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banques, qui se livrent à des opérations aléatoires, sont des incapables. abandonnés pieds et poings liés à une féodalité de hauts industriels qui disposent de leurs fonds comme ils l'entendent. Les associés sont-ils donc aussi ingénus et aussi désarmés? Ne savent-ils pas que, s'ils ont la chance de voir leur capital doublé, ils ont celle aussi de le perdre? Ce peut être un devoir des publicistes, des économistes, de prévenir les petits capitalistes ignorants contre le danger des placements aléatoires; ce ne saurait être la tâche des gouvernements d'empêcher ces placements, non plus qu'il n'est en leur pouvoir de changer le caractère de certaines entreprises hasardeuses. Du moins les précautions du législateur sont-elles ici fort limitées, si on ne veut les voir dégénérer en tutelle et détruire la fécondité, en beaucoup de cas l'existence même des libres associations. Il faut bien se convaincre que la Banque de France ne saurait servir de type à tous les établissements de crédit. Avec un gouverneur nommé par l'État l'esprit d'innovation serait anéanti, la routine régnerait, et les établissements financiers rouleraient dans le même cercle. Le péril est sans doute à côté du progrès; il faut savoir s'y résigner. Le charlatanisme frise de près la hardiesse de l'innovation qui enrichit ceux qui s'y livrent avec la puissance de justes combinaisons et d'habiles calculs. Est-ce une raison pour que le gouvernement se charge ou se mêle de discerner ce qui est viable en fait d'entreprise et de faire éviter à tout le monde les écueils et les naufrages? Nous ne croyons pas, quant à nous, que l'affaire Mirès, quand bien même le procès révélerait les abus les plus déplorables, doive justifier de nouvelles mesures contre la Bourse et contre les associations financières. Ces mesures feraient plus de mal que de bien. Les leçons de l'expérience coûtent cher, cela est vrai, mais ce sont là les seules qui comptent. N'en revenons pas aux lisières, parce que nous faisons des faux pas, et ne forçons pas ceux qui marchent à s'arrêter, parce qu'il y a des gens qui tombent.

Les affaires sont loin de s'arranger aux États-Unis.

Le dépouillement officiel du scrutin présidentiel a eu lieu en présence des deux Chambres du Congrès, et aujourd'hui M. Lincoln est incontestablement élu président. Dans peu de jours il aura prêté serment, et il prononcera son discours d'inauguration au Capitole. Son voyage a été une ovation populaire telle qu'on n'en a jamais vu de pareille; il a prononcé une série de discours plus remarquables encore, dit-on, par leurs réticences que par leur éloquence. Partout il a repoussé l'idée de se prononcer ou de faire quelque démarche importante avant d'être arrivé à Washington et de s'être rendu compte de la situation.

Pendant que M. Lincoln s'avance triomphalement vers la capitale

fédérale, M. Jefferson-Davis, nommé président de la Confédération du Sud, dirige sa marche avec non moins de pompe sur Montgomery. Lui aussi a ses convois spéciaux, ses admirateurs enthousiastes réunis en foule pour le recevoir, ses discours et les parasites qui lui demandent des places. Dans son discours d'inauguration, il repousse toute idée d'union, si ce n'est sur les bases de la Constitution que se sont donnée les Etats du Sud; mais il est prêt à recevoir les Etats du Nord dans la nouvelle Confédération. Il déclare que les amendements introduits dans l'ancienne Constitution fédérale ne font que l'interpréter dans un sens conforme à l'intention de ses auteurs.

Le nouveau gouvernement méridional a maintenant complétement pris possession du pouvoir, sans même consulter le peuple qu'il se propose de gouverner.

Enfin la Convention de la Paix qui siége à Washington a adopté le 15 des propositions semblables à celles que M. Guthrie avait soumises au Congrès. D'après ces résolutions, tout le territoire des États-Unis serait divisé par une ligne correspondant à 36 degrés 30 minutes de latitude nord. Dans tout le territoire situé au nord de cette ligne, l'esclavage ne serait pas toléré; dans le territoire situé au sud de cette ligne, l'esclavage serait reconnu tel qu'il y est établi aujourd'hui, et ni le Congrès, ni les gouvernements des territoires n'auraient le droit d'empêcher les émigrants de se transporter sur lesdits territoires avec leurs esclaves. D'après ces résolutions, il serait en outre déclaré que les territoires situés soit au nord, soit au sud de la ligne de démarcation seraient admis dans l'Union sur un pied d'égalité avec les anciens Etats; enfin que le Congrès ne pourrait jamais abolir l'esclavage dans aucun Etat, ni dans le district de Colombie sans le consentement du Maryland et de la Virginie. La traite resterait interdite, et la loi des esclaves fugitifs serait déclarée constitutionnelle.

Comment ne pas mentionner avec regret que les États du Nord ont prétexté de leur scission avec les États du Sud pour élever à leur profit les droits de douane? C'est une mesure qui rendra le raccommodement un peu plus difficile. Les Etats du Nord auraient dû comprendre en outre que, dans l'état des relations commerciales avec l'Europe, l'élévation des droits de douane sera de peu de ressource pour les États-Unis ?

Depuis que les États-Unis sont en état de crise politique, une inquiétude réelle règne dans les districts manufacturiers de l'Angleterre. On y prévoit une diminution prochaine de la récolte et de l'importation du coton, et l'on se demande comment on alimenterait les métiers et la nombreuse population ouvrière qui vit, en Angleterre, de la fabrication des étoffes, s'il survenait aux États-Unis soit une révolte des esclaves, soit un conflit par les armes entre le Nord et le Sud.

Espérons encore que ces tristes suppositions ne se réaliseront ni l'une

ni l'autre. Si l'émancipation des esclaves est chose désirable, ce n'est pas au prix du sang, de la ruine et du meurtre.

En attendant, les manufacturiers anglais se prémunissent contre toutes les éventualités, et s'ils parvenaient à se, créer d'autres sources d'approvisionnement de coton, ils susciteraient aux producteurs des États-Unis cette concurrence qui est le stimulant de l'industrie et du commerce, et qui fait ici trop défaut.

Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement qu'ils se préoccupent de cette création si importante pour eux. Longtemps avant l'explosion des démêlés actuels entre les États d'Amérique, ils cherchaient dans quelle partie du globe ils pourraient encourager avec fruit la culture du coton. L'Inde appelait leur attention; mais les voies de communication manquent dans ce pays, et, par suite, les importations du coton indien en Angleterre sont grevées de frais qui les ont toujours paralysées. Depuis la révolte des cipayes, l'état des choses ne s'est pas amélioré; bien au contraire, la famine sévit dans diverses parties de la péninsule hindoustanique.

Le budget indien se trouvant en déficit, et le gouvernement anglais étant sagement résolu à y établir l'équilibre, le ministre de l'Inde, sir Charles Wood, refuse nettement de charger ce budget de nouvelles dépenses pour travaux publics.

Reste l'Afrique. Depuis des années tous les missionnaires anglais répandus particulièrement sur la côte occidentale de ce vaste continent apprennent aux indigènes à se livrer à la production du coton. Mais dans des pays barbares, où le travail n'est pas une absolue nécessité, cette ressource est insignifiante.

A défaut, on pourrait exploiter avec succès les régions septentrionales où il existe des populations laborieuses et régulièrement gouvernées. C'est donc surtout de ce côté que se tournent, dit-on, les regards des fabricants de Manchester. Leur prévoyance est prudente, car il serait par trop désastreux qu'à une crise politique aux Etats-Unis répondit fatalement une crise industrielle et commerciale de l'autre côté de l'Atlantique.

Sans en être arrivée à cette crise, l'Angleterre souffre néanmoins du contre-coup des affaires américaines; il y a chômage dans plusieurs villes. La manufacture a dû restreindre son activité, tantôt par suite de l'insuffisance du stock des matières premières, tantôt par suite de l'insuffisance des débouchés pour les produits fabriqués.

De là, un chômage d'atelier qui ne peut se prolonger sans danger, et qui provoque déjà des grèves menaçantes.

La Chambre belge vient de rendre à l'or le cours légal. C'est un grand échec pour le ministre des finances, M. Frère-Orban, échec qui ne

nous fera que rendre plus complétement hommage à la manière habile et loyale dont il a défendu le système qui avait prévalu. En démonétisant l'or, la Belgique était rentrée dans la vérité des principes et de la législation monétaire. Nous craignons que la politique ne soit pour beaucoup dans l'agitation qui s'est faite au sujet de la question de l'or. Ce qu'il paraît y avoir de fondé dans les plaintes du commerce n'a-t-il pas été fort exagéré? Nous le croyons. Au reste, nous reconnaîtrons volontiers tout ce qu'il y a de regrettable dans la diversité des systèmes monétaires existant entre différents pays limitrophes, entre un grand Etat comme la France et un petit Etat comme la Belgique. Nous n'insisterons pas davantage sur cette mesure que vient de prendre la Belgique, et dont nos lecteurs auront vu qu'il est question dans ce numéro.

Applaudissons enfin à la création d'un nouveau cours d'économie politique. Reims veut avoir sa chaire comme Montpellier, et notre ami M. Victor Modeste serait appelé à y porter la parole. Nous applaudissons à l'heureuse initiative de la ville de Reims comme au choix heureux du professeur. Espérons que l'expérience qui a si bien réussi à Montpellier, et que M. Frédéric Passy y poursuit avec tant d'éclat, se renouvellera sur des points multipliés de la France industrielle, et que l'enseignement de l'économie politique acquerra dans peu ce qui lui manque encore pour avoir toute son efficacité. On ne saurait trop y insister; c'est le complément naturel du dernier traité de commerce et le seul moyen de mettre les intelligences en rapport avec les faits existants.

HENRI BAUDRILLART.

Paris, 15 mars 1861.

L'Administrateur-Gérant, GUILLAUMIN.

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BUDGETS DES FINANCES DES PRINCIPAUTÉS UNIES DE MOLDAVIE ET DE VALACHIE. —
Par M. A. UBICINI.....

DOCUMENTS STATISTIQUES BELGES.

CORRESPONDANCE. Question monétaire.

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tions de prévoyance, réponse à M. Leymarie, par M. ÉMILE LAURENT.........
REVUE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
Mémoire de M. Ad. Franck, sur les Publicistes du xvn siècle.
divers. Rapport de M. Barthélemy Saint-Hilaire, sur l'ouvrage
Lectures de MM. Giraud, d'Audiffret, baron Ch. Dupin.
cations de MM. Ad. Garnier et Nourrisson, sur Leibnitz. - Les lois morales de
la production matérielle, par M. Antonin Rondelet. Parallélisme des pro-
grès de la civilisation et de l'art militaire, par M. E. de la Barre-Duparcq.
Renouvellement du bureau pour 1861.- Par M. ALFRED MAURY....

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REVUE SCIENTIFIQUE.

I. Gheel, ou une colonie

d'aliénés vivant en famille et en liberté, par M. Jules Duval. De l'inter-
diction des aliénés, par M. H. de Castelnau.- II. Les grandes inventions, par
L. Figuier. L'année scientifique et industrielle, par le même.
Science pittoresque, par Lucien Platt.

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BIBLIOGRAPHIE. La liberté commerciale, son principe et ses conséquences, par
M. LAMÉ FLEURY. — - Zeitschrift dES K. PREUSSISCHEN STATISTISCHEN BUREAUS
(Journal du bureau de statistique prussien), par M. J.-E. HORN............................

BULLETIN FINANCIER.

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- Sommaire: Encore la crise américaine. Hausse de
Hausse de l'intérêt des bons du Trésor.

l'escompte à Londres et à Paris.
L'année 1860 finit mal.

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Taux moyen des reports sur les fonds français de

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