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lation boursière, sur le rôle de la monnaie fiduciaire qu'il trouve en tous points supérieure à la monnaie métallique, quelques autres énonciations encore, pourraient également prêter à la critique; passons. En général, les vues de l'auteur sont justes, conformes aux doctrines économiques; maintes de ces observations sur l'organisme et le fonctionnement des grands établissements de crédit en France méritent d'être prises en considération.... Mais est-ce assez pour justifier le ton magistral avec lequel l'auteur s'annonce? Quand un membre de la «< haute banque »> daigne prendre la plume, parce que les études approfondies que comporte l'examen théorique du crédit manquent à la plupart des écrivains improvisés de cette spécialité, » et que « les articles d'appréciation, quels que soient leur étendue, leur classement et leur mérite, ne sont, la plupart du temps, que des réclames plus ou moins habiles, rédigées par des entrepreneurs de succès ou inspirés par des intérêts tout puissants sur la presse; » quand il déclare que les traités sur la matière manquent généralement de vie et d'originalité » et promet de condenser en peu de lignes un ensemble de principes et de renseignements spéciaux qu'on trouverait difficilement dans les ouvrages théoriques publiés sur la banque et le crédit, et encore bien moins dans des recueils périodiques » quand un nouveau venu s'introduit dans la famille des écrivains avec de pareilles prétentions, il faudrait au moins écraser ces pauvres diables de knownothing par la supériorité d'enseignements théoriques et de renseignements pratiques qu'on aurait la grâce d'apporter au public. Les uns et les autres, nous les avons en vain cherchés dans l'écrit que nous annonçons; il est du genre de ceux dont, au dire d'un proverbe allemand, 112/2 font une douzaine. Nous ne croyons pas que la science des Say, des Rossi, des Bastiat, soit réellement enrichie par ces révélations de la « haute banque; » nous ne croyons pas non plus que ces maîtres vénérés de la science économique, pour n'avoir pas été «< inaccessibles à la pression d'un salaire, » c'est-à-dire pour n'avoir connu d'autres occupations et d'autres préoccupations que le développement de la science, aient été moins « sensibles aux douces émotions. de l'enseignement public » que ne l'est la haute banque, quand elle veut bien, dans ses moments de loisir, «éclairer de plus haut les agents et agissements du crédit. »

J.-E. HORN.

DU DROIT D'APPEL limité à 1,500 francs, surtout en matière d'assurances maritimes, par NEGRIN, avocat à la Cour impériale d'Aix. - Paris, Marescq aîné. 1 vol. in-8°.

Les questions de juridiction ont pour l'administration de la justice et pour les intérêts qui s'y rattachent une importance qu'on ne saurait

méconnaître; ce qui est exact pour les affaires civiles devient encore plus évident, en supposant que le vrai soit susceptible de gradation, pour les affaires commerciales et spécialement pour les affaires maritimes. Ces considérations ont sans doute vivement impressionné un avocat distingué du barreau de la cour impériale d'Aix dans l'ouvrage qu'il a publié récemment sous le titre: Du droit d'appel limité à quinze cents francs, surtout en matière d'assuranees maritimes, et dans lequel l'auteur se propose pour but spécial de déterminer comment doit être calculé le chiffre auquel le législateur a successivement fixé la limite des deux ressorts et d'exposer l'état de la jurisprudence sur ce point, notamment en ce qui concerne le contrat d'assurance maritime; et en même temps et par un lien logique nécessaire, l'examen de la question, non plus seulement au point de vue du contrat d'assurance maritime, mais à un point de vue général.

De l'étude historique très-intéressante que présente M. Negrin sur le droit d'appel en droit romain et dans l'ancien droit français jusqu'à la révolution de 1789 ressort au point de vue du cumul des demandes que, sous l'ancienne législation, devant la juridiction consulaire et aussi devant la juridiction ordinaire, mais non sans quelque réserve de la doctrine, il suffisait que les demandes fussent introduites par un seul exploit pour que le cumul de la réunion des chefs de demandes ou des parties fùt autorisé. Le silence de la loi actuelle trouve dans les ouvrages des auteurs modernes un utile complément qui permet à M. Negrin de conclure à l'existence d'une doctrine favorable au cumul tant en matière ordinaire que pour l'assurance maritime notamment, et garantit le droit d'appel dans les différentes combinaisons.

Peut-être seulement est-il à regretter qu'avec ses notions philosophiques sur la matière et sa connaissance parfaite des origines historiques, M. Negrin ne se soit expliqué qu'incidemment sur la question de la légitimité de l'appel en lui-même. Ce n'est pas là, à notre avis, un point si nettement et si définitivement tranché qu'il n'y ait plus lieu d'y revenir. Les raisons sur lesquelles s'appuient les adversaires de l'appel dans un système d'organisation judiciaire bien conçu ne sont pas sans valeur, et la solution éclairée du litige peut encore demeurer utilement à l'instruction. N'y a-t-il pas dans le maintien de l'appel un souvenir du droit féodal, et pourquoi certains juges auraient-ils le privilége de réformer la décision des autres ? La vérité est-elle plutôt en appel qu'en première instance ? N'est-il pas à craindre que le plaideur insolvable ne se laisse aller à toutes les ardeurs de ses haines et de ses rancunes, bien convaincu que la continuation de la lutte ne peut lui présenter que des chances favorables, etc.? Ces arguments ne sont pas sans réponse, et la controverse a déjà alimenté des volumes. Quoi qu'il en soit, et je crois pouvoir soupçonner quelle serait sur ce point l'opinion de M. Negrin,

on ne peut que le féliciter et le remercier d'avoir consigné et fait connaître aux amis des études juridiques, sur une question spéciale, les enseignements d'une longue pratique. C'est surtout devant la cour impériale d'Aix, appelée à décider en dernier ressort toutes les questions de droit maritime, que soulèvent les grandes opérations commerciales engagées par Marseille, qu'il est utile et opportun de pénétrer les problèmes juridiques nés du commerce et de la spéculation.

CH. VERGÉ.

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

Réunion du 5 avril 1861.

COMMUNICATIONS: Mort de M. Leymarie. - Réunion de la Société d'économie politique à Turin. - Création d'une Société d'économie politique en Hollande. — Vœu pour la suppression absolue du régime douanier par la chambre de commerce d'Anvers et la Société d'économie politique belge.-Ouvrages présentés.

L'ukase proclamant l'abolition du servage en Russie et la discussion de la Société agronomique de Varsovie au sujet des paysans de Pologne.

Cette réunion a été présidée par M. H. Passy, ancien ministre des finances, membre de l'Institut.

Avant que la discussion générale ne commence, M. Joseph Garnier, secrétaire perpétuel, fait part à la réunion de la mort de M. Achille Leymarie, appartenant à la Société depuis quelques années; et il énumère sommairement les travaux de ce regrettable publiciste. M. A. Leymarie, né à Limoges en 1812, a commencé à se faire connaître comme écrivain par des travaux historiques sur le Limousin, et plus tard par une Histoire des paysans (1). Il a collaboré pendant ces dernières années au Journal des Économistes, au Dictionnaire du commerce et de la navigation, et il a obtenu une mention honorable à l'Académie des sciences morales et politiques pour ses dialogues d'économie politique et de morale intitulés Tout par le travail (2). Plus récemment, il a publié une brochure sur la question de la réforme douanière, dans laquelle l'économie politique était sacrifiée à la politique. Journaliste dans son pays avant et après la révolution de 1848, M. Leymarie est venu

(1) Paris. Guillaumin. 1849. 2 vol. in-8°. Le Limousin historique. 1839. Gr. in-8°. Histoire du Limousin. 1845. 2 vol. in-8°.

(2) Tout par le travail. — Paris. Guillaumin. Gr. in-18. 1857.

fonder à Paris le Courrier du Dimanche, auquel madame Leymarie a fourni une remarquable collaboration. Comme la révolution, et plus tard le rétablissement de l'empire avaient blessé les convictions de M. Leymarie, les dernières années de sa vie ont été mises au service de l'opposition, qui est aussi un élément de progrès dans les pays représentatifs. C'était un de ces hommes à la volonté forte, au caractère ferme et persévérant, assez rares de nos jours, et qui emportent l'estime de leurs adversaires eux-mêmes.

Après cette pénible communication, la Société apprend avec un vif intérêt la fondation projetée d'une Société d'économie politique en Hollande, qui se réunira quatre fois par an à Amsterdam, et la reprise par la Société d'économie politique, fondée l'an dernier à Turin, de ses séances, que les événements politiques avaient interrompues. Le bureau de la Société de Turin est composé de M. le comte Arrivebene, président; M. le marquis Gustave de Cavour (frère du président du conseil) et Cadorna, vice-présidents; MM. Reymond et Giudice, secrétaires. Plusieurs notabilités assistaient à la première réunion du 15 mars: M. Corsi, ministre de l'agriculture et du commerce; M. Peruzzi, ministre des travaux publics; M. le marquis Alfieri, ancien président du Sénat, etc. M. le secrétaire perpétuel donne un aperçu sommaire de la discussion, qui a porté sur le crédit foncier, et à laquelle ont pris part MM. le professeur Reymond, le ministre Corsi, le sénateur de Cardenas, le comte Arrivebene, le sénateur Cadorna, le comte de Salmour, le marquis Gustave de Cavour, le comte Michellini. En adressant le compte rendu de cette séance à M. Joseph Garnier, secrétaire de la Société de Paris, M. le comte Arrivebene lui écrit : « Les Italiens, malgré les préoccupations auxquelles ils sont en proie et les grandes difficultés qui les entourent, ne négligent pas la science, et surtout l'économie politique, science que l'on peut dire autonome en Italie. Mais il est vrai de dire que les efforts faits pour conquérir la liberté retrempent les âmes et les rendent aptes à faire marcher de front plusieurs nobles entreprises à la fois. » (Nombreuses marques d'adhésion.)

M. le secrétaire perpétuel signale ensuite une remarquable proposition faite à la Chambre de commerce d'Anvers par M. Alexis Jeoffroy, un de ses membres, qui lui demande d'émettre le vœu d'une suppression totale de régime douanier, dans l'intérêt de l'industrie et du commerce belges. Cette importante proposition prouve le progrès de l'idée de la liberté commerciale chez nos voisins. En 1856, lors du congrès de la réforme douanière, les représentants de la Chambre de commerce d'Anvers s'étaient montrés plus timides que ceux de la Chambre de Verviers et que les délégués de Rotterdam. La Société d'économie politique belge, qui s'est réunie le 24 mars, et qui compte plusieurs

industriels dans son sein, a appuyé la proposition de M. Jeoffroy', après une intéressante discussion à laquelle ont pris part MM. G. de Molinari, Mayer-Hartogs, Ch. Lehardy de Beaulieu, Wercken, H. Gouvy, Hymans, Guillery, Masson, Jottrand et Deheselle.

M. PELLAT, doyen de la faculté de droit, présente à la Société, de la part de M. Manuel Colmeiro, un de ses membres associés à l'étranger, une brochure contenant deux discours à l'Académie royale d'histoire de Madrid: l'un par M. Colmeiro, lors de sa réception, sur los Politicos y Abitristas espanoles des seizième et dix-septième siècles; l'autre en réponse, par M. Antonio Cavanilles, membre de la même académie.

M. JOSEPH GARNIER présente de la part de M. Horn une brochure intitulée Procès des banknotes hongroises; François-Joseph Ier contre Louis Kossuth. Cette publication contient les pièces sur lesquelles roule ce curieux procès pendant devant la cour d'équité de Londres et intenté par l'empereur d'Autriche 'contre l'ex-dictateur de la Hongrie, pour l'émission des billets de banque faits par ce dernier. M. Horn les a traduites avec un zèle patriotique, partie du latin, partie du hongrois, de l'allemand et de l'anglais.

Après ces communications, M. Joseph Garnier appelle l'attention de la réunion sur l'acte solennel de l'abolition du servage en Russie, que vient de signer l'empereur Alexandre II. C'est là, dit-il, une réforme qui intéresse non-seulement vingt millions de paysans, mais l'humanité tout entière. Celle-ci doit être reconnaissante envers le souverain qui, par son initiative, sa persévérance, est parvenu à réaliser, malgré bien des obstacles suscités sous ses pas, ce grand acte de réparation. La Société d'économie politique, en se trouvant réunie pour la première fois depuis l'accomplissement de cette grande mesure économique et sociale, doit exprimer la vive satisfaction qu'elle éprouve.

La proposition de M. Joseph Garnier est accueillie par une approbation unanime (1).

Le prince PIERRE DOLGOROUKOW dit que l'empereur Alexandre est d'autant plus digne de sympathie et de reconnaissance, pour la mesure si importante qu'il vient de proclamer, qu'il a eu à surmonter des obstacles graves et à lutter contre de nombreuses difficultés. Il faut connaître les hommes et les choses, à Saint-Pétersbourg, pour apprécier à sa juste valeur tout le courage civil dont l'empereur Alexandre a eu

(1) Il est à remarquer que cette réunion de la Société d'économie politique avait lieu avant les derniers événements de Varsovie, si déplorables à tous égards. (Note du rédacteur.)

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