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purement négatif ou un bénéfice de compte tout au plus, et l'argent très-positif qu'on distribue aux actionnaires ne peut être pris que sur le capital même de la société, quelque habilement que cela soit dissimulé dans les bilans et quelque contents que paraissent les actionnaires des gracieusetés qu'on leur fait ainsi momentanément aux dépens de tout l'avenir de l'entreprise.

On aurait pu croire cependant que pour des établissements qui cherchent le plus beau de leurs bénéfices dans l'émission fiduciaire, l'exercice 1860 devait être particulièrement bon, à cause de l'affluence moindre de la monnaie métallique. Du moins, y a-t-il eu une forte décroissance dans l'exportation nordaméricaine de l'or. Cela ressort du tableau qui suit, où nous résumons les quantités d'or que New-York à reçues et celles qu'elle a expédiées chaque mois :

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La différence dans les expéditions est de plus de 28 millions dollars en défaveur de l'année 1860. On remarquera que ce sont surtout les trois derniers mois qui fournissent un contingent très-faible : les expéditions du dernier trimestre de l'année se montent en 1859 à 12,501,976 dollars, tandis qu'ils ne sont que de 2,841,441 en 1860. C'est là incontestablement un des effets de la crise, qui a fait rechercher et retenir le métal en Amérique même. La Monnaie s'est également ressentie, et dans une très-large mesure, de cet empressement du public à avoir des moyens de circulation métalliques. L'hôtel de monnaie de Philadelphie, établissement principal de l'Union, avait reçue en 1859: 1,555,252 dollarsen or et 910,560 dollars en argent à monnayer; en 1860, c'est presque le décuple de cette somme: 15,063,365 dollars en or et 549,218 dollars en argent. Sur ces 15 millions dollars d'or, apportés par le public pour être monnayés, plus de la moitié (8.8 millions) appartient aux mois de novembre et de décembre. Malgré tous les efforts imaginables, la monnaie de Philadelphie n'a pas pu suffire à ces demandes si subites et si fortes; elle a cependant, dans les deux derniers mois de 1860, fabriqué plus de monnaie (6,002,520 dollars) qu'elle n'en avait fabriqué durant toute l'année précédente (5,310,136). C'est surtout cette forte fabrication des deux derniers mois qui a fait monter le monnayage total de l'année 1860 à 13,466,602 dollars, dont: 11,851,711 dollars en monnaies

Tor, 687,119 dollars en monnaies d'argent et 214,660 dollars en cents. Le monnayage de l'année précédente s'était réparti comme suit: 1,455,678 dollars en monnaie d'or; 1,043,646 dollars en monnaie d'argent et 345,000 dollars en monnaie de cuivre. L'hôtel de monnaie de New-York a fabriqué pour sa part, en 1860, pour 1,580,955 dollars, dont 243,000 dollars en monnaies d'or et 1,337,955 dollars en monnaies d'argent.

La diminution dans les envois américains de métaux précieux durant l'année dernière, diminution dont les effets sur le marché monétaire pourraient bien devenir particulièrement sensibles dans l'année courante où la guerre civile de l'Amérique menace d'arrêter tout nouvel affluent, ressort encore du tableau du mouvement des métaux précieux en Angleterre; c'est le canal par lequel les richesses métalliques des pays transatlantiques se déversent sur l'Europe. Voici comment la dernière livraison du Journal de la Société de la Statistique de Londres résume ce mouvement pour les trois années de 1858 à 1860 :

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L'importation de l'or a donc diminué de moitié presque sur les deux années précédentes, tandis que l'importation de l'argent tient le milieu entre le chiffre élevé de 1859 et le chiffre très-bas de 1858. C'est à peu près le cas aussi pour l'exportation de l'or en 1860; par contre, l'exportation de l'argent est fort inférieure à ce qu'elle avait été en 1859. Pour les trois années réunies, le mouvement se résumerait comme suit :

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Les deux métaux réunis, l'Angleterre aurait gardé 8.8 millions liv. st. sur les importations faites dans ces trois dernières années. La quantité n'est pas assez forte, ce nous semble, pour pouvoir obvier à l'embarras que l'interruption des envois métalliques, par suite des événements américains, pourrait sous peu causer à la circulation européenne.

La Turquie, du moins, se tire à bon compte de pareils embarras : elle laisse vaillamment fonctionner ses presses pour la fabrication du papier-monnaie. Un récent décret annonce une nouvelle émission de caïmés pour la somme de 1,250 millions de piastres; ces caïmés devront circuler comme monnaie dans toute l'étendue de l'empire ottoman et seront reçus en paiement par toutes les administrations et caisses publiques, à l'exception des douanes. >> Sur le chiffre ci-dessus, 250 millions seraient destinés à former les deux tiers du capital de 375 millions en monnaies de bon aloi qui sera affecté au maintien du change sur l'Europe; le reste, soit un milliard, servirait à retirer les caïmés actuellement en circulation et à solder les arriérés du Trésor. Ces arriérės, ou l'accumulation de déficits budgétaires, sont signalées dans le décret comme la cause principale de la nécessité de recourrir à une nouvelle émission de papiermonnaie. On promet cependant, tout à fait à l'européenne, que « des dispositions doivent être prises incessamment pour le faire disparaître (le déficit annuel) complétement et pour arriver...... à un juste équilibre des dépenses et des recettes. » On sait en Europe ce que valent ces promesses, même dans les Etats dont la gestion financière ne laisse rien à désirer sous le rapport de la régularité, de la comptabilité et du contrôle. Il est vrai que le sultan fait appel « à la fidélité et au dévouement éprouvés des habitants de l'empire ottoman pour leur souverain, leur gouvernement et leur patrie, » et qu'il assure, en outre, avoir réuni pour la solidité de la nouvelle émission toutes les garanties désirables: impossibilité de dépasser un chiffre déterminé; affectation de revenus solides pour le retrait à opérer dans un délai fixé; administration régulière, inspirant toute confiance au public; suppression des bachliks et autres monnaies altérées qui portent le trouble dans les transactions commerciales; enfin, formation d'un capital destiné à la construction et à la réparation des routes, ports et canaux, propres à faciliter et à développer les opérations du commerce. » Il serait à désirer que cet appel au secours intérieur réussisse mieux à la Turquie que ne lui a réussi le recours, par l'intermédiaire de la caisse Mirès, aux capitaux européens.

J.-E. HORN.

BIBLIOGRAPHIE

LES BANQUES FRANÇAISES. Paris, Guillaumin et C. Broch. in-8 de 91 pages.

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Les conclusions de cet écrit et l'intention de l'auteur anonyme sont excellentes. Nous reviendrons sur l'intention; la conclusion, la voici : «En France, le régime abusif du privilége des banques, conséquence du principe d'autorité exagéré, est rendu plus dangereux encore par l'irresponsabilité des sociétés anonymes. » Pour mieux faire ressortir cette vérité, l'auteur ajoute l'antithèse : « En Angleterre, le régime fécond de la liberté financière, conséquence d'autres franchises, est protégé par une responsabilité, excessive peut-être, mais salutaire. » La réforme à réaliser dans notre régime banquier consisterait donc à accorder plus de liberté à la création d'établissements de crédit, mais à donner en même temps au public des garanties sérieuses contre l'abus. En cette généralité, la thèse ne saurait rencontrer de contradiction sérieuse de la part des docteurs ès sciences économiques; elle forme même depuis longtemps l'alpha et l'oméga des réclamations de l'économie politique en matière de crédit. Ce n'est donc pas, en tout cas, pour formuler cette doctrine que la pratique financière dut prendre la peine d'éclairer de « plus haut » le « vulgaire. »

C'est quant aux moyens de réaliser cette garantie que nous autres, gens qui a écrivons et ne savons pas, parce que nous ne pratiquons pas,» aurions effectivement besoin que la haute banque, à laquelle appartient l'auteur de cet écrit, daignàt nous éclairer, ne fût-ce que « par un trait rapide et même superficiel. » Je dois avouer cependant que la garantie préconisée par l'auteur ne me semble pas entièrement rassurante. Elle consisterait d'abord dans la responsabilité individuelle des gérants et directeurs, que l'anonymat met aujourd'hui à peu près hors de toute atteinte. Mais la responsabilité d'un individu ou même de plusieurs individus pourrait-elle jamais être une sauvegarde suffisante des intérêts financiers qui se chiffrent par dizaines et centaines de millions? Il y a quelques mois seulement, tous les journaux de France et de Navarre publiaient d'immenses réclames dans lesquelles un célèbre financier invitait à la souscription d'une entreprise de chemin de fer, en offrant de garantir le capital social; tout le monde, à Mazas et ailleurs, sait aujourd'hui ce qu'est devenu le garant et ce que valait la garantie offerte.

L'autre élément de garantie que préconise l'auteur consisterait à ne faire verser qu'une faible partie du capital social; la majeure partie en

resterait dans les mains des actionnaires et ne serait appelée qu'aux moments où des besoins imprévus, des circonstances critiques, exigeraient de nouvelles ressources. L'auteur part de la prémisse que la partie non appelée du capital sera « réalisable à première réquisition » : supposition gratuite, presque naïve. Imaginons le retour d'une crise comme celle de 1848; les établissements de crédit éprouveraient de la difficulté à faire rentrer leurs créances et seraient ainsi forcés, pour remplir leurs obligations envers le public, de se créer des ressources extraordinaires. La banque de France ne pourrait assurément réaliser qu'avec de grandes pertes les rentes, par exemple, dans lesquelles elle a immobilisé une partie de son capital social; mais ne serait-il pas infiniment plus difficile, et plus lent surtout, de demander et d'obtenir en ces moments critiques de nouveaux versements de la part des actionnaires? Les embarras, dans cette dernière supposition, retomberaient sur le public; dans la première supposition, les actionnaires seuls auraient à souffrir. Il nous semble pourtant que c'est au public qu'il s'agit de fournir des « garanties, » et non aux actionnaires.

Assurément c'est une très-mauvaise politique que de réunir un capital plus fort que ne l'exige le cercle d'action d'une entreprise financière quelconque. D'énormes exagérations produites, partie par les illusions des fondateurs, partie par des calculs intéressés que nous n'avons pas besoin de désigner plus spécialement, ont été commises en ce sens durant les années 1853 à 1858. Aussi avons-nous vu depuis lors, en France aussi bien qu'en Allemagne, un grand nombre d'entreprises écrasées pour ainsi dire sous le poids des capitaux immenses qu'ils avaient appelés sans savoir les féconder, et ne pouvant se sauver de la ruine, si elles y parvenaient, qu'en réduisant le capital de deux tiers, même de trois quarts. C'est autant de gagné pour les actionnaires; en partie, la réduction est avantageuse aussi au public, parce que les entreprises en question ne sont plus forcées alors d'inventer ou de « pousser » à tout prix des spéculations véreuses. Mais ériger en principe le versement d'une partie mince du capital social, nous semble une conclusion fort risquée à tirer de ces faits; nous ne comprenons aucunement la causa. lité présupposée d'après laquelle la garantie offerte au public par un établissement de crédit serait d'autant plus grande que l'engagement des actionnaires serait plus faible, et par conséquent l'intérêt aussi qu'ils auraient dans les moments critiques à soutenir, même par des sacrifices, l'établissement chancelant.

Tout en adhérant à l'idée principale de cet écrit, idée qui est loin cependant d'être une découverte nouvelle, nous ne croyons donc pas que la solution pratique du problème: donner plus de liberté au régime banquier en retour de plus de garantie à offrir au public, se trouve dans les moyens proposés par l'auteur... Ses idées sur la nécessité de la spécu

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