudre dans une suite de tableaux les problèmes que peuvent enfanter les principales applications de l'intérêt composé, des annuités et des rentes viagères.

Aussi le livre de M. Eugène Pereire sera-t-il accueilli avec reconnaissance dans le monde financier, et nous sommes convaincus qu'il acquerra promptement cette réputation solide qui s'attache toujours aux œuvres sérieuses et utiles.

Dans une introduction sagement et clairement écrite, l'auteur explique en quelques mots le but et les divisions de son ouvrage.

« Etudier les principes généraux de calcul, en déduire des formules simples et d'un usage facile, les appliquer d'abord à des exemples variés, puis les prendre pour bases d'une série de tables numériques, tel est.... >>

Ce cadre a été complétement rempli. — Les principes généraux du calcul sont exposés d'abord avec précision, et les formules qui en sont tirées à la suite, sont presque toutes d'une appréciation aisée. — Du reste, l'usage qu'on en peut faire, les ressources qu'offrent quelquesunes d'entre elles, sont immédiatement indiqués dans des exemples choisis avec discernement et qui résument entre eux un grand nombre d'applications.

Ainsi sont passés en revue les problèmes de l'intérêt, des annuités, des rentes viagères et assurances sur la vie. Puis viennent la nomenclature et l'explication des onze tables qui terminent l'ouvrage. - Chacune d'elles est nommée, et immédiatement après, le mécanisme en est démontré dans quelques exemples qui en font saisir et apprécier les dispositions.

Certes un ouvrage aussi complexe présentait de grandes difficultés d'exécution. Il fallait ne pas perdre un seul instant de vue son but

(1) Chez Mallet-Bachelier, quai des Augustins, 55, et chez Guillaumin et C, rue Richelieu, 14.- Prix: 10 francs.

réel, c'est-à-dire l'utilité, alors que le terrain sur lequel l'auteur se posait, pouvait si facilement le mener à la science pure. M. Eugène Pereire a évité ce péril; son ouvrage porte bien le cachet qui lui est propre, et nous savons, de bonne source, qu'il fait rapidement son chemin dans l'appréciation des gens qu'intéressent les questions qui y sont traitées. E.-B. LE BEur.

L'INSTRUCTION POPULAIRE ET LE SUFFRAGE UNIVERSEL. Paris, chez les principaux Libraires. Brochure in-8°.

La brochure que nous signalons à l'attention de nos lecteurs n'a rien de commun avec les trop nombreuses élucubrations dans lesquelles tant de gens désœuvrés et de politiques inconnus se croient obligés d'exposer leur opinion sur les hommes et les choses de l'époque. Elle traite de l'instruction populaire et de la nécessité d'en répandre les bienfaits dans les masses. L'auteur connaît son sujet, il sait ce dont il parle, et l'on peut s'en rapporter à lui quant aux moyens qu'il propose; car, malgré l'anonyme qu'il a cru devoir garder, on n'ignore pas qu'il est un des principaux éditeurs de Paris, et celui qui, par ses publications à bon marché, a peut-être le plus contribué au mouvement intellectuel des dernières années. La circonstance même qui l'a conduit à exposer ses idées au public mérite d'être rapportée. « Un homme d'Etat éminent, grand jurisconsulte, » visitant il y a quelque temps une des grandes imprimeries de Paris, fut frappé d'y voir vingt-cinq puissantes machines employées à imprimer sans relàche de véritables montagnes de papier. Il s'informa du nombre de feuilles qu'elles imprimaient par jour, et fut surpris d'apprendre que celles-ci formeraient, en les juxtaposant, une longueur de 220 kilomètres, soit la distance de Paris au Havre. Il demanda naturellement si l'écoulement était en rapport avec cette puissante fabrication, et son étonnement augmenta quand on lui dit que cette usine et toutes celles de France qui, comme elle, étaient spécialement destinées à l'instruction populaire, ne produisaient pas la dixième partie des livres qui pourraient être débités en France, si des obstacles administratifs et fiscaux n'entravaient pas les éditeurs. Il pria le chef de l'établissement de lui remettre une note sur cette question importante, en lui promettant qu'elle ne passerait pas inaperçue. C'est cette note elle-même qui, sous le titre l'Instruction populaire et le suffrage universel, est actuellement soumise à l'appréciation du public.

Ce n'est pas aux lecteurs de ce recueil qu'il faut rappeler la nécessité de l'instruction populaire; ils savent tous que l'ignorance a toujours pour compagnes la misère et la démoralisation. Non-seulement les économistes n'ont jamais contesté à l'État le droit de donner au peuple l'instruction primaire, mais ils ont toujours prétendu que c'est pour lui

un devoir et l'un des plus sérieux. Ils ne sont en cela, qu'on veuille bien le remarquer, nullement en contradiction avec les principes qu'ils. défendent d'habitude; n'admettant, en effet, l'intervention de l'État que dans les choses où l'intérêt général se trouve engagé, ils peuvent,' avec quelque raison, soutenir que l'enseignement du grec, du latin, du droit ou de la médecine ne rentre pas dans ses attributions, parce que le pays n'a aucun intérêt à posséder beaucoup d'avocats, de méde cins ou de gens qui comprennent à moitié des langues qu'on ne parle plus..., au contraire. Mais, comme il lui importe baucoup que tous les citoyens connaissent leurs devoirs, et ne soient pas, pour la société dont ils font partie, un danger permanent, il est indispensable qu'il s'occupe de l'instruction populaire.

L'État a-t-il chez nous rempli comme il le devait cette partie de s tâche? On serait tenté d'en douter quand on voit d'un côté la malheu reuse position de la plupart de nos instituteurs, et de l'autre quand on lit dans la statistique militaire de 1857 que sur 310,289 cons crits, il y en avait 97,875 ne sachant ni lire ni écrire, 9,992sachant lire seulement, 192,873 sachant lire et écrire, 9,549 dont on n'a pu vérifier l'instruction. On peut, du reste, avoir une idée du chemin qui nous reste à faire pour atteindre le niveau de certains pays, quand on saura qu'aux États-Unis, par exemple, chaque citoyen paye 5 fr. d'impôt pour le budget des écoles. En gardant la même proportion, la France devrait donc consacrer à l'instruction pri maire 180 millions, au lieu de 20 qu'il lui en coûte aujourd'hui pour cet objet (1). Et l'on sait qu'aux États-Unis on n'abuse pas de l'inter vention de l'État.

Mais l'école primaire ne donne pas l'instruction; elle ne fournit que les moyens d'en acquérir. C'est par la lecture seulement que l'homme s'assimile les idées étrangères et qu'il s'éclaire sur les choses qui peuvent l'intéresser. Or, si restreint que soit chez nous le nombre des enfants qui fréquentent les écoles, celui des hommes qui mettent à profit ce qu'ils y ont appris l'est bien davantage encore. Il y en a bien peu qui sentent réellement le besoin de s'instruire, et le voudraientils, qu'ils ne le pourraient pas, n'ayant ni livres ni journaux à leur disposition. Sur les 4,225 libraires établis dans les départements, 4,761 habitent les chefs-lieux de département, 1,108 les chefs-lieux d'arrondissement, 1,393 les chefs-lieux de canton, 465 seulement les communes rurales.

Que résulte-t-il de là? C'est que l'écoulement des livres destinés au

(1) Voy. la préface (p. x1) de la traduction, par M. Dupont-White, du livre sur la Liberté, de M. J.-S. Mill. Paris, Guillaumin et C. In-12.

peuple étant fort difficile, on en écrit fort peu; car ici, comme ailleurs, la production est toujours subordonnée aux exigences de la consommation. Le gouvernement a beau proposer des prix pour les ouvrages de ce genre, et encourager la création de bibliothèques communales, ses efforts restent impuissants parce qu'ils ne peuvent rien contre la nature des choses. Les bons livres, en effet, ne se commandent pas, ils naissent quand le besoin s'en fait sentir, et les mesures administratives, quelles qu'elles soient, ne sauraient en provoquer la création. C'est à l'absence de liberté, aux lois qui soumettent le commerce de la librairie à des autorisations préalables, aux règlements divers qui l'entravent, que l'auteur le la brochure attribue une situation contre laquelle le gouvernement ui-même cherche à réagir, et il n'hésite pas à demander que, comme les autres industries en France, ce commerce soit délivré des obstacles qui l'empêchent de se développer. Il pense que la morale publique n'a pas en redouter les écarts, et que, du reste, la justice saurait les réprimer s'il venait à s'en produire. La suppression du timbre des journaux et la diminution des frais de poste pour les imprimés seraient le complément de cette importante mesure et contribueraient à répandre dans les masses les publications diverses dont elles sont actuellement privées.

Il n'est pas un économiste qui n'adhère de grand cœur aux conclusions de ce chaleureux plaidoyer en faveur du peuple, et qui ne désire vivement que, suivant la promesse de l'éminent homme d'État qui l'a provoqué, il ne passe pas inaperçu dans les sphères officielles.

J. CLAVÉ.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE.- Un sinistre financier. Encore la question du coton et des États-Unis.La Belgique et le cours légal de l'or. Un nouveau cours d'économie politique.

Toute la France s'est occupée et s'occupe d'un sinistre financier ayant eu jusqu'ici peu d'analogues. L'incarcération de M. Mirès s'est partagé l'attention publique avec la discussion de l'adresse au Sénat. Il ne fallait pas moins pour faire concurrence à la question de l'Italie et du pouvoir temporel du pape, qui passionne la France pour ou contre en ce moment. On comprendra que nous soyons très-réservés sur cette affaire de M. Mirès, dont le procès est actuellement en train de s'instruire. Quelle qu'en soit l'issue, les réflexions économiques ne manqueront pas. Mais

nous pouvons rappeler dès à présent que ces abus de l'agiotage, qui aujourd'hui même peuvent être affirmés sans rien préjuger sur leur caractère plus ou moins délictueux devant la justice, ne nous ont pas trouvés indulgents alors que les conseils de la presse pouvaient exercer une honnête et utile influence sur l'opinion. Le Journal des Economistes a fait plus d'une fois entendre un langage sévère sur ces excès de la spéculation. Il a prédit, avec une fermeté qui ne se laissait ni ébranler ni éblouir, le terme fatal de ces opérations si brillantes. Que la leçon profite aux petits capitaux du moins! La loterie peut avoir sans doute pour eux un attrait que n'ont pas les caisses d'épargne; ce n'est pas une raison pour y céder. Nous mentionnerons aussi les fermes paroles de M. le procureur général Dupin sur la conduite tenue par les journaux dans cette affaire de l'emprunt ottoman. Leurs premières pages étaient restées jusqu'à présent inviolables à la réclame, qui ne pouvait faire une bien grande illusion lorsqu'elle était reléguée à sa place ordinaire et entourée de tous les signes qui la font reconnaître. Cet air respectable qu'elle a pris tout à coup pour accréditer ses affirmations les plus osées, était de nature à faire des dupes. Il est regrettable que les journaux aient consenti à cette invasion de leurs colonnes par une prose trop séduisante, et ne se soient pas rendu suffisamment compte de l'effet produit sur une partie du public trop facilement impressionnable. Disons enfin, en attendant l'issue du procès, que la lettre de M. le garde des sceaux a produit un bon effet sur l'opinion. Cette déclaration si nette, que la qualité des personnes compromises ne ferait pas obstacle à l'action rigoureuse de la justice, est un hommage rendu à la morale publique alarmée, qui ne pouvait manquer d'être d'autant mieux accueilli qu'elle en sentait davantage le besoin.

L'affaire Mirès devait faire éclore des projets pleins de vertu pour mettre un terme préventivement aux abus de l'agiotage. L'Opinion nationale, journal qui manque rarement de recettes pour guérir et même pour prévenir tous les maux, et qui récemment nous proposait un moyen très-simple pour faire cesser la cherté des loyers, nous offre, cette fois encore, un remède assuré; c'est, si nous avons bien compris sa pensée, de mettre sous l'autorité d'un gouverneur relevant du ministre des finances, certaines institutions financières. L'Opinion nationale ne s'aperçoit pas qu'une mesure de ce genre tuerait la puissance même de l'association. C'est en faisant disparaître les entraves et non en les multipliant que les capitaux se répartiront entre une plus grande masse d'entreprises au lieu de venir se concentrer dans quelques mains. Convertir toutes les institutions financières, etc., en compagnies privilégiées, opérant plus ou moins avec la garantie du gouvernement, c'est faire jouer à celui-ci un rôle dangereux; c'est arrêter l'essor du crédit. L'Opinion nationale semble supposer que les associés de ce

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